Les Enseignants du supérieur en France et en Allemagne La question du renouvellement du personnel dans l'après 1945

Eine Untersuchung der Säuberung in den Universitäten in Frankreich nach der Befreiung durch die Alliierten und der Entnazifizierung in Deutschland nach der bedingungslosen Kapitulation ermöglicht die Frage nach den Kontinuitäten und Brüchen dieser Institution sowie der Eliten in zwei nachhaltig erschütterten europäischen Ländern: eines durch zwölf Jahre nationalsozialistischer Diktatur und die Niederlage von 1945, das andere durch die Niederlage von 1940, die deutsche Besatzung, das Vichy-Regime und die Kollaboration. Auf beiden Seiten des Rheines stand damit ein Nachdenken über das Scheitern der Eliten, die Verantwortung des Systems zur Ausbildung dieser Eliten und die Reform der Universität zur Debatte. Der aktuelle Forschungsstand erlaubt eine erste vergleichende Herangehensweise. Er regt trotz der zeitlichen Verschiebung aufgrund vielfältiger Übereinstimmungen in der Vorgehensweise, den Zielen und auch den Misserfolgen sogar dazu an.

Les enseignants du supérieur en France et en Allemagne. La question du renouvellement du personnel dans l’après 1945

Von Corine Defrance

Étudier l’épuration des universitaires en France à la Libération, et la dénazification en Allemagne au lendemain de la capitulation sans condition, permet de s’interroger sur les continuités et les ruptures de l’Institution et des élites dans deux des pays européens profondément ébranlés l’un par les douze années de dictature nationale-socialiste et la défaite de 1945, l’autre par la défaite de 1940, l’occupation allemande, le régime de Vichy et la collaboration. De part et d’autre du Rhin, l’heure était à la réflexion sur la faillite des élites, la responsabilité du système de formation de ces élites et la réforme de l’Université. L’état actuel de la recherche permet de tenter une première approche com­parative. Il y incite même, tant sont nombreuses les similarités, malgré un certain déca­lage temporel, dans les procédés, les objectifs et même les échecs. Dressant le bilan de l’épuration dans les universités françaises, Claude Singer a évoqué des « ruptures super­ficielles […] quant au fond, quant à la forme et quant à la durée ». Un tel constat carac­térise aussi l’Université allemande après 1945 surtout dans les zones occidentales, mais aussi, dans une large mesure, dans la zone d’occupation soviétique. Dans les deux, et bientôt trois pays, l’épuration resta limitée et fut suivie peu après par une vague de réin­tégrations et d’amnisties, visant dans chaque pays à resserrer la cohésion sociale et poli­tique, mais entravant le renouvellement profond de l’Université. Si l’on est tenté d’établir la comparaison, il faut pourtant garder à l’esprit la diversité fondamentale des situa­tions : d’un côté, un État souverain, voulant conforter sa légitimité, mène l’épuration de ses citoyens ; de l’autre, en l’absence d’État allemand, la dénazification est menée par quatre occupants ne visant pas toujours des objectifs identiques. Et le bilan de l’épuration met en lumière une autre différence essentielle : l’emprise de la « révolu­tion nationale » sur l’Université française ne peut guère être comparée à celle du natio­nal-socialisme sur l’Université allemande. Avec 10 % d’universitaires sanctionnés au lende­main de la Libération, l’enseignement supérieur fut l’un des secteurs de la société fran­çaise les plus rigoureusement touchés par l’épuration ; en Allemagne, avec large­ment plus d’un tiers des universitaires concernés par la dénazification, l’enseignement supé­rieur fut bien moins affecté que l’enseignement primaire ou secondaire. L’échelle de l’épuration n’est donc pas la même.

Eine Untersuchung der Säuberung in den Universitäten in Frankreich nach der Befrei­ung durch die Alliierten und der Entnazifizierung in Deutschland nach der bedingungslo­sen Kapitulation ermöglicht die Frage nach den Kontinuitäten und Brüchen dieser Insti­tution sowie der Eliten in zwei nachhaltig erschütterten europäischen Ländern: eines durch zwölf Jahre nationalsozialistischer Diktatur und die Niederlage von 1945, das andere durch die Niederlage von 1940, die deutsche Besatzung, das Vichy-Regime und die Kollaboration. Auf beiden Seiten des Rheines stand damit ein Nachdenken über das Scheitern der Eliten, die Verantwortung des Systems zur Ausbildung dieser Eliten und die Reform der Universität zur Debatte. Der aktuelle Forschungsstand erlaubt eine erste vergleichende Herangehensweise. Er regt trotz der zeitlichen Verschiebung aufgrund vielfältiger Übereinstimmungen in der Vorgehensweise, den Zielen und auch den Miss­erfolgen sogar dazu an. In seiner Bilanz der Säuberung an den französischen Universi­täten nannte Claude Singer „oberflächliche Brüche [...] bei Inhalt, Form und Dauer“. Dieser Befund ist ebenfalls für die deutschen Universitäten nach 1945, vor allem in den Westzonen, aber weitgehend auch in der sowjetischen Besatzungszone gültig. In den bei­den, bald drei Ländern, blieben die Säuberungen beschränkt, es folgten kurz darauf eine Welle von Wiedereingliederungen und Amnistien. Dabei ging es in jedem der Länder darum, den sozialen und politischen Zusammenhalt zu stärken, was jedoch die grundle­gende Erneuerung der Universitäten behinderte. Auch wenn sich der Vergleich anbietet, sollte die grundlegende Unterschiedlichkeit der Situationen nicht aus den Augen verloren werden: Auf der einen, der französischen Seite handelte es sich um einen souveränen Staat, dem es darum ging, seine Legitimität zu festigen und der Säuberungen gegenüber seinen Mitbürgern vornahm; auf der anderen Seite existierte kein deutscher Staat mehr, die Entnazifizierung wurde von vier Besatzungsmächten ausgeführt, die nicht immer die gleichen Ziele verfolgten. Auch das Ergebnis der Säuberungen zeigt einen wesentlichen Unterschied: Der Zugriff der „nationalen Revolution“ auf die französischen Universitä­ten war nicht vergleichbar mit dem des Nationalsozialismus auf die deutschen. Mit 10 Prozent sanktionierter Hochschullehrer nach der Befreiung war in Frankreich die Uni­versität einer der Bereiche der Gesellschaft, der am stärksten gesäubert wurde. In Deutschland hatte die Entnazifizierung für mehr als ein Drittel der Hochschullehrer Kon­sequenzen, wobei die Hochschulen im Vergleich zu den Grund- und Sekundarschulen vergleichsweise weniger betroffen waren. Das Ausmaß der Säuberungen war damit nicht das gleiche.´

***

En novembre 1993, lors d’un colloque portant sur les universités sous Vichy, commémorant la rafle du 25 novembre 1943 dont avaient été victimes des étu­diants et enseignants de l’Université de Strasbourg alors repliée à Clermont-Ferrand, André Gueslin déplorait le retard français à entreprendre une réflexion collective sur le rôle et la responsabilité de l’Université sous le régime de Vichy.[1] La zone d’ombre dans laquelle se tint l’Université française de 1940 à 1944, entre Vichy et l’occupant nazi, entre collaboration et résistance, explique peut-être qu’elle soit restée longtemps en marge du champ d’investigation des historiens.[2] André Gueslin notait aussi le retard de l’historiographie française à aborder une telle thématique, tandis qu’Outre-Rhin la question de l’Université, des universitai­res et des étudiants sous le « IIIe Reich » était déjà un objet privilégié de l’historiographie.[3] Depuis dix ans, les travaux se sont poursuivis dans les deux pays, traitant aussi, en aval, de l’immédiat après-guerre : la question de l’épuration ou de la dénazification de l’Université est généralement abordée sous l’angle des continuités et des ruptures de l’institution[4], des disciplines et des élites (l’Historikertag de 1998 a révélé au grand public les débats sur le passé de certai­nes des grandes figures de l’Université allemande, en particulier des historiens[5]) et des liens entre science, éducation et politique.[6] En comparant mes propres recher­ches sur les universités allemandes dans les zones occidentales[7] et celles de Ralph Jessen sur la zone soviétique[8] aux travaux de Claude Singer sur l’Université fran­çaise à la Libération[9], des similarités se font jour, malgré un certain décalage tempo­rel, dans les procédés, les objectifs et même les échecs. Si l’on est tenté d’établir la comparaison, il faut garder à l’esprit la diversité fondamentale des situations : d’un côté, un État souverain cherchant à consolider sa légitimité mène l’épuration de ses citoyens ; de l’autre, en l’absence d’État allemand, la dénazifi­cation est menée par quatre occupants ne visant pas toujours les mêmes objectifs. À la mise en parallèle du processus d’épuration dans les deux pays, s’ajoute l’étude de la participation des autorités françaises à la dénazification dans leur zone d’occupation en Allemagne. Les principes qui guidèrent les responsables français en métropole furent-ils les mêmes que ceux qu’ils suivirent dans le Sud-Ouest de l’Allemagne occupée ?

Avant d’aborder les aspects majeurs des bouleversements affectant le corps des enseignants du supérieur – épuration, réhabilitation des victimes de « l’État français » et du « IIIe Reich », réintégration des « épurés » et recrutement de nou­veaux enseignants –, rappelons brièvement quelle était la situation globale en 1944/45 à la veille des épurations. À partir de 1933, un grand nombre d’universitaires allemands se réfugièrent dans l’apolitisme ou la « tour d’ivoire » : une minorité importante (plus d’un tiers des Ordinarien, professeurs titulaires de chaire) put rester en poste sans entrer dans le parti ; une petite minorité de profes­seurs adhéra avec conviction à l’idéologie nationale-socialiste et une majorité prit formellement la carte du parti. Le régime nazi se chargea d’épurer les opposants politiques et les enseignants d’origine juive. Jacques Gandouly estime qu’un tiers des enseignants du supérieur avait dû quitter leurs postes en 1938.[10] S’il y eut mise au pas de l’Université par le régime, retenons toutefois que, confrontés au principe de réalité (la science ne se plie pas si facilement à l’idéologie), les nazis ne parvin­rent pas à réformer entièrement le système universitaire selon leurs prétentions totalitaires.[11]

En France, l’Université, en tant qu’institution, ne s’était engagée ni dans la collaboration ni dans la Résistance.[12] Bien sûr, à titre personnel, les enseignants firent leur choix. S’il y eut des collaborateurs parmi les universitaires, André Gueslin se demande si l’Université, « à défaut d’être un grand fournisseur de combattants de l’ombre – le métier d’universitaire n’y prépare guère –, n’a pas été un môle protecteur […] répulsif aux valeurs de l’État français ».[13] En effet, l’idéologie de Vichy a eu du mal à pénétrer dans les universités, et « la tentative temporaire de penser une autre Université, en suivant quelque peu les principes de la Révolution Nationale, est à chercher à l’extérieur de l’Université, du côté d’Uriage ».[14] Rappelons tout d’abord qu’en matière de politique universitaire, l’occupant allemand laissa pratiquement toutes les compétences au régime de Vichy : la politique culturelle allemande en France occupée se concentrait surtout sur les domaines de la littérature, des beaux-arts, du théâtre et de la musique, se désintéressant pratiquement de tout ce qui avait trait à l’éducation – « weder Hin­derung noch Förderung », telle était la consigne du Reichsminister Bernhard Rust du 6 septembre 1940 –, dans la mesure où la sécurité de l’Allemagne nazie n’en dépendait pas. Cela explique que l’occupant intervint seulement dans les affaires universitaires pour réprimer toutes les manifestations jugées anti-allemandes, les groupes et actes de résistance, qu’il surveilla les nominations aux plus hauts pos­tes de responsabilité (en particulier les recteurs) et fit pression sur Vichy pour mener l’épuration de l’Université.[15] Il faut considérer à part le cas de l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand qui constitue à elle seule un chapitre des relations entre l’occupant et Vichy.[16] Le régime de Pétain lui-même ne s’est guère immiscé dans l’enseignement supérieur[17], à une exception près, de taille, celle de l’épuration : 10 % des universitaires environ furent épurés par Vichy, les premiè­res victimes étant les juifs, les francs-maçons, les opposants politiques et les résistants. [18] Telles sont les situations qu’il faut garder à l’esprit pour prendre la mesure de l’épuration qui suivit le tournant de 1944/45 marqué ici par la Libéra­tion, là par l’occupation interalliée.

La question de l’épuration et de la dénazification du corps enseignant dans les universités françaises et allemandesL’épuration en France et en Allemagne ne débuta pas au même moment. En France, la première épuration à l’Université eut lieu à Alger à l’été 1943.[19] Ce fut en quelque sorte la répétition générale de ce qui devait se dérouler en métropole, et c’est en Afrique du Nord que fut élaborée, en juin 1944, l’ordonnance qui devait régler l’épuration en France métropolitaine. Le plus gros de l’épuration, dans l’hexagone, eut lieu à l’automne 1944 et au début de l’année 1945 et l’épuration administrative se prolongea jusqu’en 1947.[20] En Allemagne, la dénazifi­cation se produisit bien évidemment avec un temps de décalage, au len­demain de la capitulation, et l’essentiel du processus se déroula jusqu’en 1947/48.[21] La deuxième différence majeure concerne les acteurs de l’épuration : en France, les comptes se réglaient entre Français ; en Allemagne, ce furent les quatre puissan­ces d’occupation qui fixèrent les règles de la dénazification et qui contrôlèrent le processus en dernier recours, même si un certain nombre de res­ponsabilités furent confiées à des autorités allemandes dans le processus d’épuration (en particulier les comités d’épuration au sein des différentes univer­sités). Autre différence, découlant de la précédente, s’il y eut « une » épuration en France, malgré des variations régionales[22], chacun des quatre occupants pratiqua sa propre politique de dénazification en Allemagne, si bien que, malgré la recher­che d’une politique commune au Conseil de Contrôle[23], les pratiques de l’épuration varièrent d’une zone à l’autre, ce que le bilan permettra de mettre en lumière.

Avant de dresser ce bilan de l’épuration à l’Université dans les deux pays, tentons de comparer les objectifs assignés à un tel processus de part et d’autre du Rhin. Dans les deux pays, l’épuration de l’Université représente un enjeu judi­ciaire, social et politique, mais avec un certain nombre de nuances. Considérons d’abord les enjeux sociaux : l’épuration correspond en premier lieu à un besoin de régler des comptes (Claude Singer a montré qu’en France la plupart des dossiers d’universitaires ont été ouverts suite à des dépôts de plainte).[24] Si l’on trouve aussi de tels cas côté allemand, le processus y a été mené de manière beaucoup plus systématique, tous les universitaires (mais pas seulement eux) remplissant des Fragebögen et tous les dossiers étant examinés par les commissions allemandes et contrôlés par les autorités d’occupation.[25] L’épuration est ensuite, pour l’Université française, l’occasion de se « purifier en traçant la frontière entre le bien et le mal ».[26] Cette thèse est aussi partagée par un certain nombre d’universitaires allemands qui considèrent que la purge est nécessaire au relève­ment de l’Université : il en résulta même une sorte d’auto-épuration modérée, initiée par les universitaires avant-même la mise en place des gouvernements militaires.[27] Karl Jaspers incarne cette volonté de purification, ce dont témoigne tant son cours sur la culpabilité allemande, prononcé dès le semestre d’hiver 1945/46 à Heidelberg[28] que son attitude à l’égard de Martin Heidegger.[29] Néan­moins si la nécessité de la purge n’est pas remise en cause par les autorités alle­mandes, le souci de limiter l’épuration se faisait pressant et l’Université était par­fois comparée à un grand malade qu’une opération lourde aurait risqué d’achever. Ainsi le recteur de l’université de Heidelberg, Karl Bauer, professeur de chirurgie, écrivit-il aux autorités d’occupation américaines : « Denazification may be com­pared with a great operation performed on an organism already wea­kened consi­derably. One will understand that precisely the German anti-Nazis, whom at the same time the preservation of science is nearest to their hearts, plead that the operation should not be more dangerous then the illness for which it is performed. Precisely those who hate the real Nazis ardently ask all the more for grace for those who merely lost their way and for those who, in our opinion, have merely taken a false step ».[30] Après avoir provoqué un débat d’une rare violence en son sein[31], le point de vue de Bauer fut finalement accepté par le gouvernement mili­taire américain.[32] Il ne s’agissait donc pas tant de purification que de survie et, s’il ne faut pas se laisser abuser par un discours destiné à amadouer l’occupant, il n’en reste pas moins que l’Université allemande avait été beaucoup plus profon­dément et durablement ébranlée que l’Université française. Ces considérations sur l’ampleur ou les limites de la dénazification ne sont pas sans rappeler le débat français, opposant Albert Camus le « justicier » et François Mauriac « l’indulgent » (c’est ce que Claude Singer entend par l’enjeu judiciaire).[33] Tou­jours au niveau social, Singer note enfin que l’épuration en France visait à ras­sembler (contre Pétain et Vichy, pour la IVe République).[34] Dans l’Allemagne de l’immédiat après-guerre soumise à une administration internationale, l’épuration imposée par les puissances étrangères eut un autre effet : on observa des mouve­ments de solidarité « défensive » des universitaires face à l’occupant qui ne déra­pèrent cependant que très rarement vers des tentatives de sabotage du processus d’épuration.[35]

Au niveau des enjeux politiques, on sait que l’épuration a été un élément essentiel de la lutte pour le pouvoir à la Libération et a constitué une garantie de légitimité pour les nouveaux pouvoirs publics. Les collaborateurs n’ont pas été les seuls à avoir été écartés : Claude Singer a montré qu’à l’université d’Alger, elle a servi à écarter des éléments giraudistes, (le philosophe Pierre Boutang, le chirur­gien Henri Costantini).[36] L’épuration a aussi été utilisée pour libérer des postes afin de placer des « pions » sur l’échiquier. Ce sont surtout les communistes qui en profitèrent, y compris à l’Université, où ils disposaient de puissants relais : Henri Wallon, ministre par intérim de l’Éducation nationale, et de nombreux mili­tants dans les conseils académiques d’enquête chargés de préparer l’épu­ra­tion.[37]

En Allemagne non plus, l’épuration ne s’est pas limitée à écarter ceux qui s’étaient compromis sous le « IIIe Reich ». Le cas des enseignants sanctionnés pour leur engagement nationaliste ou impérialiste (le cas Adolf Lampe à Fri­bourg[38]) entre dans le cadre de la dénazification comprise dans un sens large, mais c’est en zone soviétique que l’épuration, au nom de la démocratisation, fut la plus instrumentalisée à des fins politiques, tant par l’occupant que par les cadres du parti communiste (KPD) puis du parti socialiste unifié (SED). À la dénazifica­tion stricto sensu s’était rajoutée la mise à l’écart d’une partie des élites bourgeoi­ses jugées idéologiquement irrécupérables et nocives, provoquant une première vague de fuites massives vers l’Ouest entre 1947/48 (rupture du « front antifasciste démocratique ») et 1953 (« nouveau cours » instauré après les émeutes du 17 juin).[39] L’Université, en zone orientale, perdit au total bien plus d’universitaires qu’il n’y avait eu d’enseignants membres de la NSDAP.[40]

Le bilan de la dénazification jusqu’à l’été 1947En France, près de 10 % des universitaires (sur 1 500) furent sanctionnés et même souvent lourdement[41], si bien que l’Université fut un des secteurs de la société les plus rigoureusement touchés par l’épuration.[42] Celle-ci a différemment affecté les universités tant au niveau géographique (l’épuration universitaire a été moins poussée dans la capitale que dans le reste de la France, bien que l’université de Paris ait été la plus touchée par les purges orchestrées par Vichy ; les établis­sements les plus touchés étant ceux de Montpellier, Bordeaux et Alger[43]) que disci­plinaire, les facultés de lettres (histoire et langues), et de médecine (chirurgie) ont été les plus concernées.[44]

En Allemagne, on relève aussi de très importantes différences en fonction des zones d’occupation. C’est incontestablement en zone soviétique que la dénazifica­tion fut la plus sévère (73 %). Selon des estimations globales, environ un tiers des enseignants aurait été épuré en zone britannique, plus de 35 % en zone française, plus de 46 % en zone américaine.[45] Derrière ces statistiques se cachent des situa­tions extrêmement variables : les différentes catégories d’enseignants, les univer­sités et les facultés furent inégalement touchées par la dénazification (la médecine plus que les autres). Les universités de tradition libérale, telles Francfort ou Heidelberg, ayant été les premières cibles du régime national-socialiste dès 1933, devaient connaître une épuration radicale après 1945. En revanche, les établisse­ments de tradition conservatrice, tels Bonn ou Fribourg, relativement plus épar­gnés par l’épuration nazie, se trouvaient dans une situation moins critique en 1945.[46] Si un nombre important d’Ordinarien, titulaires de chaire, avait pu rester en poste sans adhérer à la NSDAP, il n’en était pas allé de même pour les autres catégories d’enseignants non titulaires, contraints de prendre leurs cartes sous peine d’exclusion immédiate. Les occupants devaient naturellement tenir compte de ces facteurs.

La réhabilitation des victimes de Vichy et du « IIIe Reich »

Outre la sanction, l’épuration, en tant que « réparation », impliquait la réhabi­litation des victimes des régimes précédents. En France, la réintégration des uni­versitaires révoqués par Vichy fut amorcée à une petite échelle à Alger au prin­temps 1943 (Henri Laugier, René Capitant[47]), et se poursuivit de manière plus systématique et quasi-automatique en métropole à partir de l’été 1944, suite à l’arrêté signé par Henri Wallon le 24 août 1944 réintégrant « de plein droit » tous les enseignants révoqués par Vichy. Elle ne s’acheva qu’à l’automne 1945 après le retour des prisonniers et déportés. Environ 180 universitaires sur les 207 révo­qués par Vichy (61 % d’entre eux en raison de leurs origines juives, 13 % pour être francs-maçons, 20 % environ pour cause d’opposition ou de résistance) béné­ficièrent de la réintégration, les autres étant volontairement allés vers d’autres carrières.[48] La réhabilitation avait une importance symbolique telle, que même les universitaires résistants décédés furent réintégrés à titre posthume comme Marc Bloch ou Henri Focillon.[49]

Si l’on assista en Allemagne aussi à la réintégration des victimes du « IIIe Reich », celle-ci ne fut ni immédiate ni automatique. Rappelons tout d’abord que les puissances d’occupation elles-mêmes n’avaient pas de politique bien arrêtée en la matière.[50] Il faut ensuite distinguer impérativement deux catégories (outre celle des exilés ayant acquis la nationalité de leur pays d’immigration qui revinrent à titre d’occupants[51]) : 1. Les enseignants qui avaient été écartés par le « Reich », mais étaient restés en Allemagne (soit en exil intérieur, soit internés par le « IIIe Reich »), furent immédiatement appelés à reprendre leur poste et revinrent même spontanément. Nombre d’entre eux furent actifs au sein des nouvelles équipes dirigeantes[52] ; 2. Les émigrés à l’égard desquels la position de leurs collègues univer­sitaires fut beaucoup plus ambiguë. Il y eut peu d’empressement à leur tendre la main[53], la priorité étant généralement donnée, dans les zones occidenta­les, au recrutement des collègues venus de zone soviétique (l’anticommunisme semble ainsi l’emporter sur l’antifascisme).[54] En SBZ (sowjetische Besatzungs­zone/zone d’occupation soviétique), l’occupant et les cadres de la SED considé­rèrent eux aussi la réhabilitation des victimes du « IIIe Reich » comme un acte de réparation, mais cela leur posa des problèmes politiques. En effet, parmi les rémi­grants rentrés d’Union Soviétique, ne se trouvait presque aucun universi­taire.[55] Le recours aux émigrés venus de l’Ouest (citons, entre autres, le philosophe Ernst Bloch, exil aux États-Unis, ou le spécialiste de littérature Hans Mayer, exil en France et en Suisse) présentait pour le nouveau régime l’avantage de renforcer l’image antifasciste de la SBZ/RDA, fondement même de la légitimité de l’État. Mais ces rémigrants étaient majoritairement d’origine bourgeoise et nombre d’entre eux étaient des intellectuels de gauche trop critiques pour se soumettre à la discipline de la SED.[56] Certains allaient rapidement se retrouver dans la ligne de mire du régime.

La réintégration des enseignants compromis avec les régimes antérieurs

Pour des raisons politiques (cohésion et réconciliation nationales) et pratiques (effectifs enseignants nécessaires au fonctionnement de l’Université), la réinté­gration des universitaires sanctionnés en 1944/45 commença très tôt en France comme en Allemagne. En France se sont affrontées deux conceptions antagonistes de l’épuration : celle des communistes prônant une épuration rigoureuse, permet­tant entre autres de libérer des postes pour leurs sympathisants, et celle des gaul­listes, beaucoup plus modérée, voulant refermer la parenthèse de Vichy, éviter toute nouvelle rupture et renouer le fil de la cohésion sociale et nationale.[57] Outre la présence de De Gaulle à la tête du gouvernement jusqu’en janvier 1946, deux facteurs contribuèrent très vite à modérer l’épuration : la pénurie de cadres ensei­gnants, en particulier en médecine ; leur éventuel engagement sous les drapeaux – soit au moment des derniers combats pour la libération de la France, soit pour rejoindre les troupes françaises (notamment l’armée du général de Lattre de Tassigny) ayant pénétré dans le sud-ouest de l’Allemagne –, ce qui permettait de s’acheter in extremis une bonne conduite.[58] Les lois d’amnistie se succédèrent entre août 1947 (la troisième force reléguant alors communistes et gaullistes dans l’opposition) et août 1953. Elles avaient été précédées de nombreuses réintégra­tions entre 1945 et 1947 déjà. À la bienveillance des pouvoirs publics, s’ajouta la profonde évolution de l’opinion publique, résultant tant du contexte national (crainte des grèves insurrectionnelles et de l’influence des communistes) qu’international (guerre froide).[59] En 1953, quatre cinquièmes des révocations affectant l’enseignement supérieur avaient été abrogées.[60]

En Allemagne, dans les trois zones occidentales, l’épuration fut menée avec moins de sévérité au fil du temps et, dès la réouverture des universités à l’automne/hiver 1945/46, des enseignants « suspendus » furent réintégrés. Au milieu des années 1950, suite à des lois d’amnistie successives (de décembre 1949 à mai 1955[61]), de nombreux universitaires révoqués retrouvèrent des postes dans les universités allemandes. Citons le cas de Hans Günther, théoricien de la race du « IIIe Reich », limogé à Fribourg en 1945, et qui retrouva une chaire à Erlangen en 1954. Lorsque s’acheva la période d’occupation militaire, les Alliés avaient con­science que la dénazification était restée très superficielle.[62] Le souci de préser­ver une relative cohésion sociale en Allemagne et de ne pas désorganiser trop profon­dément l’institution universitaire en avait été la cause. Si cette stratégie se révéla efficace pendant une bonne partie des années cinquante, elle se retourna pourtant contre les autorités de la République fédérale dans les années soixante : la fissure politique avait été évitée dans l’immédiat, mais elle devait peser sur le conflit générationnel de 1968.[63]

Ce phénomène de réintégration des anciens membres du parti national-socia­liste ne fut aucunement spécifique de l’Allemagne de l’Ouest. On assiste à un même processus dans la SBZ/RDA, ce qui en principe était contradictoire avec la prétention du régime à incarner l’antifascisme. Mais la fragilité de la jeune Répu­blique démocratique et la nécessaire stabilisation interne du régime avaient conduit les dirigeants est-allemands à renforcer la cohésion sociale par l’intégra­tion des anciens membres du parti. La nécessité était encore plus forte de recourir à cette catégorie d’enseignants politiquement compromis que l’hémorragie des universitaires après 1945 avait été spectaculaire (épuration, déportations de savants, fuites vers l’Ouest). En fin de compte, les anciens membres de la NSDAP constituèrent à la fin des années quarante et au début des années cinquante le seul vivier où puiser pour combler le déficit d’enseignants ! Réintégrés lors de la phase de stalinisation (1947–1953) où sévit l’épuration antibourgeoise, le régime attendit d’eux plus de loyauté et de soumission que de la part des représentants bourgeois non compromis.[64] Les taux de réintégration furent très variables en fonction des facultés : ils furent très élevés en médecine et dans les « sciences dures » (Natur­wissenschaften), où le manque de spécialistes se faisait cruellement sentir et où jouait pleinement la concurrence sur le marché du recrutement entre les deux Allemagne. Au milieu des années 1950, un quart des universitaires de RDA avaient un « passé brun ».[65]

En France comme dans les deux Allemagnes, l’après-guerre ne représente donc pas tant une rupture qu’une interruption provisoire avant les réintégrations. Relevons néanmoins que le maintien du personnel enseignant en place sous le régime précédent n’exclut pas la possibilité de profondes ruptures dans les con­sciences et les convictions des individus.[66] En Allemagne, cette question de la réintégration des anciens nazis, en particulier à la suite de la loi de 1951 donnant droit à la réintégration des fonctionnaires dans leurs anciens postes, a donné lieu à un débat posant la question de la restauration ou du renouveau : tandis que Kurt Sontheimer estime qu’elle n’a pas entravé le processus de démocratisation[67], Christoph Kleßmann considère qu’elle a nuit à la crédibilité de l’État de droit, surtout auprès des jeunes générations.[68] Dans les deux voire trois pays, les continui­tés, en terme de personnel universitaire, furent d’autant plus marquées qu’il fut très difficile de recruter rapidement du personnel nouveau et formé diffé­remment.

La question du renouvellement des enseignants

Claude Singer estime qu’en France, il n’y a pratiquement pas eu de renouvel­lement du personnel universitaire, que l’épuration n’a pas transformé le « paysage universitaire », que les promotions internes l’ont emporté sur le recrutement externe.[69] Il ajoute aussi que la Libération n’a entraîné aucune réforme globale de l’enseignement supérieur et, citant l’exemple de l’intégration de l’enseignement colonial à l’Université, il montre même que « loin de prendre systématiquement le contre-pied de Vichy dans tous les domaines, les pouvoirs publics [ont confirmé] certains choix effectués par leurs prédécesseurs et parfois même les [ont accentué] au lendemain de la Libération ».[70] Pour en rester à la question des enseignants, il faut se demander si l’épuration a conduit à accroître le poids des communistes à l’Université d’une part et, d’autre part s’il y a eu un impact de l’école des cadres d’Uriage sur l’enseignement supérieur après 1945. Sur le premier point, la réponse est positive, mais Claude Singer n’a pas quantifié cette évolution. Il n’y eut pas de raz-de-marée communiste à l’Université et l’influence communiste atteignit son apogée ultérieurement, dans le courant des années 1950, avec l’arrivée sur la scène professionnelle de la génération née en 1925.[71] Sur le second point, bien que l’équipe d’Uriage ait compris plusieurs universitaires en son sein et qu’elle ait placé l’éducation au centre de son programme, Bernard Comte estime que l’Université, après 1945, devait rester « largement imperméable à son influence ».[72]

En Allemagne, dans les quatre zones, on observe après 1945 un vieillissement du corps enseignant qui n’allait ni dans le sens d’un renouvellement du personnel universitaire ni dans celui d’une réforme de l’institution : citons l’exemple de l’historien Friedrich Meinecke qui reprit du service à Berlin en 1945, à 84 ans. Dans les zones occidentales puis en RFA, les nouvelles générations d’enseignants furent formées sur le modèle classique (doctorat/habilitation) suivant un rythme long, si bien qu’il n’y eut pas de renouvellement des élites traditionnelles avant les années soixante.[73] C’est seulement en SBZ/RDA qu’on assiste à la tentative de former au plus vite une nouvelle génération d’universitaires. Un nouveau système, l’Aspirantur, calqué sur le modèle soviétique, fut instauré au tournant des années quarante et cinquante. L’objectif était d’ouvrir la voie à des jeunes gens politique­ment sûrs et issus du prolétariat pour remplacer les universitaires en place, alors majoritairement d’origine bourgeoise. Mais ce projet échoua partiellement en rai­son de la résistance des professeurs qui continuèrent à donner priorité aux critères scientifiques.[74] De 1951 à 1961, seuls 16,3 % des professeurs étaient issus de l’Aspi­rantur. Ce n’est qu’au cours des années soixante, à l’ombre du Mur, que la jeune génération commença à occuper les chaires. La mise en place d’une nou­velle catégorie d’universitaires ne s’acheva qu’avec la troisième réforme de l’Uni­versité en RDA, en 1968. Ce renouvellement des générations ne s’est pas produit au même rythme dans les différentes facultés. Dans les Naturwissenschaften, les transformations sociales et politiques furent beaucoup plus lentes que dans les disciplines littéraires où, dès le milieu des années cinquante, plus de 17 % des professeurs étaient d’origine prolétarienne et 37,6 % membres de la SED. Dix ans plus tard, un tiers des professeurs étaient issus des classes sociales défavorisées et deux tiers d’entre eux se disaient proches du régime.[75] C’est dans le domaine des sciences sociales et du droit que les ruptures furent les plus précoces et les plus radicales : en 1954, plus de 26 % des professeurs étaient originaires de familles ouvrières ou paysannes et plus de 73 % avaient leur carte de la SED.[76]

Dressant le bilan de l’épuration dans les universités françaises, Claude Singer a évoqué des « ruptures superficielles […] quant au fond, quant à la forme et quant à la durée ».[77] Un tel constat caractérise aussi l’Université allemande après 1945. Dans les deux pays, l’épuration resta limitée et fut suivie peu après par une vague de réintégrations et d’amnisties, visant dans chaque pays à la cohésion et à la réconciliation nationales, mais entravant de part et d’autre du Rhin le renou­vellement profond de l’Université. Par-delà ses similarités, il ne faut pas perdre de vue une différence fondamentale : l’emprise de la « Révolution nationale » sur l’Université française ne peut guère être comparée à celle du national-socialisme sur l’Université allemande. Avec 10 % d’universitaires sanctionnés au lendemain de la Libération, l’enseignement supérieur fut l’un des secteurs de la société fran­çaise les plus rigoureusement touchés par l’épuration, bien plus que l’enseignement primaire, sur lequel Vichy avait pourtant exercé une pression beaucoup plus forte. Singer en conclut qu’après 1944/45 « on joue alors moins la carte de la répression que celle de l’exemplarité ».[78] En Allemagne, avec large­ment plus d’un tiers des universitaires (plus de 45 % en comptant la zone soviéti­que, 39 % pour les zones occidentales) touchés par la dénazification, l’enseignement supérieur fut bien moins affecté par l’épuration que l’enseignement primaire ou secondaire (75 % des instituteurs en zone française d’occupation[79]), parce qu’il avait, relativement, mieux su se préserver de la mise au pas nationale-socialiste. L’échelle de l’épuration n’est donc pas la même et la nécessité et le souci d’efficacité a primé l’exemplarité.

Au-delà du bilan comparatif et en élargissant la thématique aux projets de réforme de l’Université dans l’immédiat après-guerre, on constaterait l’influence des réflexions françaises sur la politique universitaire menée en zone française d’occupation en Allemagne. Dans la résistance, tant intérieure qu’extérieure, plusieurs cercles et comités avaient réfléchi à la réforme de l’Université future s’accordant sur un point : l’insuffisante démocratisation de l’enseignement et la formation non-démocratique des élites. Sans développer ici ces différents pro­jets[80], mentionnons seulement que Raymond Schmittlein, l’architecte de la politi­que culturelle en zone française, avait fait partie de la commission dirigée par René Capitant et Marcel Durry chargée d’élaborer à Alger les projets de réforme du système éducatif français pour l’après-guerre.[81] Si la réforme échoua dans les deux pays au lendemain de 1945, certains éléments des réflexions françaises furent appliquées par le gouvernement militaire de Baden-Baden : citons en parti­culier l’introduction de la propédeutique pour lutter contre l’hyperspécialisation et la fondation à Spire d’une École d’administration s’inspirant partiellement de la nouvelle ENA.[82]



[1] Gueslin, André (dir.), Les facs sous Vichy. Étudiants, Universitaires et Universités de France pendant la Seconde Guerre Mondiale. Actes du colloque des Universités de Clermont-Ferrand et de Strasbourg, Novembre 1993, Publications de l’Institut d’Études du Massif Central, Uni­versité Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II), 1994, p. 3. Claude Singer venait alors de publier son ouvrage : Vichy, l’Université et les Juifs. Les silences et la mémoire, Paris, Les Belles Lettres, 1992.

[2] Raphael, Lutz, Die Pariser Universität unter deutscher Besatzung 1940–1944, in : Geschichte und Gesellschaft, 23, (1997) 4, p. 507–534 (ici p. 508).

[3] Gueslin (note 1), p. 3.Il n’est pas possible de proposer ici une bibliographie exhaustive sur les universités sous le « IIIe Reich ». Nous nous contenterons de renvoyer à la magistrale étude qui fait toujours réfé­rence : Heiber, Helmut, Universität unterm Hakenkreuz, 1. Teil : Der Professor im Dritten Reich, Munich, Saur, 1991 ; 2. Teil : Die Kapitulation der Hohen Schulen (2 vol.), Munich 1992/1994.

[4] Papenfuß, Dietrich ; Schieder, Wolfgang (dir.), Deutsche Umbrüche im 20. Jahrhundert, Cologne 2000, et, dans cet ouvrage, l’article de Defrance, Corine, Deutsche Univer­sitäten in der Besatzungszeit zwischen Brüchen und Traditionen 1945–1949, p. 409–428.

[5] À l’issue du 42ème Deutscher Historikertag (Francfort, septembre 1998), les communications de la section consacrée aux historiens sous le régime national-socialiste ont été publiées. Voir Schulze, Winfried ; Oexle, Otto Gerhard (dir.), Deutsche Historiker im Nationalsozialismus, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1999.Pour les réflexions françaises sur la continuité des éli­tes après la Libération : Rioux, Jean-Pierre, A Changing of the Guard ? Old and new Elites at the Liberation in France, in : Howorth, J. ; Cerny, G. (dir.), Élites in France : Origins, Repro­duction and Power, Londres 1981, p. 78–92.

[6] Kurt Sontheimer estime que l’intégration à l’Ouest, sur le plan scientifique, est le pendant de la Westintegration sur le plan politique : Sontheimer, Kurt, Die Adenauer-Ära. Grundlegung der Bundesrepublik, Munich 1991, p. 155.

[7] Defrance, Corine, Les Alliés occidentaux et les universités allemandes, 1945–1949, Paris 2000.

[8] Jessen, Ralph, Akademische Elite und kommunistische Diktatur. Die Ostdeutsche Hochschulleh­rerschaft in der Ulbricht-Ära, Göttingen 1999.

[9] Singer, Claude, L’Université libérée, l’Université épurée (1943–1947), Paris 1997.

[10] Gandouly, Jacques, Pédagogie et enseignement en Allemagne de 1800 à 1945, Strasbourg 1997, p. 328.

[11] Losemann, Volker, Reformprojekte der NS-Hochschulpolitik, in : Strobel, Karl (dir.), Die deutsche Universität im 20. Jahrhundert, Vierow bei Greifswald 1994, p. 97–115 ; Müller, Gerhard, Ernst Krieck und die nationalsozialistische Wissenschaftsreform, Weinheim 1978.

[12] Singer (note 9), p. 366.

[13] Gueslin (note 1), p. 6.

[14] Gueslin (note 1), p. 6. L’auteur fait allusion à l’École nationale des cadres de la Jeunesse d’Uriage, établissement créé par Pierre Dunoyer de Ségonzac, le 12 août 1940, et dont Hubert Beuve-Méry fut le directeur du bureau des études. L’école s’était donné pour but de servir la patrie (en préparant la revanche) et de « contribuer à la renaissance d’une communauté natio­nale solidaire animée par les valeurs spirituelles et humanistes ». Comme l’a démontré Ber­nard Comte, cette école avait été fondée à l’origine dans le cadre de la Révolution nationale ; elle se développa ensuite dans un esprit divergeant toujours plus d’avec l’idéologie du régime de Vichy et, à partir de 1942, afficha son opposition à la politique de Laval. Après la ferme­ture de l’école par Vichy en décembre 1942, ses membres continuèrent leur travail pédagogi­que dans la clandestinité, nombre d’entre eux rejoignant la Résistance. Voir Comte, Bernard, L’Esprit d’Uriage. Pédagogie civique et humanisme révolutionnaire, in : Rioux, Jean-Pierre (dir.), La vie culturelle sous Vichy, Bruxelles 1990, p. 179–202.

[15] Raphael (note 2), p. 509, 515 et suiv.

[16] Strauss, Léon, L’Université de Strasbourg repliée. Vichy et les Allemands, in : Gueslin (note 1), p. 87–112.

[17] Gueslin (note 1), p. 4.

[18] Gerbod, Paul, L’épuration du personnel enseignant des facultés de l’État (1944–1950), in : Gueslin (note 1), p. 251–259 (ici p. 253).

[19] Singer (note 9), p. 22 et suiv.

[20] Rouquet, François, L’épuration dans l’administration française, Paris 1993.

[21] Vollnhals, Clemens (dir.), Entnazifizierung. Politische Säuberung und Rehabilitierung in den vier Besatzungszonen 1945–1949, Munich 1991. Voir aussi Garbe, Detlef, Äußerliche Ab­kehr, Erinnerungsverweigerung und Vergangenheitsbewältigung. Der Umgang mit dem Na­ti­onalsozialismus in der frühen Bundesrepublik, in : Schildt, Axel ; Sywottek, Arnold (dir.), Modernisierung im Wiederaufbau. Die westliche Gesellschaft der 50er Jahre, Bonn 1993, p. 697.

[22] Novick, Peter, L’épuration française 1944–1949, Paris 1991, p. 261 et suiv. (édition origi­nale : The Resistance versus Vichy. The Purge of Collaborators in Liberated France, Londres 1968 ; première publication en français, Paris 1985).

[23] Voir la directive quadripartite n° 24 du 12 janvier 1946. Defrance, Corine, L’enseignement supérieur et le Conseil de Contrôle, 1945–1948, in : Documents, n° 2, 1997, p. 34–40.

[24] Singer (note 9), p. 207.

[25] Defrance (note 7), p. 98 et suiv.

[26] « L’université s’épure, se purifie, mais elle le fait de manière feutrée, sans publicité et surtout à l’abri des regards indiscrets », Singer (note 9), p. 211.

[27] Josef Sauer, professeur de théologie à Fribourg, écrivit dans son journal : « Es sei besser, wenn wir die Säuberung vornehmen, als wenn es von den Franzosen befohlen werde », Uni­versitätsarchiv (UA)/Fribourg, Tagebuch Sauer, 4 mai 1945. Mais, cette initiative allemande répondait aussi, et plus essentiellement, à un désir profond d’une partie des universitaires de restaurer le prestige de leurs établissements, ce que montre par ailleurs l’examen des procès-verbaux des premières séances du sénat de l’université de Fribourg.

[28] Ce cours a été publié : Jaspers, Karl, Die Schuldfrage, Heidelberg 1946. Pour la version fran­çaise, La culpabilité allemande, Paris 1990. La dernière par­tie de cet ouvrage est intitulée « notre purification » (p. 106–125, pour la version française).

[29] Ott, Hugo, Martin Heidegger. Éléments pour une biographie, Paris 1990, p. 341–345, et, du même auteur, Martin Heidegger und die Universität Freiburg nach 1945. Ein Beispiel für die Auseinandersetzung mit der politischen Vergangenheit, in : Historisches Jahrbuch, 105 (1985), p. 95–128. Voir aussi Defrance, Corine, Le gouvernement militaire français face au cas Heidegger, 1945–1955, in : Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande (1999) 2, p. 347–363.

[30] UA/Heidelberg, B1018/3a, rapport de Bauer au gouvernement militaire américain, 28 janvier 1946.

[31] L’attitude du recteur Bauer, au passé ambigu (si Bauer ne fut jamais membre de la NSDAP, ses écrits étaient compromettants), est au cœur des débats récents sur la réouverture de l’université de Heidelberg. Voir Gerhardt, Uta, Die amerikanischen Militäroffiziere und der Konflikt um die Wiedereröffnung der Universität Heidelberg 1945–1946, in : Heß, Jürgen ; Lehmann, Harmut ; Sellin, Volker (dir.), Heidelberg 1945, Stuttgart 1996, p. 47 et suiv., et, dans le même ouvrage, l’article de Wolgast, Eike, Karl Heinrich Bauer. Der erste Heidel­ber­ger Nachkriegsrektor. Weltbild und Handeln 1945–1946, p. 107–129.

[32] « A healthy re-growth of university life cannot proceed from a diseased corpus academicus […]. This excision must be no more radical than is needful for the accomplishment of the fundamental aim of the operation. No healthy re-growth can take place from a hopelessly mutilated organism », Bundesarchiv (BA)/Coblence, 5/298-3/33, « Denazification of the uni­versities », s.d. Il s’agit vraisemblablement d’un rapport de la Policy Enforcement Branch de décembre 1946.

[33] Singer (note 9), p. 213–216.Au sujet du débat entre Mauriac et Camus, voir Assouline, Pierre, L’épuration des intellec­tuels, Bruxelles 1996, p. 26–28.

[34] Singer (note 9), p. 212.

[35] À l’université de Bonn, un des professeurs de la faculté des lettres, le philosophe Johannes Thyssen, tenta à l’été 1945 de protéger des collègues qui s’étaient compromis sous le « IIIe Reich ». Mais les membres du sénat provisoire, alors les plus hautes instances de l’université, refusèrent de le suivre sur cette voie par crainte d’une réplique des autorités d’occupation britanniques : « Thyssen gedachte des scharfen Erlasses der Alliierten gegen die Nazis. [Er] zieht daraus die Konsequenz, daß wir von nun ab mit der äußersten Milde gegen die Nazis der Universität vorzugehen hätten. Das heißt, Thyssen sabotiert die alliierte Personal-Politik! Die Folgen sind unabsehbar. Kennt er England so wenig? Vorauszusehen ist, daß die Alliierten abwarten, was wir tun und lassen. Sobald sie überzeugt sind, daß wir ihre Politik sabotieren und die Nazi-Professoren schützen und stützen, schlagen sie zu und schließen die Universität […] Fassen Sie [Konen] ein Wort der Warnung in ernster Stunde so auf wie es gemeint ist. Ich bin völlig überzeugt, daß die Existenz der Universität Bonn in diesen Tagen auf dem Spiel steht », UA/Bonn, WA4 (Nachrichten-Kommission), lettre de Behn à Konen du 2 sep­tembre 1945.

[36] Singer (note 9), p. 217.

[37] Les communistes avaient proposé « la suspension de tout universitaire non coupable d’actes antinationaux [mais] ayant exercé sous le gouvernement de Vichy les fonctions de recteur, d’inspecteur […] », Singer (note 9), p. 218–219.

[38] L’économiste Adolf Lampe avait été arrêté par la Gestapo le 8 septembre 1944, en raison de ses liens avec le mouvement de résistance conservatrice de Carl Goerdeler. Il fut libéré par l’Armée rouge. Il fut par la suite incarcéré par les autorités françaises en mars 1946 en raison de la teneur de ses écrits antérieurs jugés militaristes (un ouvrage sur la théorie de l’économie en temps de guerre). Réintégré le 1er octobre 1946, il décéda au printemps 1948, Defrance (note 7), p. 352.

[39] Jessen, Ralph, Dictature communiste et milieu universitaire. Étude d’histoire sociale des profes­seurs d’université de la RDA, 1945–1961, in : Annales HSS (1998) 1, p. 94–96.

[40] Jessen (note 39), p. 93 : 85 % des enseignants en poste dans ces universités avant la fin de la guerre ne faisaient plus partie du corps enseignant en 1946/47. Jessen estime que plus de 2 000 enseignants du supérieur seraient passés d’Est en Ouest avant la construction du Mur de Berlin en 1961, Jessen (note 8), p. 46.

[41] Les motifs de sanctions les plus souvent invoqués furent les suivants : 1. germanophilie ou collaboration avec l’Allemagne (45 %) ; 2. pétainisme ou vichysme (41 %) ; 3. l’adhésion à un parti extrémiste (Milice, SOL, RNP, PPF), 4. antisémitisme (joue un rôle tout à fait margi­nal dans les sanctions) ; 5. délation, voir Singer (note 9), p. 260.

[42] Singer (note 9), p. 268. Voir également Rouquet, François, L’épuration des universitaires, in : Baruch, Marc-Olivier (dir.), Une poignée de misérables. L’épuration de la société française après la Seconde Guerre mondiale, Paris 2003, p. 229–242.

[43] Singer (note 9), p. 295.

[44] Singer (note 9), p. 296–297.

[45] Defrance (note 4), p. 413–414.

[46] 62 % des Ordinarien furent limogés ou suspendus en 1945 à Heidelberg, seulement 34 % à Bonn et 48 % à Fribourg, Defrance (note 7), p. 107–109.

[47] Singer (note 9), p. 125.

[48] Ils prirent alors la voie de la politique (Georges Bidault, René Capitant, André Philip, Pierre-Henri Teitgen, François de Menthon) ou de la haute administration (Pierre Bertaux, René Cassin), entre autres, Singer (note 9), p. 130–133.

[49] Singer (note 9), p. 136.

[50] Krauss, Marita, Heimkehr in ein fremdes Land. Geschichte der Remigration nach 1945, Munich 2001, p. 62 et suiv.

[51] Citons dans cette catégorie, les exemples d’Alfred Döblin, membre de la direction de l’Éducation publique du gouvernement militaire français ou de Fritz Karsen, membre de l’Education Branch américaine et chargé des questions universitaires.

[52] Defrance (note 7), p. 84 et suiv.

[53] Krauss (note 50), p. 83 et suiv. L’auteure montre que le nombre des retours varia beaucoup en fonction des disciplines : dans les sciences dites « dures » et en médecine, très peu d’émigrés revinrent en Allemagne ; en revanche la moitié des universitaires, dans les sciences de l’éducation, rentrèrent d’exil ; des 134 historiens exilés, seuls 21 regagnèrent les universités allemandes ; l’École de Francfort représenta l’un des foyers les plus importants de « rémigration », mais il faut noter que Max Horkheimer, bientôt élu recteur de l’université de Francfort, exigea de garder sa nationalité américaine : Jay, Martin, L’imagination dialectique. Histoire de l’École de Francfort et de l’Institut de recherches sociales (1923–1950), Paris 1977. Au sujet de l’École de Francfort, voir Albrecht, Clemens ; Behrmann, Günter C. ; Bock, Michael ; Homann, Harald ; Tenbruck, Friedrich H., Die intellektuelle Gründung der Bundesrepublik. Eine Wirkungsgeschichte der Frankfurter Schule, Francfort-sur-le-Main 1999.

[54] Defrance (note 7), p. 112 et suiv.

[55] Jessen (note 8), p. 294.

[56] Jessen (note 8), p. 320–323.

[57] Singer (note 9), p. 217–227.

[58] Singer (note 9), p. 285.

[59] Singer (note 9), p. 331–334.

[60] Gerbod (note 18), p. 259.

[61] Garbe (note 21), p. 699 et suiv.

[62] Defrance (note 7), p. 111.

[63] Voir les deux articles de Rusinek, Bernd-A., Von der Entdeckung der NS-Vergangenheit zum generellen Faschismusverdacht. Akademische Diskurse in der Bundesrepublik der 60er Jahre, et de Lammers, Karl Christian, Die Auseinandersetzung mit der braunen Universität. Ring­vorlesungen zur NS-Vergangenheit an westdeutschen Hochschulen, in : Schildt, Axel ; Sieg­fried, Detlef ; Lammers, Karl C. (dir.), Dynamische Zeiten. Die 60er Jahre in den beiden deutschen Gesellschaften, Hambourg 2000, p. 114–147 et 148–165. Voir aussi Defrance, Corine, Universités et universitaires allemands dans l’après-guerre, in : Fran­cia 30 (2003) 3, p. 51–69.

[64] Jessen (note 8), p. 302.

[65] Jessen (note 8), p. 304–305.

[66] « Ehemalige Nationalsozialisten haben sich […] in nicht wenigen Fällen zu Demokraten geläutert », Garbe (note 21), p. 700. Évoquant des passages de Vichy à la Résistance, Henry Rousso relevait : « Les individus évoluent, souvent très vite, au plan mental, intellectuel, psy­chologique […] Est-ce à dire qu’il y a continuité entre Vichy et la Résistance ? La rupture est bien là dans les têtes », Rousso, H., Vichy. Politique, idéologie et culture, in : Rioux, Jean-Pierre (dir.), La vie culturelle sous Vichy, Bruxelles 1990, p. 38.

[67] Sontheimer (note 6), p. 177.

[68] Kleßmann, Christoph, Die doppelte Staatsgründung. Deutsche Geschichte 1945–1955, 5ème éd., Bonn 1991, p. 252.

[69] Singer (note 9), p. 363.

[70] Singer (note 9), p. 364–365.

[71] Ory, Pascal ; Sirinelli, Jean-François, Les Intellectuels en France de l’Affaire Dreyfus à nos jours, Paris 1986, p. 152.

[72] Comte, Bernard, Uriage. Expérience d’Université parallèle et projet d’Université nouvelle, in : Gueslin (note 1), p. 205, 216.

[73] Rusinek (note 63), p. 115.

[74] Jessen (note 39), p. 92.

[75] Jessen (note 39), p. 104.

[76] Jessen (note 39), p. 111.

[77] Singer (note 9), p. 363.

[78] Singer (note 9), p. 300.

[79] L’œuvre culturelle française en Allemagne, publication de la direction de l’Éducation publi­que du gouvernement militaire français en Allemagne, Baden-Baden, 1947, p. 9.

[80] Muracciole, Jean-François, Les projets de la France Libre et de la résistance en matière de ré­forme de l’enseignement supérieur, in : Gueslin (note 1), p. 240–244.

[81] Defrance, Corine, La politique culturelle de la France sur la rive gauche du Rhin, 1945–1955, Strasbourg 1994, p. 117 ; Zauner, Stefan, Erziehung und Kulturmission. Frankreichs Bildungs­politik in Deutschland 1945–1949, Munich 1994, p. 33 ; Marquant, Robert ; Schmittlein, Raymond, 19 juin 1904–29 septembre 1974, in : Heinemann, Manfred (dir.), Hochschuloffiziere und Wiederaufbau des Hochschul­wesens in Westdeutschland, 1945–1952. Die französische Zone, Hildesheim 1991, p. 23.

[82] Defrance (note 81), p. 74–84 ; Morsey, Rudolf, 40 Jahre Hochschule für Verwaltungswissen­schaften Speyer (1947–1987), in : Speyerer Vorträge (1987) 9, p. 11–44.


Für das Themenportal verfasst von

Corine Defrance

( 2007 )
Zitation
Corine Defrance, Les Enseignants du supérieur en France et en Allemagne La question du renouvellement du personnel dans l'après 1945, in: Themenportal Europäische Geschichte, 2007, <www.europa.clio-online.de/essay/id/fdae-1428>.
Navigation