Moritz Hartmann et la première laïcisation dans le Midi de la France

Lorsque Moritz Hartmann – journaliste, romancier et homme politique – entreprend, durant l’été 1851, un voyage en Provence et dans le Languedoc, la France se trouve dans une période de transition et d’attente, avant le coup d’état de Louis-Napoléon, le futur Napoléon III. Hartmann consigne ses impressions en forme de notes de voyage, qu’il publie dans des périodiques allemands et, plus tard, dans un livre. Il observe et critique l’influence que l’Eglise exerce sur la société, et il trace un tableau détaillé des courants politiques et religieux, avec le scepticisme et le relativisme qui lui sont propres. Anticlérical, il approuve les tentatives françaises qui cherchent à restreindre l’impact de l’Eglise sur l’Etat et la société. Cette contribution analyse le journal de voyage dans le contexte de l’époque, au travers des cercles démocrates et socialistes que Hartmann fréquenta dans le Midi pendant son voyage. [...]

Moritz Hartmann et la première laïcisation dans le Midi de la France

Von Françoise Knopper

Lorsque Moritz Hartmann – journaliste, romancier et homme politique – entreprend, durant l’été 1851, un voyage en Provence et dans le Languedoc, la France se trouve dans une période de transition et d’attente, avant le coup d’état de Louis-Napoléon, le futur Napoléon III. Hartmann consigne ses impressions en forme de notes de voyage, qu’il publie dans des périodiques allemands et, plus tard, dans un livre. Il observe et critique l’influence que l’Eglise exerce sur la société, et il trace un tableau détaillé des courants politiques et religieux, avec le scepticisme et le relativisme qui lui sont propres. Anticlérical, il approuve les tentatives françaises qui cherchent à restreindre l’impact de l’Eglise sur l’Etat et la société. Cette contribution analyse le journal de voyage dans le contexte de l’époque, au travers des cercles démocrates et socialistes que Hartmann fréquenta dans le Midi pendant son voyage.

Als Moritz Hartmann – Journalist, Schriftsteller und Politiker – im Sommer 1851 eine Reise in die Provence und das Languedoc unternimmt, befindet sich Frankreich in einer politischen Phase des Übergangs und des Abwartens vor dem Staatsstreich von Louis-Napoléon, später Napoléon III. Hartmann hält seine verschiedenen Eindrücke in Reisenotizen fest, die in deutschen Zeitschriften und später als Buch veröffentlicht werden. Er beobachtet und kritisiert den Einfluss, den die Kirche auf die Gesellschaft nimmt, er zeichnet ein detailliertes Bild der politischen und konfessionellen Strömungen, alles mit dem ihm eigenen Skeptizismus und Relativismus. Antiklerikalistisch gesinnt, begrüßt er alle Tendenzen, die die Einwirkung der Kirche auf Staat und Gesellschaft zu beschränken suchen. Der vorliegende Beitrag liest dieses Reisetagebuch vor dem Hintergrund der demokratischen und sozialistischen Zirkel, in denen sich Hartmann in Südfrankreich bewegt.

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Moritz Hartmann (1821–1872), journaliste, romancier et homme politique, né en Bohême dans une famille juive, fut un patriote bohème convaincu et actif durant le Vormärz. Victime de la censure autrichienne, il préféra s’éloigner de Vienne à partir de 1842 et séjourna à Berlin, Leipzig, Bruxelles et à Paris, où il rencontra notamment Heine, Béranger et Musset. Il entretint une large correspondance[1] et collabora à plusieurs revues[2], par exemple à la Gartenlaube, au Deutsches Museum de Prutz ou, en France, à la Revue germanique.[3] Il a été un courageux quarante-huitard : les années 1847–1849 le propulsèrent au cœur de la politique allemande.[4] Il siégea au Parlement de Francfort dans les rangs des démocrates-radicaux ; orateur talentueux et de belle prestance, il suscitait l’enthousiasme des spectatrices.[5] Un des moments les plus éprouvants fut pour lui l’assassinat de Robert Blum à Vienne, son ami qu’il était l’un des trois députés à avoir escorté en octobre 1848 pour exprimer la solidarité des démocrates aux révolutionnaires viennois.[6] Enfin, Hartmann fera partie des irréductibles qui, l’été 1849, se replieront sur Stuttgart et dans le pays de Bade. A partir de 1849, c’est l’exil : Hartmann s’installe à Paris et entreprend quelques voyages.[7] Amnistié, il reviendra à Vienne en 1868 et y mourra en 1872.

Hartmann a effectué un voyage en Provence et dans le Languedoc durant l’été 1851, sous la Seconde République, peu avant le coup d’Etat perpétré par Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851, durant la période que les provençalistes appellent aujourd’hui le « temps de Frédéric Mistral ». C’est aussi la période de la « première laïcisation », pour reprendre la formule de Jean Baubérot, qui se caractérisa par la reconnaissance officielle des trois confessions depuis la Révolution, par les lois sur l’enseignement de Guizot (1833) et de Falloux (1850). Les cercles que Hartmann fréquente dans le Midi de la France sont ceux de fouriéristes qui appréhendent un regain d’influence des « Blancs », des « Ultras », royalistes et catholiques, et dont le projet républicain implique une deuxième laïcisation, celle qui en fait commencera seulement après 1880 sous la Troisième République.

Une première source d’information dont Hartmann bénéficia fut le cercle de François Sabatier (1818–1891), historien de l’art et mécène, époux de la cantatrice Carolina Ungher, traducteur du Faust de Goethe[8] et du Wilhelm Tell de Schiller, sympathisant des mouvements socialistes les plus radicaux, qui invitait l’été, dans son château de la Tour de Fages (non loin de Montpellier), quelques artistes et qui organisait des rencontres avec des amis partageant sa culture et ses convictions[9] républicaines et fouriéristes. C’est de l’hospitalité de Sabatier que Hartmann a profité durant l’été 1851, à l’époque où son hôte traduisait Faust. Une deuxième source d’information furent les conversations qu’il eut avec Fortuné Guiran et les amis proudhoniens de ce dernier, dont les convictions républicaines s’exprimaient dans le journal que Guiran éditait à Avignon, le Démocrate de Vaucluse.

Ce séjour dans le Midi fournit donc à Hartmann l’occasion de décrire des manifestations de la culture catholique en Provence, surtout à Avignon, et celles de la culture calviniste dans le Languedoc, surtout à Nîmes et dans les environs, culture dont les enjeux sont selon lui confessionnels, politiques et sociaux. Hartmann prend le parti de ceux qui défendent les débuts de la laïcité et souhaitent les progrès de la laïcisation. Il n’utilise pas le mot « laïque » – qui est ici un anachronisme – mais son objectif, comme en 1848, est démocratique, républicain et déjà socialiste. Son Tagebuch est destiné à un public germanophone (des extraits sont publiés dans diverses revues dès 1851, en particulier dans le Deutsches Museum de Prutz ; le livre paraîtra à Leipzig en 1853[10]). Comme, conformément aux contraintes du genre, cette relation est souvent implicite, il est utile de la confronter au périodique de Guiran : le Démocrate de Vaucluse peut servir de référence pour reconstituer le contenu de leurs échanges et examiner le transfert que Hartmann opère, à titre personnel et en direction de son public germanophone, dans le domaine de la laïcisation.

L’anticléricalisme de Hartmann

Hartmann critique avec virulence le pouvoir que l’Eglise catholique lui semble conserver dans le Vaucluse, pouvoir qu’il associe à l’omniprésence des légitimistes dans ce département – où le parti légitimiste exerçait effectivement[11] une influence importante, notamment par le bais de la presse et où la municipalité avait même invité le pape en 1848 à revenir s’installer dans ses murs. Dénoncer simultanément le pouvoir de l’Eglise catholique et le fait que l’autorité politique se serve de ce pouvoir, comme il croit l’observer dans la ville d’Avignon, est une critique qui s’inscrit dans la continuité de l’anticléricalisme des Lumières françaises et qui caractérise également ses amis démocrates. Toutefois, chez Hartmann, l’argumentation s’efface parfois au profit d’une rhétorique qui fait de cet écrivain un épigone de Heine : l’anticléricalisme forcené de Hartmann est également à inscrire dans la filiation des Reisebilder de Heine, où l’on relevait la même inculpation de l’Eglise catholique qui serait source d’intolérance, de répression, de « misère ». C’est à la manière de Heine que notre chroniqueur instaure dès son arrivée un contraste entre l’obscurantisme clérical et la modernité du nord, ici représentée par la navigation à vapeur (la ligne de chemin de fer n’existait alors qu’entre Avignon et Marseille) :

« Vom Süden aus gewährt Avignon einen schönen, aber nicht außergewöhnlichen Anblick. Von dieser Seite gesehen, können sich das goldene Mainz, das fromme Koblenz, die heilige Colonia mit Avignon messen, aber nie vergesse ich den Eindruck, den diese Stadt auf mich gemacht, als ich sie, auf dem Dampfschiff von Norden kommend, zum ersten Male erblickte. »[12]

Allusions à la Rhénanie et épithètes décoratives atemporelles, stéréotypées, ironiques, sont directement empruntées à la plume de Heine. Ces élans poétiques dispensent le chroniqueur de livrer des informations historiques exhaustives, si bien que ses allusions à la théocratie et aux cruautés du clergé restent partout allusives. On se demandera notamment pourquoi Hartmann reste imprécis quand il parle de l’Inquisition ou pourquoi il ne traite pas de l’histoire des juifs.[13] Sans doute parce qu’il n’entendait pas compenser le système catholique par une autre forme de religiosité, même épurée.

C’est en tout cas dans la continuité du rationalisme des Lumières que Hartmann établit une relation de cause à effet entre les pratiques catholiques et les exactions populaires. Le château des papes qui domine Avignon pèserait sur l’urbanisme comme une chape de plomb : « […] wir standen vor dem Palast der Päpste. – Es ist ein babylonischer Bau! – Groß, ungeheuer, schreckenerregend. […] Hoch aufstrebend von der höchsten Höhe des Kalkberges, an dem Avignon liegt […], drückt ein geheimnisvolles Schweigen auf diese Mauern und umgibt sie mitten im hellen Lichte des Südens eine Art von unbegreiflicher Nacht. Man sieht es ihnen an: durch ihre Dicke drang der Notruf der verschmachtenden Völker nicht hinein, drangen die Schreie priesterlicher Orgien, ob sie nun in Bacchanalen oder im Foltern der Glaubensopfer bestanden, nicht heraus. »[14] et c’est parce qu’il aurait été soumis à une « théocratie de cinq cents ans » que le peuple aurait commis des violences. Hartmann associe ainsi dans une même réprobation les excès des révolutionnaires entre 1791 et 1795 et ceux des émeutiers royalistes en 1815 :

« Das Volk von Avignon ist im ganzen Süden als wahres Räubergesindel verrufen; man spricht nur mit Abscheu oder Spott von den Bewohnern der heiligen Stadt, und wenn ich so die Gestalten betrachtete, die in Masse den ganzen Quai besetzt hielten […], las ich auf diesen Gesichtern, dass der Ruf recht habe. […] Ich erkannte die Gefährten Jourdans, die königlichen Freiwilligen, die Verdets, die Werkzeuge der Kongregation und der Comités von 1815 – ich erkannte die Mörder des Marschall Brune, die Kinder fünfhundertjähriger Kirchenherrschaft. »[15]

Ce serait le manque de liberté qui serait la cause des débordements populaires, autrement dit ce serait la réflexion sur la religion qui, conformément aux positions également soutenues par ses amis, serait le préalable de tout renouveau politique, et ce toutes époques et tous pays confondus :

« Den Turm Trouillas oder die Glacière bekamen wir nur von außen zu sehen; […] Es wäre interessant zu wissen, was man eigentlich verbergen will, ob den Schauplatz der Inquisitionsfolter, […] oder den Schauplatz, wo der Knabe Duprat, der feurige Mainville, der Apollo Rovère, der sentimentale Schurke […] Mathieu Jouve […], die einen ihrem Gotte, die andern ihrem Götzen in der Nacht vom 16. zum 17. Oktober 1791 Opfer schlachteten. […] In diesem Turme verseufzte auch der arme Volkstribun Rienzi und verbüßte, wie Hus, sein Vertrauen in ein Papstwort. […] Man kann es sich denken, was ein wütendes Volk vermag, das vier Jahrhunderte hindurch einen Turm wie die Trouillas betrachtete, am andern Ufer seines Flusses en freies Volk sieht und an seinen Mauern einen Anschlag, in welchem der Papst die Wiederherstellung der Inquisition wachsen. – Auf solchem Boden müssen solche Taten wachsen. »[16]

Ce foisonnement de noms montre que Hartmann a compulsé les textes historiques et, s’il privilégie les accumulations épiques, les formules sarcastiques ou l’expression de ses sentiments, ce n’est pas par défaut de connaissances.[17] C’est ainsi qu’il raconte par le menu un épisode, bien connu, de la Terreur blanche en 1815, bien évidemment afin d’illustrer la manière dont le parti clérical manipulerait le peuple. Il s’agit du sort qui advint au maréchal Brune qui, lors des Cent-Jours, avait affirmé sa fidélité à l'Empereur et reçu le commandement du camp d'observation du Var et qui, même après Waterloo, avait laissé flotter le drapeau tricolore à Toulon jusqu’au 31 juillet 1815. Rentrant à Paris, Brune fut assassiné le 2 août 1815 à Avignon par les "Verdets", émeutiers royalistes :

« Was Brune während der Hundert Tage in Toulon […] getan - es grenzt ans Unglaubliche und man lernt es erst schätzen, wenn man die Blutströme sieht, die gleich nach seiner Absetzung im ganzen Süden zu fließen begannen, um jede Spur von Republikanismus, Bonapartismus und Protestantismus vom königlichen Boden Frankreichs fortzuschwemmen. […] Das ist die Geschichte von der Ermordung des wackern, edelmütigen Brune – eine Geschichte, die in der Restaurationszeit viele ihresgleichen findet. »[18]

Cet anticléricalisme s’accompagne de deux composantes caractéristiques de Hartmann : son relativisme et son scepticisme. Ce scepticisme dépasse le cadre de la religion, il est d’ordre ontologique, mais le contexte confessionnel d’Avignon paraît confirmer cette vision de l’homme car Hartmann rapporte maintes anecdotes pour prouver qu’il n’aurait jamais été possible de se fier à la justice du pape et que la parole donnée n’aurait jamais été tenue. De même, Hartmann ne prend pas le parti du peuple quand il se livre à des massacres : le massacre de la Glacière fut perpétré en 1791 par des révolutionnaires, la Terreur blanche de 1795 et de 1815 l’a été par des adeptes de l’ordre catholique et royaliste. Ces derniers se référaient à leur Dieu, les premiers à leur « idole »[19], terme qui renvoie ici à la révolution. Loin d’adopter l’interprétation que Marat faisait de la Révolution, se refusant à suivre le peuple dans ses pulsions destructrices, Hartmann se contente, du fait de son relativisme, de pratiquer une sorte d’alchimie littéraire et de transformer des critiques anticléricales éculées en un constat désabusé : « alia alii ». Il y aurait des esprits lucides qui dévoilent les motivations mesquines du clergé, sa volonté de pouvoir et ses ruses pour conserver ce pouvoir, mais ils désenchantent le monde, et il y aurait toujours des âmes plus simples ou des intrigants qui préfèreraient faire des concessions à l’imaginaire et perpétuer les légendes. Hartmann témoigne de la survivance de diverses légendes locales, établit un lien entre catholicisme et superstition[20] et renoue, sur ce point encore avec l’argumentation anticléricale des Lumières.

Au bout du compte, anticléricalisme et scepticisme l’incitent à juger que, dans ces années 1850, la première laïcisation n’aurait pas résolu la question du pouvoir et que la prétention de penseurs catholiques d’associer religion et raison relèverait de l’éloquence, voire de l’hypocrisie :

« Wenn es einst zu einer Entscheidung kommt, wird Avignon seinen alten Ruf der Wildheit schwerlich Lügen strafen. […] Mein Begleiter zeigte mir unter andern und mit Lächeln das vergitterte Fenster einer Zelle im Papstpalaste, in welcher er schon mehremal wegen Preßvergehen gebrummt hatte. Der Papstpalast setzt also noch heute seine Bestimmung fort. […] So ein Papstpalast widerlegt alle Bossuets und de Maistres der Welt – trotz ihrer Beredsamkeit, trotz ihrer liberalen Heuchelei. »[21]

Usant ici de formules proches de celles que l’on trouve dans le Démocrate de Vaucluse[22], il participe au combat de ceux qui estimaient non seulement que le processus de la laïcisation n’était pas terminé mais qu’une menace planait étant donné le regain d’activité des royalistes et du parti clérical. Il ne se contente pas de rapporter d’anciennes cabales ecclésiastiques à titre d’anecdotes plaisantes voire exotiques (« fremdartig », note-t-il), il est aussi profondément agacé par une population restée selon lui bien trop légitimiste. Cet anticléricalisme virulent nous confronte alors à une des questions posées par la laïcisation que les démocrates revendiquaient : la question de la liberté d’expression, du pluralisme des opinions et de la tolérance. Le recours au genre de relation de voyage permet d’apporter deux éléments de réponse. D’une part, en s’inspirant des Reisebilder de Heine, Hartmann opte, non pas pour des solutions toutes faites, mais incite à la construction d’une réflexion critique. D’autre part, quand il évoque des pans du passé du catholicisme avignonnais et décrit des édifices religieux pour rappeler le pouvoir de l’Eglise et ses incidences, il n’écrit certes pas en conservateur des antiquités, à la différence d’un Millin en 1806 ou d’un Mérimée en 1834, mais du moins est-ce le signe qu’il ne serait nullement favorable à la destruction de ce patrimoine.

Hartmann et les démocrates socialistes du Vaucluse

Outre ces remarques acerbes sur le catholicisme, qui se concentrent sur Avignon et, au fond, concernent tous les hauts lieux du parti clérical de l’époque, Hartmann aborde un thème plus original car il apporte, de l’intérieur, des informations sur les questions débattues par les démocrates socialistes du Vaucluse.

Le journal de ce cercle républicain, Le Démocrate de Vaucluse, fut de brève longévité et il est quelque peu oublié aujourd’hui mais son intérêt n’a pas échappé à Hartmann. Ce bi-hebdomadaire sortait le mercredi et le samedi, ses 197 numéros parurent entre le 16 janvier 1850 et le 3 décembre 1851. Ces quelques numéros, dont l’on peut constater aux archives Départementales d’Avignon et à la Bibliothèque Nationale de France qu’ils ont périodiquement été censurés, reflètent la ferveur socialiste des partisans de Proudhon et illustrent une tendance républicaine en fait très minoritaire à Avignon, ville alors à dominante légitimiste. Le Démocrate de Vaucluse, quand il aborde le thème de la religion, ce qui est assez rare, défend une position laïque et exprime trois préoccupations. La première consiste à attaquer systématiquement les « royalistes », les « légitimistes », les « jésuites », ainsi qu’à se rebeller contre toute tentative, de quelque courant politique qu’elle provienne, d’identifier libéralisme et catholicisme au nom d’axiomes de morale « nécessairement communs » :

« C’est ainsi qu’on a vu, chose inouie après Descartes et la révolution de 89 ! quelques-uns de ces novateurs rétrogrades, à l’aide de quelques vulgaires axiomes de morale nécessairement communs, par leur origine rationnelle, à la philosophie et à la religion, essayer de démontrer que le catholicisme, tel qu’il a été enseigné et pratiqué dans le moyen age, est essentiellement libéral, ou bien, en retournant l’assertion, que la liberté moderne est toute catholique. Bien plus, poussant jusqu’à la plus fabuleuse extravagance l’oubli de toute vérité historique, ces sectaires n’ont pas craint de transformer Robespierre et St-Just en d’orthodoxes continuateurs du catholicisme : comme si la religion, ou la liberté avait quelque chose à gagner à une aussi grotesque métamorphose ! Ce n’est point apparemment par ce qu’elles ont de commun entre elles que la foi chrétienne et la raison libre se font, depuis des siècles, une guerre si acharnée (lisez, si vous en doutez, les dernières encycliques de Pie IX) ; et il est assez clair, d’ailleurs, que si ces deux puissances étaient naturellement d’accord sur tous les points, leur séparation dans le passé eût été sans cause, tout comme leur prétendue réconciliation dans le présent serait sans nécessité. »[23]

Cette irritation est attisée par les tensions entre démocrates radicaux et modérés, que ce journal qualifie de « faux-socialistes », dont l’ambition serait de confier au pouvoir en place la gestion de la question sociale alors que, comme ces proudhoniens le proclament dès leur premier numéro, il faudrait d’abord fonder une République démocratique, une et indivisible, impliquant suffrage universel direct, abolition de la présidence, liberté absolue de la presse, liberté d’association, d’enseignement et de conscience, et suppression du budget des cultes. La seconde préoccupation, qui en découle, est leur offensive contre la loi Falloux du 15 mars 1850 que Charles de Montalembert avait fait voter et qui officialisait la liberté de l’enseignement en faveur des catholiques.[24] La troisième, plus inattendue dans ce contexte, est une particularité du rédacteur Fortuné Guiran qui dénie aux ministres comme Montalembert la légitimité de se référer au texte de la Bible et qui argumente en faveur de la liberté de la presse et de la laïcité en réfutant les détenteurs du pouvoir sur leur propre terrain.

Fortuné Guiran, le cicérone de Hartmann à Nîmes et Avignon, était professeur de philosophie. Il participa par exemple à un concours ouvert par l’Académie des sciences morales et politiques pour « l’examen critique de la philosophie allemande » ; à la suite du rapport que Charles de Rémusat, au nom de la section de philosophie, rédigea sur l’essai de Guiran, ce dernier obtint une mention très honorable et un encouragement de 500 Francs du ministre de l'Instruction publique.[25] Guiran, comme François Sabatier, était germanophile : il a séjourné à Berlin, traduit en 1832 les Lettres de Paris de Börne et écrit une pièce de théâtre, publiée en 1846 : « Le fils de Faust, drame en prose ».

Hartmann donne peu d’indications sur le cercle républicain qu’il fréquente et une telle prudence était certainement de rigueur car Guiran avait fait de la prison en raison de ses prises de positions. Il se déclare ému de l’accueil que lui réservent ces républicains, d’autant qu’ils vénèrent en lui l’ami de Robert Blum, il se dit touché par la fougue politique de ses admirateurs. Il note que Guiran a été taxé d’athéisme par les autorités et laisse entendre qu’on a tort, en France, de lancer cette accusation abusivement :

« Fortuné Guiran […] scheint für unsere Philosophie von Jugend auf be- und gestimmt gewesen zu sein, da er schon im Kollegium zu Aix, seiner Heimat, als, was man in Frankreich nennt, ein Atheist zu Gefängnis verurteilt worden war. Es ist natürlich, dass im frommen Süden solche Früchte reifen. Später, besonders unter dem Ministerium Guizot, hätte er eine glänzende Karriere machen können, wenn er nur ein Mann der kleinsten Konzessionen gewesen wäre. (p. 94) »[26]

Hartmann estime-t-il qu’il ne faut pas confondre laïque et athée et que la spécificité de Guiran consiste seulement à séparer les deux sphères, temporelle et spirituelle ? Cette séparation des deux sphères est effectivement une composante de la laïcité qui joue un rôle important chez Guiran et sur laquelle nous reviendrons.

Hartmann indique sobrement que le Démocrate de Vaucluse est lu par les Parisiens, on pourrait en déduire que ce journal participait à la recherche théorique et à l’élaboration de réformes, ce que semblent confirmer la critique des lois sur l’enseignement et la discussion afférente préparant les futures lois sur l’enseignement laïque sous la Troisième République. Il estime que les opinions défendues par le journal seraient en train de gagner du terrain, affirmation difficile à vérifier mais qui sert à présenter le programme des démocrates socialistes du Sud-Est :

« [Fortuné Guiran] benügte sich mit der schweren Aufgabe, die so sehr zurückgebliebene, verpfaffte Bevölkerung über ihre Interessen aufzuklären. Seine Bemühungen haben Früchte getragen. Das ehemals durch und durch legitimistische Avignon ist heute wenigstens zu einem Drittel zum demokratischen Prinzip bekehrt; die neuen Demokraten suchen ihre blutige, fanatische Vergangenheit aus der Zeit des Legitimismus vergessen zu machen, halten in ihrer Minderheit brüderlich zusammen und geben der Gegenpartei imponierendes Beispiel. Sie werden darin von einem großen Teile der Landbevölkerung des Departements de Vaucluse gewissenhaft unterstützt. »[27]

On voit aussi dans cette citation que, selon le républicain Guiran, Guizot n’était pas allé assez loin. Bien que Hartmann ne donne pas de détails, on devine sans mal que Guiran souhaitait une séparation de l’Eglise et de l’Etat et qu’il n’a donc pas cautionné la loi Guizot du 28 juin 1833, qui s’en tenait prudemment à un compromis entre Église et État, stipulant que chaque commune devait entretenir au moins une école primaire publique et que les instituteurs devaient dispenser une instruction morale et religieuse sous le contrôle des autorités ecclésiastiques catholiques. Au fond, Guiran était sans doute plus proche d’Hippolyte Carnot, qui tenta vainement, en 1848, d’obtenir que l’enseignement religieux soit retiré des programmes des écoles publiques. Dans la mesure où Hartmann ne rappelle toutefois pas ce contexte, qui est pourtant explicite dans le Démocrate du Vaucluse et l’était certainement aussi dans les conversations auxquelles il a assisté, son Tagebuch fait surtout ressortir le fait que l’intransigeance de Guiran ait nui à sa carrière et lui ait valu le désaveu de Guizot : un réseau de solidarité se tisse ainsi autour de ces victimes de leur idéologie puisque Hartmann était dans une situation comparable à celle de Guiran, tous deux ayant été mis à l’écart, l’un en province, l’autre, de manière plus radicale, à l’étranger.

Un autre compagnon spirituel de Hartmann et des démocrates du Vaucluse est Victor Hugo. C’est avec virulence que le journal attaquait la loi Falloux et il avait applaudi au célèbre discours que Victor Hugo avait prononcé contre la loi Falloux en 1850, déclamant : « je repousse votre loi. Je la repousse parce qu’elle confisque l’enseignement primaire, parce qu’elle abaisse le niveau de la science, parce qu’elle diminue mon pays […] ». Le journal, qui reproduit ce discours dans son numéro 3 du 25 janvier 1850 (d’après le Moniteur), décèle avec enthousiasme un recul des légitimistes et une avancée politique en faveur de ses idées :

« Les cris de fureur que ce discours a excités sur les bancs de la réaction prouvent que l’orateur a touché juste, et qu’il a mis le doigt dans la plaie. Mais ce qui excitait surtout la colère des partisans du passé, ce n’est pas tant la fidélité du portrait exposé au grand jour de la tribune, que la rage de se voir abandonnés par un homme qui a combattu long-temps dans leurs rangs. A ce signe infaillible, ils reconnaissent que leur cause est à jamais perdue. Le discours de M. Victor Hugo est pour elle un arrêt de mort. »[28]

L’admiration que Hartmann porte à Hugo est moins tonitruante que celle de ses amis. Certes, les positions de Hugo contre la censure et le parti clérical recoupent les positions de Hartmann comme celles des démocrates méridionaux, d’autant que l’ancien député qu’était Hartmann n’a pu qu’être sensible à l’éloquence dont Hugo avait fait preuve. Pourtant, ses références à Hugo sont d’ordre esthétique : ce nom est périodiquement mentionné parce qu’Avignon s’apparenterait à une ville hugolienne, à un décor de drame romantique.[29] Ces références à Hugo renferment peut-être aussi un message de laïcisation dans la mesure où la référence à la spiritualité, chère à Hugo, n’est pas étrangère à Hartmann : détachée de toute institution ecclésiastique, c’est une religion du sentiment qui relève du frisson, de l’émotion esthétique comme celle que Hartmann a éprouvée devant le palais des papes, elle ne nécessite pas une croyance en Dieu.

La suite du séjour que Hartmann fait dans le Midi de la France estompe quelque peu ses élans pathétiques. Le ton de la chronique est de plus en plus pragmatique et désabusé, s’écartant des enthousiasmes journalistiques du Démocrate. Peut-être Hartmann, tirant les leçons de l’échec des députés de Francfort, met-il même en garde ces démocrates du Vaucluse. Il observe assez froidement le comportement politique de la majorité des habitants du Midi et en conclut que le coup d’Etat de Louis-Napoléon va forcément réussir[30], qu’il faudrait se faire une raison. A Montpellier, il pressent l’inanité de toute révolte et – au fond comme Guizot – estime que des accommodements seraient inéluctables étant donné l’arrière-plan matériel et social ; même les protestants accepteront le coup d’Etat imminent, prévient-il. Il ne partage donc pas les espérances électorales des démocrates-socialistes qui pensaient que la victoire restait possible. Cette distance intellectuelle et politique contamine sa perception de l’histoire et de la littérature régionalistes : les grands méridionaux ne seraient que des héros de village et les ruines médiévales comme la cathédrale de Maguelone seraient bien surfaites.

Si Hartmann épouse la cause de ses amis républicains et fouriéristes qui souhaitent préserver et élargir les acquis de la première laïcisation, il s’en différencie pourtant et suggère les limites de ce qui est envisageable. Pour cet exilé qui espérait repartir un jour, il est en outre vraisemblable que la perte de ses illusions s’associait à la nécessité de rester assez allusif pour être publié en Allemagne, où la presse restait étroitement surveillée, même si les décrets de Karlsbad avaient été abrogés en mars 1848, et de tenir compte de la réalité politique de l’Autriche à une époque où le parti clérical (die Schwarzgelben) l’avait emporté.

La solution protestante

Hartmann examine aussi si les protestants du Midi n’auraient pas réussi à sortir autant de l’intransigeance des républicains que de la frilosité légitimiste. Il semble avoir reçu une double impulsion : celle d’une région de tradition calviniste, et – c’est du moins notre hypothèse – celle de ses conversations avec Guiran. Il mène, à Nîmes et dans les Cévennes, une sorte d’enquête sur la relation entre protestantisme et Etat : le protestantisme apporterait-il d’autres solutions que la révolution ? La position de Hartmann reste néanmoins celle d’un observateur extérieur qui ne se réclame pas, à titre personnel, d’une confession et qui, en l’occurrence, ne valorise pas une culture de l’intériorité préparée par le protestantisme.

On constate sa neutralité confessionnelle quand, concevant le projet de s’atteler à une histoire du protestantisme français, il établit un état de la recherche à partir des ouvrages qu’il a lus. Bien qu’il s’intéresse à la culture cévenole et lise attentivement les textes retraçant l’histoire des Cévennes, il ne se livre pas à une apologie. Il apprécie l’histoire écrite par de Felice et celle de Borrel, il est plus taquin pour Peyrat et Court : Peyrat, prétend-il, se sentirait obligé de rendre hommage aux philosophes des Lumières puisque ces derniers ont rendu d’éminents services à la cause protestante, mais il le ferait à contrecœur. Et Hartmann laisse ainsi son lecteur deviner que le déisme et le matérialisme des Lumières ont irrité Peyrat. Antoine Court serait embarrassé quand il parle des prédicateurs du désert dont la théocratie était assurément trop démocratique pour un conservateur comme Court, suggère Hartmann avec malice. Mais, comme Hartmann réprouve l’anarchie entretenue par les prédicateurs du désert, il rejoint Court pour ce qui est du fond. A cette liste de livres protestants, Hartmann joint une présentation de textes écrits par des catholiques, qu’il commente de façon nuancée sauf quand il s’agit de Mme de Maintenon, laquelle serait « pire »[31] que sa réputation ne le dit. En somme, ce panorama montre que Hartmann reste neutre pour ce qui est des sources qu’il utilise, protestantes ou catholiques, et qu’il se méfie de toute manifestation de fanatisme.

Quand il se plaît à se dire proche, à certains égards, des protestants cévenols, il y a une part de jeu. Sa conception de l’écriture en est déjà symptomatique : si les plus grands hommes sont, dit-il, Dante et Pétrarque pour l’Italie et Luther et Lessing pour l’Allemagne, c’est que les uns ont forgé la langue « du ciel et de l’enfer » (Dante et Luther), les autres celle « de la terre » (Pétrarque et Lessing). Il établit un parallèle entre les quarante-huitards allemands et les martyres des dragonnades, avouant son faible pour les camisards, rebelles comme lui, « rousseauistes », si bien qu’il n’est pas à exclure que ce rappel de la répression et de ses combats sous Louis XIV ait été une manière d’entretenir la mémoire de 1848.[32] Toutefois, il faut tenir compte d’une grande part d’auto-dérision : il signale que ces « rousseauistes » sont aujourd’hui légitimistes[33] ; ou il se compare à un aigle cévenol mais l’aigle en question habite dans le pigeonnier de la Tour de Fages ; ou il s’accorde la fantaisie de prêter aux Languedociens un caractère « barbare » qui résulterait de l’amalgame des Romains avec les Celtes et les Francs et expliquerait « l’esprit d’indépendance » qui les différencierait des autres Français.[34] Cette sympathie d’un homme de lettres pour les camisards est de surcroît une concession délibérée vis-à-vis de l’engouement des touristes protestants et de la mode entretenue par Tieck dans Aufruhr in den Cevennen.[35]

Plus fondamentalement, le jugement de Hartmann à propos de cette thématique protestante reste dominé par des préoccupations sociales et politiques. Former les individus à la citoyenneté républicaine implique de les inciter à se libérer de l’emprise des idées religieuses et d’en décoder l’arrière-plan social. Nous avons vu qu’il rejoint en cela les positions des héritiers de la Révolution française. C’est pourquoi, il dévoile, dissimulés derrière les positions théologiques, des intérêts matériels plus ou moins sordides :

« Man glaube nicht, dass ich Tendenz oder wohlfeile Polemik gegen den Adel mache, indem ich so oft auf den Abfall, den schändlichen Verrat, die apostatische Verfolgungssucht der Languedocschen Aristokratie zurückkomme. In den besten Quellen, die ich hier beigeben werde, darunter katholische, kann man sich von der Wahrheit des Gesagten überzeugen, von der Wahrheit, dass die Adeligen nichts von den größeren Schändlichkeiten, vom bittersten Verrat an ihren Glaubensgenossen abhielt, nachdem es den Anschein gewonnen hatte, dass auf protestantischer Seite wenig Vorteil zu holen war. Die Vergleichung mit anderen Zeiten und Ländern, die Nutzanwendung und die Moral überlasse ich dann dem Leser selbst (p. 275). »[36]

Les nobles apostats ou les courtisans de Louis XIV n’auraient songé qu’à leur position sociale : « Man erkennt, wie wenig bei den Helfershelfern Ludwig XIV. die Religion, wie viel ihr eignes Interesse zu bedeuten hatte und daß in den Cevennen Tausende geschlachtet wurden, um in Versailles einen kleinen Platz zu behaupten. »[37] Hartmann n’a pas davantage d’indulgence pour les camisards, qu’il caractèrise, à juste titre, de fanatiques et de brutaux, la violence populaire, comme toujours, ne lui inspirant que répulsion.

Son insistance à présenter l’histoire du protestantisme français peut être attribuée à son propre héritage germanique et bohème. Révolution religieuse, hussitisme et Réforme luthérienne, restent ses points de repère, sans doute parce que le problème central en Allemagne était moins celui de « la place du religieux dans la société » que celui posé par la coexistence de deux confessions et leur relation à l’autorité politique.[38] Un aspect de son enquête portait sur les institutions calvinistes, et s’interrogeait sur leur capacité à servir de modèle au fonctionnement républicain, question à laquelle il répond negativement, car, ici encore, les enjeux seraient matériels. De plus, s’il a conçu le projet d’écrire une histoire du protestantisme français, c’est peut-être dans l’intention de livrer à son lectorat allemand, comme Heine l’avait fait pour le public français, une histoire de la religion en France. Même s’il n’a pas achevé cette tâche, l’état de ses recherches en constitue un canevas intéressant.

Si l’on fait le bilan des thèmes qu’il traite, c’est en définitive toujours l’ingérence de l’Etat dans les affaires religieuses qui est abordée. Tandis que le Démocrate de Vaucluse lutte contre l’influence des Eglises en 1850, Hartmann prédit que les protestants s’accommoderont du gouvernement de Napoléon III. La solution qu’il préconise pour s’émanciper des prétentions cléricales est, d’une part politique – puisque Louis-Napoléon va certainement s’imposer, qu’il sache, du moins, profiter des compétences économiques des protestants –, et, d’autre part, socialiste : dénoncer les intérêts de ceux qui tentent de profiter du parti clérical pour préserver leurs intérêts de caste.

Il trace un tableau nuancé (et réaliste) des tendances politiques des protestants de Montpellier et Nîmes en 1851, qui se composeraient de beaucoup de légitimistes, d’une minorité d’ouvriers et de « républicains », ainsi que de bonapartistes et de quelques orléanistes. Outre le fait qu’il a été bien informé, il sape, avec un humour impitoyable, les fondements idéologiques des uns et des autres. Car ces Français, toutes tendances confondues, seraient assez pragmatiques pour s’incliner le moment venu devant le « fait accompli », l’avènement de Louis Napoléon, surtout si ce dernier pratiquait un libéralisme économique favorisant la vente des vins produits par les propriétaires du Midi. Le voyageur imagine pour finir que « deux préfets arborant le ruban rouge à la boutonnière vont bientôt déambuler dans les rues de Nîmes et de Montpellier, personnifiant l’aigle impérial ».[39] Il se moque donc des philistins, y compris du milieu protestant, philistins que Heine avait déjà immortalisés dans ses Reisebilder.

L’été 1851 étant pour la France une période de transition et d’attente, Hartmann a fini par annoncer la défaite de tous les courants aussi bien légitimistes que démocratiques.[40] Son scepticisme face à la lutte contre l’influence cléricale le rend sarcastique. C’est par exemple le cas quand il s’en prend à la revue légitimiste L’Echo du Midi, journal qu’il juge fort méticuleux dans ses rubriques historiques et pouvant – à cause de cette méticulosité – « faire des ravages ».[41] Dans l’ensemble de la relation de ce voyage, il reste sur le qui vive et perpétuellement insatisfait, ce qui lui garantit une forme de neutralité qu’il juge plus complète que celle de ses amis protestants puisque, selon Hartmann, l’engagement finirait par l’emporter, chez eux, sur la logique, l’efficacité sur l’esthétique, la simplification sur les nuances.

Ce scepticisme pourrait avoir été conforté par sa prise de distance vis-à-vis des positions de son ami Fortuné Guiran. En effet, quand on relève les quelques éditoriaux où Guiran aborde la religion, on constate que, s’il pratique un réel prosélytisme en faveur de ce qu’il nomme « l’autorité de la raison », il ne milite pas pour autant en faveur de l’athéisme. Sa priorité est ailleurs : il réclame avec obstination, sur le plan matériel, que la gestion des cultes ne soit pas l’affaire de l’Etat. Quand il revendique la liberté de conscience, Guiran transpose la revendication luthérienne du sacerdoce universel dans le contexte politique des années 1850–1851 :

« L’histoire universelle est la mise en action de cette vérité. Pour nous en tenir aux faits actuels, n’est-il pas clair comme le jour que, par l’établissement de la liberté religieuse, le dogme de l’autorité est en pleine dissolution ? L’Etat salarie également les rabbins, les ministres protestants et les prêtres catholiques. Or, parmi ces gens-là, ce que les uns nient, les autres l’affirment, et réciproquement : l’Etat salarie donc une contradiction. Dira-t-on, que ces cultes divers ne diffèrent que par la forme et qu’ils contiennent chacun le dogme fondamental commun à toutes les religions ? Je le veus (sic) bien, mais alors (voilez-vous la face d’horreur, ô Falloux et Montalembert) que l’Etat, dépouillant toute hypocrisie, inscrive au frontispice de ses lois le célèbre décret de Robespierre : Le peuple français reconnaît l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme !

L’Etat, qui salarie une contradiction, étant en même temps l’expression plus ou moins exacte de la société, il s’ensuit qu’en France la seule autorité permanente et réelle en fait de religion est l’autorité de la raison ; ce qui signifie en termes plus clairs que chacun, en France, est à soi-même son prêtre et son roi. »[42]

C’est pourquoi, dans une lettre ouverte publiée le 18 septembre 1851, Guiran reproche à Proudhon : « formellement athée en parole, vous êtes sceptique en réalité », à telle point que les lecteurs de Proudhon seraient, dit-il, « désespérés ».[43]. Et, bien qu’il se classe lui-même parmi les disciples de Hegel, Guiran s’éloigne des athées, déclarant à Proudhon :

« A la suite de M. David Strauss, le célèbre auteur de la « Vie de Jésus » et de la « Dogmatique chrétienne », vous croyez, avec MM. Auguste Comte et Littré, que l’idée de Dieu s’évanouit de la conscience à mesure que l’Humanité s’enrichit et s’éclaire. Je soutiens, moi, contrairement à cette opinion, que, bien loin de s’affaiblir parmi les hommes et d’aboutir, par conséquent, tôt ou tard, à sa complète négation, l’idée de Dieu va toujours s’épurant et s’agrandissant à travers les siècles ; et que c’est en cela même que consiste précisément tout ce qu’il y a d’essentiel dans le progrès général de la société. »[44]

La liberté à laquelle il aspire semble compatible avec la laïcité dont se réclame le Démocrate de Vaucluse puisqu’elle implique une stricte séparation des institutions étatiques et religieuses et s’insère dans un plaidoyer plus global en faveur du système républicain. Guiran ne fait que rattacher cette revendication à la liberté du croyant et il revient aux principes fondamentaux de la Réforme :

« Oui, sans doute, la religion est la première base de toute société. Mais il y a religion et religion comme il y a fagot et fagot. La religion du genre humain est le commerce intérieur et permanent de toute âme humaine avec le principe éternel de son être : elle est cette incarnation du verbe divin c’est-à-dire de la raison divine, dont l’apôtre saint Jean a dit qu’elle éclaire tout homme venant en ce monde : et illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum. Est-ce de cette religion absolue qu’il s’agit ? mais dans ce cas, tout homme qui s’interpose entre Dieu et l’âme de chaque homme interpose sa propre obscurité, son opacité individuelle entre la lumière divine et l’âme de chaque homme. Expliquez-vous donc, M. de Montalembert ! quand vous parlez de l’Esprit-Saint, est-ce de cet esprit de gloire et de liberté, qui, incessamment répandu à flots abondants au sein de l’humanité, inspire, en chaque siècle, les héros et les sages, et brille au fond de toutes les consciences comme un flambeau du ciel toujours allumé sur les voies de la terre ; ou bien est-ce simplement l’étroit esprit de MM. Olivier, Montalembert, Antonelli et autres grands sacristains qui vient impudemment nous donner ses vilainies ( !) et son asinique ignorance pour la lumineuse effulgescence de Dieu le père ? »[45]

On trouve deux autres exemples allant dans le même sens. Quand il conteste le fait que le ministre Montalembert se soit référé à l’autorité de l’Evangile pour imposer la sanctification du dimanche et le repos dominical, Guiran rappelle certes la solution prônée par Proudhon, celle d’un repos septénaire différent du repos dominical, mais il critique le « sacrilège » commis par Montalembert qui recourt à une citation biblique pour dissimuler un objectif économique :

« C’est, ô sacrilège ! sous l’invocation de celui qui a dit : le sabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat, que l’orateur du jésuitisme universel a l’effronterie de frapper d’anathème la veuve et l’orphelin obligés de glaner, le dimanche, leur maigre subsistance du lundi dans les riches enclos du vieux monde ! On trouvera plus loin dans nos colonnes l’accablante réponse faite par Proudhon à cet homicide projet de loi ; nous voulons nous borner ici à dévoiler en quelques mots l’hypocrite absurdité du prétendu principe religieux que lequel on ose s’appuyer. »[46]

Plus loin, prenant courageusement le parti du Courrier de Vaucluse victime de la censure, F. Guiran cite en exemple le message des Evangiles et il polémique ici encore contre le mauvais usage qu’en feraient l’autorité politique et les censeurs :

« La dure pénalité qui vient d’atteindre une feuille aussi modérée que le Courrier de Vaucluse fournit une preuve nouvelle de l’excessive rigueur des lois qui régissent la presse […] Nous demanderons aux pieux défenseurs de la propriété qui ont édicté ces lois draconiennes, s’il est beaucoup de propriétaires qui pûissent à la longue résister à la désastreuse influence d’une pareille législation. Un journal, il est vrai, d’après nos grands législateurs réactionnaires, n’est pas un fonds de terre, et une idée ne vaut pas un grain de blé. Jésus pourtant a dit : l’homme ne vit pas seulement de pain ; et à ses apôtres – allez et enseignez ! Mais que sont Jésus et les apôtres à côté des amis actuels de la religion ! »[47]

Hartmann, au contraire, demeure étranger à ce type d’argumentation, ses paradigmes restent sociologiques et matérialistes. S’il était outré par le fanatisme des camisards, il se dit déçu – malgré les exceptions existantes – par l’intolérance actuelle et réciproque des catholiques et des protestants[48], par le manque de culture des responsables calvinistes qui, alors que la constitution de leur Eglise les y autoriserait, ne mettent pas en application un fonctionnement républicain et ne suivrait pas les conseils – pourtant avisés – que des penseurs venus d’Allemagne tenteraient de leur dispenser.[49] L‘argumentation de Guiran n’a donc pas convaincu Hartmann de la possibilité de séparer l’Eglise et l’Etat mais paraît au contraire l’avoir poussé à estimer que le protestantisme, dans sa composante calvinienne aussi, serait apte à être utilisé par l’Etat, en l’occurrence par Louis-Napoléon.

Hartmann fait donc partie des disciples de Hegel qui estiment que la réflexion sur la religion est le préalable de tout renouveau politique, s’opposent à l’alliance du trône et de l’autel, critiquent toute forme de dogmatisme et de fanatisme, dénoncent les intérêts matériels que chaque confession défendrait à sa manière. Sa lutte pour la liberté impliquait autant de combattre le cléricalisme que d’obtenir une stricte séparation de l’Eglise et de l’Etat, toutes confessions confondues.

Pour le dire d’un mot, cette relation de voyage est un plaidoyer laïque, formulé sur le mode de l’humour, du paradoxe et du relativisme heinéens. La description d’Avignon, marquée par les échanges de Hartmann avec ses amis politiques, est aussi esthétisée et rappelle la satire que Heine avait faite du clergé italien à Lucca dans ses Reisebilder de sorte que Hartmann, quand il envisage les données susceptibles de favoriser un progrès politique, semble plus proche de l’indifférentisme de Heine[50] que des argumentations de Guiran. Il ne cache pas son scepticisme quant à l’évolution de la société dès qu’il évoque le rôle des théologiens catholiques ou protestants. Son agacement atteint son apogée face à l’influence exercée par le clergé catholique sur les citadins et les paysans : « Il n’est sans doute pas à notre époque une autre région en Europe qui soit si inconditionnellement livré au pouvoir du clergé que le Midi de la France. Le voyageur se sent parfois revenu au XVIe siècle et en Espagne. On observe partout des signes de l’esclavage dans lequel l’Eglise maintient le peuple. Presque toutes les femmes, qu’elles soient issues du peuple ou des couches supérieures de la société, portent des petites croix ou un chapelet pour montrer ostensiblement qu’elles appartiennent à telle ou telle association placée sous la coupe d’un prêtre quelconque. Processions et enterrements trahissent le fait qu’une grande partie de la gent masculine se plie aussi à la discipline ecclésiastique. »[51] Il attribue ce fanatisme obsolète à l’influence des légats du pape qui, depuis Avignon, auraient durablement inculqué le goût de ces « pieuses bouffonneries ».[52] Cette pirouette à travers les siècles, malgré son apparence humoristique, traduit – ici comme à maints autres endroits – l’impuissance à combattre l’influence du parti de l’ordre ; Cet aveu d’échec se retourne, finalement, contre les intellectuels dont Hartmann fait partie, jugés incapables d’émanciper les masses. L’exil amplifie cette situation : si l’hôte de passage garde ses convictions, si son séjour en France ne met rien entre parenthèses, il n’en est pas moins frappé de paralysie civique. Son attaque contre le cléricalisme concerne autant les réalités autrichiennes que l’environnement français, mais Hartmann n’a pas plus de prise sur son pays d’origine qu’il n’en a sur la France, et ces carences lui inspirent une mélancolie dont il n’émerge que par le bais de sarcasmes.



[1] Hartmann, Moritz, Briefe. Ausgewählt und eingeleitet von Rudolf Wolkan, Wien, Rikola, 1921 ; voir aussi Scheichl, Sigurd Paul, Zur Freundschaftskultur von Prager und Wiener Juden im Vormärz. Briefe aus dem Umfeld von Moritz Hartmann, dans Jahrbuch Forum Vormärz-Forschung, 4. Jahrgang, Bielefeld, Aisthesis-Verlag, 1998, p. 165–180.

[2] Wittner, Otto; Moritz Hartmanns Leben und Werke. Ein Beitrag zur politischen und literarischen Geschichte des 19. Jahrhunderts, Teil 2: Exil und Heimkehr, Prag, G. Calve (Joseph Koch), 1907, p. 11. Sur le message bohémiste de Hartmann, voir Leclerc, Hélène, Tchèques et Allemands dans la littérature de langue allemande de Bohême (1815–1848). Symbiose, médiations et ruptures, thèse de doctorat, Université de Toulouse 2, 2006.

[3] Publiée entre 1835 et 1837, reprise et continuée plus tard, la Revue germanique était de tendance libérale et diffusait la culture allemande en France.

[4] Valentin, Veit, Geschichte der deutschen Revolution von 1848–1849, [1930], Weinheim, Beltz Quadriga, 1998, t. 1, p. 261 et suiv.

[5] Valentin, Geschichte der deutschen Revolution, t. 2, p. 580.

[6] Mommsen, Wolfgang J., 1848. Die ungewollte Revolution, Frankfurt am Main, Fischer, 1998, p. 246 ; voir aussi Valentin, Geschichte der deutschen Revolution, t. 2, p. 204 et suiv.

[7] Wittner, Leben und Werke, p. 117 et suiv.

[8] Une biographie de François Sabatier figure dans : Le Faust de Goethe […] traduit par François Sabatier, Paris, Delagrave, 1893, p. V–XIX.

[9] François Sabatier, à propos de l’enterrement à Ornans de Gustave Courbet, s’exclame : « Voici la démocratie dans l’art », formule qui figure dans La Démocratie pacifique du 22 décembre 1850 et est reprise dans Sabatier, François, Salon de 1851, Paris, Libraire phalanstérienne, 1851 ; voir Schlesser, Thomas, Réceptions de Courbet. Fantasmes réalistes et paradoxes de la démocratie, Dijon, Presses du réel, 2007.

[10] Hartmann, Moritz, Tagebuch einer Reise durch Languedoc und die Provence, Darmstadt, Leske, 1853. Nos citations sont tirées de la réédition de 1980 (Berlin, Rütten & Loening Societätsverlag, 1980).

[11] Outre aux nombreux travaux de René Merle sur l’usage politique du provençal (en particulier Merle, René, Quelques remarques sur l’usage de la langue d’Oc dans la propagande démocrate-socialiste, 1848–1851, communication au Colloque de Montpellier, 18 et 19 septembre 1998, publiée dans De la Révolution au coup d’État (1848–1851). Les répercussions des événements parisiens entre Alpes et Pyrénées, Université Paul-Valéry – Montpellier III, 1999), nous renvoyons ici à Autrand, Aimé, Statistique des élections parlementaires et des partis politiques en Vaucluse de 1848 à 1928, Vaison-la-Romaine, Macabet, 1932 ; et à Lechalier, Marius, Les Annales municipales d’Avignon de 1790 à nos jours, Avignon, Imprimerie de l’administration municipale, 1928–29.

[12] Hartmann, Tagebuch, p. 63.

[13] Sur l’ancienneté et le rôle notable de cette colonie dans la cité des papes, voir Favier, Jean, Les papes d’Avignon, Paris, Fayard, 2006, p. 513–517.

[14] Hartmann, Tagebuch, p. 66.

[15] Hartmann, Tagebuch, p. 64.

[16] Ibid., p. 67–68.

[17] Pour relater plusieurs épisodes et anecdotes, il a pu s’inspirer de Rastoul, Alphonse, Tableau d’Avignon, Avignon, Rastoul, 1836. Cet ouvrage, sur le plan informatif, lui aura sans doute été plus utile que la chronologie plus sommaire et événementielle qu’avait établie Peignot, Gabriel, Précis chronologique du règne de Louis XVIII, en 1814, 1815 et 1816, Paris, Renouard, 1816. On retrouvera en tout cas confirmation des épisodes mentionnés par Hartmann dans l’ouvrage de Houssaye, Henry, 1815. La Première Restauration ; le Retour de l'île d'Elbe ; les Cent jours, Paris, Perrin, 1893.

[18] Hartmann, Tagebuch, p. 74–84.

[19] Hartmann, Tagebuch, p. 67 (voir la citation insérée plus haut).

[20] Ibid., « nach Mittelalter riechen », p. 100.

[21] Ibid., p. 99.

[22] Voir Le Démocrate de Vaucluse, n° 97 du mercredi 18 décembre 1850, p. 1–2.

[23] Démocrate de Vaucluse, 1er numéro, 16 janvier 1850

[24] Sur les prémices de la querelle de la laïcité et le paradoxe que représentait la loi Falloux dont « l'adoption aurait dû être saluée comme une victoire de la liberté » puisqu'elle abrogeait le monopole de l'université et était une défaite du despotisme napoléonien et qu’elle « fut néanmoins reçue comme une initiative réactionnaire » puisqu'elle accordait à l'Eglise un droit de regard sur l'école publique, voir les travaux de René Rémond et les aperçus synthétiques qu’il donne dans : Rémond, René, La vie politique en France 1848–1879, Paris, Colin, 1969, p. 113, p. 131 et suiv, p. 139.

[25] Joseph Willm, inspecteur de l’Académie de Strasbourg, obtint le prix et publia son travail sous le titre : Histoire de la philosophie allemande depuis Kant jusqu'à Hegel, Paris, Ladrange, t. I en 1846 ; t. II et III, 1847.

[26] Hartmann, Tagebuch, p. 94.

[27] Ibid., p. 95.

[28] Démocrate du Vaucluse, 25 janvier 1850.

[29] Hartmann, Tagebuch, p. 73, p 74, p. 99.

[30] Il écrit qu’il « ne doute pas » de la réussite du coup d’Etat et de l’instauration de l’Empire par Louis Napoléon.

[31] Hartmann, Tagebuch, p. 278.

[32] Hartmann, Tagebuch, p. 355.

[33] « der Bewohner des Languedoc ist vollkommen Rousseauscher Egalitätsmensch. – Und dabei doch Legitimist?! Jawohl, und oft wütender Legitimist. Das sind so Dinge, die hinter dem Rücken der Logik vorgehen », ibid.

[34] Ibid., p. 304.

[35] Ibid., p. 305.

[36] Ibid., p. 275.

[37] Hartmann, Tagebuch, p. 279.

[38] François, Etienne, L’Allemagne du 16è au 20è siècle, dans Davie, Grace ; Hervieu-Léger, Danièle (sous la direction de), Identités religieuses en Europe, Paris, La Découverte, 1996, p. 85–86.

[39] Hartmann, Tagebuch, p. 364.

[40] Il s’attend à un Etat « autoritaire » et parle de « fait accompli », Hartmann, Tagebuch, p. 337.

[41] Ibid., p. 338.

[42] Démocrate de Vaucluse, 16 août 1851.

[43] Démocrate de Vaucluse, 18 septembre 1851, p. 2.

[44] Démocrate de Vaucluse, 18 septembre 1851, p. 1.

[45] Démocrate de Vaucluse, 18 décembre 1850.

[46] Démocrate de Vaucluse, 18 décembre 1850.

[47] Démocrate de Vaucluse, 14 juin 1851.

[48] Hartmann, Tagebuch, p. 328.

[49] Ibid., p. 268. On serait tenté de songer par exemple à la revue d’Arnold Ruge, Les Annales franco-allemandes, qui, pour reprendre les termes de L. Calvié, incitaient les Français à « penser à l'allemande » (selon Hegel) et les Allemands à « agir politiquement à la française » (dans la tradition de 1789), voir Ruge, Arnold, Aux origines du couple franco-allemand. Critique du nationalisme et révolution démocratique avant 1848. Textes traduits de l'allemand et présentés par Lucien Calvié, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2004.

[50] Höhn, Gerhard, Heine-Handbuch. Zeit, Person, Werk, Stuttgart, Metzler, 2004, p. 251, p. 350, p. 355.

[51] Hartmann, Tagebuch, p. 364.

[52] Ibid., p. 368.


Für das Themenportal verfasst von

Françoise Knopper

( 2008 )
Zitation
Françoise Knopper, Moritz Hartmann et la première laïcisation dans le Midi de la France, in: Themenportal Europäische Geschichte, 2008, <www.europa.clio-online.de/essay/id/fdae-1679>.
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