La loi scolaire française du 28 mars 1882 et la question de l’enseignement laïque. Un débat dans la presse allemande
Von Philippe Alexandre
« Celui qui a la maîtrise de l’école, a aussi celle de l’avenir. » : Le débat sur l’influence de l’Etat et de l’Eglise dans les écoles a été mené en France et en Allemagne d’une façon assez différente. L’évolution du débat dépendait – comme ses conséquences – aussi bien du contexte historique et de la situation politique que des héritages culturels, scolaires et juridiques. En Allemagne, non seulement les Eglises et les représentants de la laïcisation tiennent une place importante dans la politique scolaire, mais les différences régionales historiques en tiennent une également. De plus, cette polémique a été alimentée par les événements se déroulant dans chacun des deux pays, et par leur ingérence mutuelle. Ceci apparaît clairement dans l’analyse des réactions de la presse allemande face à la loi française du 28 mars 1882, loi qui séparait l’école publique des religions. Mais les réformes laïques en France n’ont pas été seulement discutées par l’Allemagne comme un des grands sujets de l’actualité étrangère. Elles ont aussi été instrumentalisées stratégiquement par tous les partis allemands pour ce débat.
„Wer die Schule hat, hat die Zukunft“: Die Diskussion um den Einfluss von Staat und Kirche auf die Schule ist in Frankreich und Deutschland unterschiedlich geführt worden. Der Verlauf war ebenso wie die Resultate abhängig vom Zeitpunkt und der politischen Situation, sowie von den kulturellen, schulischen und juristischen Hintergründen. In Deutschland spielten nicht nur die Kirchen und die Vertreter eines nicht-konfessionellen Unterrichts eine Rolle in der Diskussion, es gab historisch auch große Unterschiede in der regionalen Schulpolitik. Allerdings konnten auch die Ereignisse in diesem Bereich im jeweils anderen Land Auswirkungen auf die Debatte haben. Dies zeigt die Analyse der Reaktionen in der deutschen Presse auf das französische Gesetz vom 28. März 1882, das die Schulen und jeglichen religiösen Unterricht voneinander trennte. Die laizistischen Reformen in Frankreich wurden aber nicht nur als eines der großen Themen ausländischer Politik diskutiert. Sie wurden auch für die politische Auseinandersetzung im eigenen Land instrumentalisiert und spielten in den Strategien aller Parteien und damit im politischen Diskurs eine wichtige Rolle.
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En 1881, une revue catholique allemande, les Historisch-politische Blätter, notait à propos de ce que l’on appelait alors « la question scolaire » : « C’est le problème qui, actuellement, dans une grande partie du monde civilisé, agite les esprits, beaucoup plus fortement que toutes les autres questions, et divise chacun des peuples en deux grands camps adverses. »[1] La grande querelle qu’allait provoquer en France la loi du 28 mars 1882 s’inscrivait dans un contexte européen, voire occidental si l’on inclut les Etats-Unis. Dans la société moderne semblait s’accélérer cette évolution générale dont parlait Jules Ferry dans son discours du 23 décembre 1880 à la Chambre des députés de Paris.[2] A la fin du XVIIIe siècle, on avait « sécularisé le pouvoir civil », au début du siècle précédent, Bacon, Descartes, les grands esprits avaient « sécularisé le savoir humain, la philosophie » ; il s’agissait désormais, selon lui, d’« obéir à la logique de ce grand mouvement » et de « séculariser l’école ».
En Allemagne, cette idée figurait dans les programmes politiques des démocrates[3] et des socialistes depuis les années 1860.[4] Laïciser l’école publique, cela signifiait modifier son statut, réviser le contenu des programmes scolaires, définir rigoureusement la qualité des personnels, dont les religieux devraient être exclus, faire disparaître de l’école les symboles religieux, y interdire la présence de religieux et l’enseignement de doctrines religieuses, repenser la formation des maîtres dans les écoles normales.
Le débat se concentrait alors essentiellement sur l’école primaire où était formée la plus grande partie de la population, qui n’allait ni au collège ni au lycée. L’influence de l’instituteur sur les jeunes esprits était considérée comme déterminante, plus que celles des professeurs sur des lycéens qui, souvent, avaient déjà développé leur propre pensée et qui étaient marqués par leur milieu. C’est parce que l’on était conscient de l’enjeu que constituait l’enseignement élémentaire, que l’on entendait souvent dire : « Celui qui a la maîtrise de l’école, a aussi celle de l’avenir. »[5]
Le débat sur la laïcisation de l’école s’est toujours inscrit dans un contexte national particulier dans la mesure où l’histoire et la situation politique, juridique et culturelle, de l’enseignement sont différentes d’un pays à l’autre. Mais ce débat a été parfois influencé par celui d’autres pays sur le même sujet. C’est ce que montre une analyse des réactions qu’ont suscitées, dans la presse allemande, la loi française du 28 mars 1882, les séances houleuses à l’issue desquelles elle fut adoptée au Sénat le 23 mars, les conditions de son application et la résistance de la droite cléricale.
Pour mieux comprendre ces réactions, il convient de rappeler quels sont, à cette époque, les enjeux de la « querelle scolaire » allemande, des enjeux propres au contexte de l’Allemagne de Bismarck, à un moment où se manifeste un mouvement conservateur et national qui entend réagir face à l’influence grandissante des idées progressistes.
La querelle scolaire en Allemagne
La situation de l’école primaire se caractérise en Allemagne par l’existence de deux grandes communautés religieuses, les protestants et les catholiques, du fait que le Reich bismarckien est un Etat fédéral et que les questions touchant à l’école relèvent de la compétence de chacune de ses composantes, où l’enseignement a une histoire politique et sociale qui lui est propre.
Ainsi peut-on parler, dans le cas de l’Allemagne, d’une importante diversité régionale en matière de politique scolaire, comme le montrent les quelques exemples suivants. Dans le duché de Nassau, un édit a mis en place, dès 1817, une instruction publique « utile », permettant à l’individu de progresser dans l’intérêt de l’Etat ; le même édit demandait que l’école soit ouverte aux enfants de toutes les religions et que chacun d’eux puisse avoir, sinon un maître de même religion que la sienne, du moins un enseignement dans sa religion.[6]
En Prusse la situation apparaît comme plus complexe. Un décret de 1822 montre que dans cet Etat s’est posé, dès cette époque, la question de l’école interconfessionnelle (Simultanschule) à laquelle il était déjà reproché de négliger la religion.[7] Comme le montrent les programmes scolaires, la religion a toujours occupé une place importante dans les écoles primaires et les lycées prussiens. En 1849, pourtant, après une année de révolution marquée entre autres par une « guerre scolaire », Frédéric Guillaume IV se voyait obligé de tancer les enseignants parce qu’un courant contraire à la religion affectait les écoles de son royaume. Il leur reprochait de donner à leurs élèves une « pseudo-éducation », une « sagesse populaire dénuée de tout esprit religieux », de les soumettre aux « influences funestes d’une époque empoisonnée » et de leur inculquer les « doctrines pernicieuses d’une philosophie moderne frivole ».[8] La constitution prussienne du 31 janvier 1850, assez souple, plaçait l’inspection des écoles sous la haute surveillance de l’Etat (article 23), et précisait que dans l’organisation des écoles primaires publiques, il fallait le plus possible tenir compte de la situation religieuse locale.[9] Le Règlement scolaire de 1854, qui insistait sur le fait que l’enseignement chrétien était une nécessité, laisse deviner que l’on se trouvait confronté à une crise persistante. Cette crise devait se manifester à l’époque du Kulturkampf, sous le ministère d’Adalbert Falk. La Loi prussienne du 11 mars 1872 sur l’inspection des écoles ne faisait que rappeler la liberté de l’Etat par rapport à l’Eglise dans ce domaine[10], mais de nombreux prêtres devaient se voir retirer cette fonction.
Dans le Wurtemberg, l’école primaire est financée par la commune, qui reçoit, si nécessaire, une aide de l’Etat. Dans les communes où coexistent plusieurs religions, on tient compte de la majorité. L’école communale est placée sous la surveillance du pasteur ou du prêtre auquel il incombe de dispenser l’instruction religieuse, d’autoriser les programmes, de répartir les élèves dans les classes, de surveiller l’instituteur dans ses fonctions, mais aussi en dehors de l’école. Des membres du conseil paroissial siègent au sein du conseil de l’école, les autorités de l’Eglise sont associées à l’inspection des écoles au niveau des districts. Quant aux écoles confessionnelles (Konfessionsschulen), elles sont financées par ceux qui souhaitent qu’elles existent.[11]
Ce que l’on appelle « la question scolaire » se situe au-delà des débats liés à ces situations particulières dans chacun des Etats allemands. Les contenus de l’enseignement, l’inspection des écoles et plus particulièrement l’idée de séparation de l’école et des Eglises, tous ces sujets provoquent un grand affrontement idéologique qui oppose chrétiens et athées. Les Historisch-politische Blätter, champions de la lutte menée contre l’irréligion, entendent soutenir l’école primaire chrétienne. Ainsi sont-ils partis en campagne contre les libéraux qui s’acharnent contre ceux qu’ils appellent les « ultramontains », et qui veulent une école « moderne » au sein de laquelle une influence pernicieuse remet en cause l’autorité de l’Eglise.[12] Leurs cibles sont les instituteurs du Pays de Bade et de Cobourg-Gotha, de façon générale le « libéralisme des enseignants du sud-ouest ».[13] L’adversaire, c’est aussi la presse pédagogique dont ils affirment qu’elle est, « pour les 9/10èmes », entre les mains des libéraux. Il faut que les enfants continuent à être éduqués dans l’esprit de l’Eglise. C’est pourquoi ils sont favorables à l’« école primaire confessionnelle »[14], que les protestants de Prusse en lutte, eux aussi, contre l’irréligion, ont tout intérêt à défendre. Affirmant que 50 à 80 % des instituteurs protestants sont « athées », les Historisch-politische Blätter préconisent, comme solution pour surmonter la crise provoquée par cet état de choses, de confier l’inspection des écoles au clergé protestant dans les campagnes.[15] La population des campagnes est le dernier soutien d’une Eglise protestante affaiblie depuis la défection de la classe ouvrière et des milieux dits cultivés.
Le ton adopté ici traduit la volonté de réagir qui semble se manifester chez les conservateurs. Une revue pédagogique, la Pädagogische Rundschau, se déclare affligée de constater que le « conservatisme » renaît au sein des conseils municipaux, parmi la population, du côté des pouvoirs publics. Elle observe que la noblesse et le clergé orthodoxe protestant tentent d’inverser une tendance qui a pourtant permis de faire des progrès, qu’ils entretiennent les « vieux préjugés », animés qu’ils sont par la haine des « citoyens », des « paysans intelligents » qui refusent de se soumettre à eux aveuglément. Elle cite, pour la Saxe, le Volks-freund, journal populaire conservateur, qui dénonce la « sagesse moderne » inutile enseignée dans les écoles normales, puis à des paysans dont on pense qu’ils n’ont besoin que de quelques connaissances utiles.[16] En Hesse, le Starkenburger Bote, ultramontain, déplore la « fureur » avec laquelle on s’applique à apporter aux enfants des connaissances inutiles, le but étant surtout, affirme-t-il, de leur inculquer des « sentiments libéraux » qui risquent de « ruiner l’école » du pays. En Bavière, la droite ultramontaine proteste à la Chambre contre le monopole que l’Etat moderne a acquis sur l’école, contre le matérialisme et l’indifférentisme qui ont envahi l’école publique. Elle formule un certain nombre de revendications. Il faut, dit-elle, interdire les « doctrines étrangères au christianisme » dans toutes les écoles, restaurer le caractère confessionnel des écoles primaires, réduire les programmes, confier à l’Eglise catholique la direction de l’instruction religieuse, l’associer à l’inspection des écoles et, de façon générale, à la vie de celles-ci. L’Eglise doit conserver son influence, toute son influence sur cette institution, de même que sur le travail et la formation des instituteurs. Le dernier congrès des catholiques, qui s’est déroulé sous le signe de la lutte menée contre la déchristianisation, a dénoncé l’évolution de l’école et les nouvelles théories universitaires. La tendance générale chez les conservateurs, qu’ils soient catholiques ou protestants, est d’affirmer que l’instituteur ne doit être qu’un « fonctionnaire subalterne de second rang » soumis au clergé dont il faut renforcer l’influence[17], sous-entendu parce qu’il est considéré comme un des garants de l’ordre établi.
Le débat n’a pas lieu que dans la presse. On voit des associations, anciennes ou nouvelles, défendre des positions idéologiques sur la question scolaire. Le Deutscher Evangelischer Verein (créé en 1853) demande que soit enseignée à l’école la « vérité protestante », en d’autres termes l’orthodoxie.[18] Le Volksverein zur Erhaltung der Evangelischen Schule entend s’opposer non seulement aux catholiques prussiens – dont il affirme que s’ils sont favorables à l’« école paritaire », c’est par hostilité envers l’Eglise protestante –, mais aussi à l’« école libre » qui, seule, pourra sauver la conscience chrétienne.[19] Il s’inquiète en particulier de voir qu’en Alsace des tentatives sont faites pour développer les écoles interconfessionnelles, qu’en Hesse l’école protestante fait place à l’école communale où sont à l’œuvre des « forces menaçantes ». Ces forces sont le « radicalisme moderne », la social-démocratie, dont la devise est : « L’école chrétienne doit disparaître ! », le radicalisme modéré, qui pense qu’il n’est plus nécessaire que le « citoyen » soit instruit dans la religion, l’humanisme, qui prône la disparition de l’école primaire confessionnelle remplacée par une école où sera enseigné à l’enfant un « humanisme universel ». Le Volksverein constate que les instituteurs sont acquis à l’esprit du temps. « Partout où triomphe le libéralisme », affirme-t-il, « des parties importantes de la population demandent la suppression de l’école primaire chrétienne, comme c’est le cas en Bade et en Hesse. » En décembre 1881, des « chrétiens patriotes » créent à Cologne un Verein für christliche Volksbildung, à la présidence duquel ils élisent l’aumônier de divisionRocholl ; ils se donnent pour mission d’œuvrer au renouveau religieux et de défendre la morale chrétienne contre la morale laïque.[20] La Kreuz-Zeitung conservatrice leur apporte son soutien et leur ouvre ses colonnes.
En juin 1881, le Congrès général des instituteurs allemands, qui se déroule à Carlsruhe, adopte une résolution dans laquelle ceux-ci affirment leur attachement à une « éducation morale et nationale sur une base religieuse ».[21] Ils se déclarent favorables à l’école interconfessionnelle qui donne, selon eux, une instruction moderne et impartiale, et garantit la paix religieuse. Le Reichsbote, organe chrétien-social inspiré par Stoecker, dénonce l’influence libérale qui se fait sentir à travers cette « hypocrisie ». Ce type d’école n’est en réalité, selon lui, qu’une « école laïque dans laquelle on n’enseigne pas l’amour du prince et de la patrie », comme on le voit en pays de Bade où elle répand l’esprit libéral et favorise les Juifs, – ce qui pour lui va de pair.[22] Le Reichsbote voit dans ce qu’il appelle la « pédagogie libérale » une conjuration des libéraux, des francs-maçons et des Juifs dont il appelle à combattre les revendications : l’autonomie et la modernisation de l’école, la réorganisation du rapport de celle-ci avec l’Eglise et le clergé. Il s’agit en effet de s’opposer à l’« instruction laïque » (religionslose Bildung), à l’« athéisme » (Unglaube), à la « religion universelle », à l’enseignement des sciences naturelles (Naturunterricht).
La nature de ce débat allemand sur les rapports de la religion et de l’Eglise avec l’école publique nous permet de mieux comprendre les réactions que suscite, dans l’Allemagne du début des années 1880, la laïcisation de l’école primaire entreprise à cette époque en France par Paul Bert[23] et Jules Ferry.[24]
Les positions allemandes face à l’école laïque de la France républicaine
L’attention de la presse allemande ne se concentre véritablement sur cette question qu’à partir du moment où, après les élections sénatoriales du 8 janvier 1882, favorables aux républicains, le projet de loi est discuté lors de séances houleuses au Sénat où il sera finalement adopté le 23 mars. Après le vote favorable de la Chambre, c’est au Sénat qu’il appartient de se prononcer. Cet événement important pour la République française devient pour un temps l’un des grands sujets de l’actualité étrangère. Le choix et le traitement de l’information qui lui est consacrée ainsi que les commentaires dont il fait l’objet en Allemagne nous permettent de définir les positions des uns et des autres face à la singularité française qui réside ici dans le caractère radical de la législation adoptée pour séparer l’école et les Eglises. La « triple laïcisation »[25] qui s’opère en France touche les programmes, les locaux et les personnels de l’école. L’enseignement ne doit contenir aucune incitation à croire, ou à ne pas croire ; aucun membre du clergé ne peut faire partie de l’encadrement ou du personnel enseignant de l’école ; le catéchisme ne sera plus enseigné dans les locaux scolaires d’où les emblèmes religieux doivent disparaître.
Cette laïcisation va mener, dans le cas français, à un état de fait institutionnel qui sépare donc totalement l’école publique des religions. C’est cela qui va faire réagir en Allemagne où se dégagent quatre grandes tendances : les conservateurs protestants, attachés à l’école confessionnelle protestante ; les catholiques, qui revendiquent en Bavière une école primaire religieuse autonome face à l’Etat moderne, en Prusse une école paritaire qui permette aux catholiques de conserver leur influence face aux protestants ; les libéraux, favorables à l’école interconfessionnelle qui est une forme de « déconfessionnalisation », de laïcisation partielle de l’école ; les démocrates et les socialistes, partisans de l’école totalement laïque. Leur presse étant victime de la loi coercitive de 1878, les socialistes sont exclus de ce débat.
L’intérêt des journaux allemands se focalise plus particulièrement sur les trois premiers articles du projet de loi scolaire français concernant les matières d’enseignement, l’instruction religieuse en dehors des locaux scolaires, l’exclusion des religieux de l’école.
La Germania, l’organe catholique berlinois, voit dans le projet de loi de laïcisation discuté au Sénat français une volonté des athées de « proscrire » Dieu de toutes les écoles françaises.[26] Reprenant les mots du sénateur Jules Simon, l’un des champions de la résistance, la République a, dit-elle, « déclaré la guerre à Dieu ». Pour discréditer cette loi et ceux qui, en Allemagne, en soutiennent le principe, la Germania adopte une stratégie qui consiste à dramatiser la situation et à radicaliser le ton. Cette loi, applaudie par la presse libérale, est, affirme-t-elle, l’expression d’une haine grandissante envers Dieu, l’Eglise, la religion et le clergé ; elle porte atteinte à la « liberté de conscience ».[27] Le ministre Jules Ferry[28] et les francs-maçons n’ont qu’un seul but : « museler l’Eglise »[29] et supprimer l’instruction religieuse à l’école, ce que ne souhaitent pas les pères de famille, comme le montrent les résultats d’une enquête demandée par Paul Bert qui est donc désavoué.[30] Ces résultats fournissent aux conservateurs allemands un argument qu’ils utilisent de manière récurrente : contraire aux idées de la plupart des Français, cette loi n’aura pas de légitimité.
Pour les Historisch-politische Blätter, la loi du 28 mars est une « loi coercitive », inspirée par la haine, dont les auteurs veulent, « avec une ruse consommée, extirper la foi du cœur des enfants ». Aussi risque-t-elle de faire basculer la grande majorité du peuple français dans l’irréligion.[31] Pour l’instant, seules les populations ouvrières des villes sont touchées, mais l’influence pernicieuse des pouvoirs publics se fera bientôt sentir dans les campagnes.
La Kreuz-Zeitung, l’organe des conservateurs prussiens, reproduit les interventions de Jules Simon, qui au Sénat tente, dit-elle, de préserver la France du « déclin moral », conséquence inévitable de l’« école sans Dieu »[32], celles du duc de Broglie qui affirme que les procédés de Jules Ferry et le Manuel d’instruction civique de Paul Bert sont une atteinte à la liberté de conscience[33], celles du comte de Saint-Vallier (ancien ambassadeur à Berlin) qui demande que soit maintenue l’instruction religieuse à l’école[34], celles de Chesnelong et de Buffet qui disent être les porte-parole d’une France qui veut rester chrétienne.[35] Jules Ferry et la République française, organe de presse de Gambetta, répondent aux adversaires du projet de loi que le but est de garantir la « neutralité » de l’école. La Kreuz-Zeitung, comme la Germania, rejette cet argument ; pour elle, l’école laïque de la République sera une école de l’athéisme. Le Reichsbote, qui adopte toujours le ton le plus radical,va jusqu’à parler d’une école « païenne ».[36]
Les libéraux allemands adoptent une attitude très différente. L’Allgemeine Zeitung d’Augsbourg, tout en donnant la parole aux deux camps qui s’affrontent en France, souligne que la stratégie de la droite au Sénat est de tenter d’ouvrir une brèche dans le projet Ferry et de le faire capoter afin de freiner l’« esprit anticlérical et libre-penseur », l’« esprit laïque » qui domine le parti républicain au pouvoir.[37] L’adoption de la loi marquerait, selon elle, la fin d’un conflit entre un « Sénat réactionnaire » et une « Chambre libérale ». Elle donne raison à Jules Ferry quand il affirme que l’école laïque est non pas une école « sans Dieu », mais une école « neutre ».
La Vossische Zeitung voit dans la future loi « un événement de la plus haute importance pour l’histoire de la civilisation ». « La France », écrit-elle avant même l’adoption de l’ensemble du projet de loi, « fait ainsi un grand pas en avant qui la conduit vers un des buts essentiels de la République : la sécularisation de l’Etat. Elle est devenue ainsi, avec l’adoption de cette loi, le premier pays d’Europe à instaurer une école primaire laïque (konfessionslose Schule). »[38] Cette laïcité, explique le journal libéral, n’a rien à voir avec l’esprit laïque en apparence seulement des écoles interconfessionnelles allemandes ; il y a mille manières d’introduire l’esprit religieux à l’école. En France, tout est mis en œuvre pour empêcher cela. Totalement émancipée de l’Eglise, l’école française pourra donner à ses élèves « une vision du monde indépendante, moderne, fondée sur les sciences de la nature ». Et la Vossische Zeitung de conclure : Si le Sénat adopte le projet de loi, la France permettra l’« émancipation intellectuelle de l’école », et elle pourra, à juste titre, dire qu’elle « marche à la tête de la civilisation ».
C’est ce qu’écrit aussi la National-Zeitung. L’organe de l’aile gauche des nationaux-libéraux qui ont fait sécession, défend l’idée de l’école « neutre » comme institution de l’Etat. Sa neutralité n’est pas synonyme d’irréligion officialisée, comme l’affirme le duc de Broglie, elle ne fait que tracer une frontière bien nette entre l’enseignement qui apporte des connaissances sur l’homme et celui qui touche aux choses sacrées, qui relève de l’Eglise et du clergé.[39] « L’Etat laïque (religionsloser Staat) ne peut dispenser qu’un enseignement laïque (religionsloser Unterricht) », écrit la National-Zeitung, bien consciente du fait qu’une loi marquant une rupture aussi fondamentale ne pourra être mise en œuvre dans la vie nationale sans provoquer des luttes âpres et difficiles.[40] Elle qualifie le processus déclenché par Jules Ferry d’« expérience ». Et si cette expérience réussit, conclut-elle, « la victoire de la société des citoyens et de la science sur la hiérarchie ne fera plus de doute ». La loi que Ferry a inspirée marque « la libération définitive et totale de l’école des chaînes de l’Eglise » et « la séparation absolue du savoir et de la foi ».[41]
La Frankfurter Zeitung voit dans la loi du 28 mars une victoire de la République, une défaite du cléricalisme face à l’Etat libéral. L’organe démocrate a toujours défendu le principe de la laïcité, dont il affirme qu’il est dans l’intérêt de l’Etat comme dans celui des Eglises, et il dénonce la haine des fanatiques du parti clérical réactionnaire qui, par leur résistance, ont déclenché une « querelle scolaire » rappelant celle que l’on a connue durant les années 1860 dans le Pays de Bade.[42]
L’Allgemeine Chronik des Volksschulwesens affirme que la loi française sur la laïcité de l’école a trouvé un écho favorable à l’étranger, mais que certaines de ses dispositions font l’objet de réserves, même parmi les libéraux. Elle reproduit un article du Elsaß-Lothringisches Schulblatt qui critique le caractère radical de cette loi et rejette l’idée selon laquelle l’instituteur ne serait qu’un « serviteur de l’Etat ». S’agissant de l’instruction religieuse, il pense qu’un compromis aurait été possible : l’école aurait pris en charge l’histoire de la religion et de l’art religieux, le chant, tandis que l’Eglise aurait continué à enseigner le dogme. Il n’imagine pas une éducation sans religion et une morale qui ne s’appuie pas sur la religion.[43] L’Allgemeine Chronik des Volksschulwesens a, pour sa part, vanté les mérites de Paul Bert et de Jules Ferry[44], mais, la résistance de la droite cléricale française à l’« école sans Dieu », lui inspire des doutes ; ellese demande si la loi du 28 mars sera la pierre angulaire d’une « saine évolution » de l’enseignement primaire en France ou si, comme c’est souvent le cas dans ce pays, il y aura un décalage entre les institutions existant sur le papier et la réalité.[45]
L’instrumentalisation de la loi du 23 mars 1882 et de l’image de la France
Une analyse de la presse allemande montre bien que la politique scolaire de Jules Ferry était perçue en Allemagne comme une étape dans un vaste mouvement tendant vers la laïcisation de l’Etat et de la vie sociale. Des questions fondamentales étaient en effet soulevées dans la France républicaine, comme celle de la séparation des Eglises et de l’Etat ou de l’abolition du concordat. La formule du serment prêté par les témoins devant les tribunaux y était remise en cause, une loi sur les obsèques et une autre sur le divorce faisaient l’objet d’autres débats non moins passionnés. Autant de signes qui semblaient annoncer une évolution des sociétés modernes que les uns combattaient et que les autres appelaient de leurs voeux. La France républicaine semblait être le laboratoire où étaient réalisées des expériences dont on attendait et observait les résultats. C’est pourquoi la République de Jules Ferry a été instrumentalisée dans l’opinion publiée allemande ; elle a joué dans le débat allemand, dans la stratégie de tous les partis, un rôle particulier que nous allons essayer de définir. Et l’on voit bien que les enjeux ne se situaient pas seulement au niveau du débat idéologique, mais aussi au niveau politique, dans le contexte d’un rapport de forces nouveau.
Si en 1882 les catholiques allemands accordent une telle importance à la lutte menée par la droite cléricale française contre la politique scolaire de Jules Ferry, ce n’est pas seulement au nom de la solidarité catholique. C’est une stratégie avec laquelle ils poursuivent plusieurs objectifs. Ils s’efforcent de tirer parti du choc provoqué chez les conservateurs allemands par la loi scolaire française pour affirmer la nécessité de former un front uni contre l’influence de la France républicaine. Il s’agit pour eux de contrer les idées de 1789, en particulier l’athéisme des républicains, des libres-penseurs, des francs-maçons, des Juifs, qu’ils désignent comme leurs adversaires. Il s’agit aussi de discréditer les libéraux allemands, comme le montre bien la polémique des Historisch-politische Blätter contre la National-Zeitung.[46] La presse catholique répète à l’envi que les libéraux allemands ne font que propager en Allemagne des idées révolutionnaires, dont ils semblent ne pas connaître la logique. Une logique qui se vérifiera en France. Les républicains français s’appuient aujourd’hui sur les « communards », les anarchistes, les nihilistes ; à partir du moment où ils n’auront plus d’emprise sur elles, les masses athées se retourneront contre eux. L’Allemagne doit être préservée du risque de guerre civile qui menace de nouveau la France.[47]
La stratégie des catholiques consiste en outre à présenter leur Eglise comme une victime, des « rouges » en France et des libéraux en Allemagne, qu’ils confondent dans le même anathème.[48] « Vis-à-vis de l’Eglise », affirme-t-on dans les Historisch-politische Blätter, « nos libéraux les plus modérés ne sont en rien meilleurs que les plus rouges des rouges français. »[49] La loi du 28 mars 1882 n’est, à les en croire, qu’une des manifestations d’une « persécution » érigée en système, et dont l’Eglise et le clergé font les frais alors qu’ils sont des soutiens de l’Etat.[50]
En faisant valoir cet argument, en dramatisant et en brandissant le spectre de la révolution, les catholiques font aussi sentir à quel point le Kulturkampf allemand a été une erreur.[51] Cette alliance de circonstance avec les protestants orthodoxes dans la défense de l’école chrétienne, leur permet d’affirmer : ce n’est plus être « ennemi de l’Empire » que de défendre l’école chrétienne. Ils se plaisent à citer l’empereur Guillaume Ier qui, après les attentats de Hödel et Nobiling en 1878, répétait : « Le lien entre l’Eglise et l’école doit être maintenu. » Cette récupération d’événements qui ont marqué l’opinion permet aux catholiques de se présenter en alliés indispensables de l’Etat tout en revendiquant une certaine autonomie, en l’occurrence en revendiquant l’« école religieuse libre ». Ils présentent cette école qui élève les enfants dans l’esprit de l’Eglise comme une garantie pour l’avenir de la nation. Si l’école devient un monopole de l’Etat, le pouvoir cherchera peut-être un jour à l’influencer, affirment-ils. Le pouvoir auquel ils font allusion ici, c’est naturellement celui des libéraux.[52]
En montrant qu’ils sont des alliés indispensables, les catholiques prussiens poursuivent donc un double but. Ils cherchent, d’une part, à hâter la fin du Kulturkampf afin de pouvoir, entre autres, exercer à nouveau leur influence sur l’école et les droits qu’ils disent avoir acquis sur elle au cours de l’histoire ; et, d’autre part, ils s’efforcent de discréditer les idées libérales en présentant la France à l’opinion allemande comme un exemple dissuasif. La France qui, depuis la Commune, a sombré selon eux dans la dépravation, apparaît comme la victime d’une « secte fanatique », car les républicains modérés sont débordés par les « rouges » qui préparent la « révolution violente ».[53] Quand la Germania souligne qu’en France les libres-penseurs ne constituent qu’une minorité[54], c’est pour dénier à leur politique scolaire toute légitimité. Ce que les catholiques allemands leur reprochent aussi, c’est de faire le jeu des pires adversaires de la religion, de l’Eglise et du clergé : les socialistes, les communistes, contre lesquels ils retournent l’accusation que ces derniers portent contre les catholiques : celle d’être des fanatiques intolérants. Surtout, ils veulent mettre en garde leurs lecteurs contre le nihilisme, cette « tendance funeste » qui prétend construire le bonheur sur les ruines du monde.[55] Souligner l’« opposition irréconciliable qui existe entre l’Eglise et la République française » est pour eux une manière de mettre en garde les Allemands et de les faire renoncer à l’idée d’instaurer un jour chez eux un Etat républicain.[56]
Les conservateurs protestants, dont la situation est différente de celle des catholiques prussiens, s’emploient essentiellement à montrer, en s’appuyant sur l’exemple de la France, les conséquences inéluctables de la guerre faite à la religion. Le Reichsbote du 30 mars constate que le spectre de la révolution est « de nouveau visible partout » en Europe. Il s’attarde sur le cas de la France où la Chambre et le Sénat cherchent, selon lui, à chasser la religion et l’Eglise de l’école, de la vie publique, et à fonder l’Etat sur l’athéisme. Il met lui aussi en cause la bourgeoisie libérale française dont il affirme qu’elle fait le jeu des communistes. Usant d’une technique qui lui est familière, consistant à stigmatiser l’adversaire et à le présenter comme l’ennemi de tous, l’organe de Stoecker dénonce en bloc le capital, le positivisme (Naturalismus), les Juifs et tous ceux qui se disent libéraux ou progressistes.[57]
Par cette rhétorique le Reichsbote cherche moins à convaincre qu’à mobiliser en vue d’une lutte sans merci contre l’adversaire libéral. Il reproche à la Kölnische Zeitung de s’être félicitée de la décision du Sénat français et d’avoir déclaré : « Le 23 mars figurera en lettres rouges dans l’histoire de la Troisième République. » Tirant parti de cette métaphore, le Reichsbote note que ce rouge rappelle celui du sang, sang que l’on a déjà vu couler durant la Révolution française et qui ne manquera pas de couler à nouveau. Ce journal n’affectionne pas seulement les images fortes qui doivent frapper le lecteur, il radicalise le ton, donne dans la simplification et ne recule jamais devant l’amalgame. Ainsi affirme-t-il que le « radicalisme athée » qui sévit en France n’est en rien différent du radicalisme modéré affiché par les progressistes allemands ; il cache un « radicalisme rouge ». Pour pouvoir arriver à cette conclusion, il diabolise la France qui donne, selon lui, « l’exemple de ce qu’est le libéralisme ».[58]
D’habitude plus modérée, la Kreuz-Zeitung fait, elle aussi, le lien entre la France de 1882, la loi sur la laïcité de l’école, et les idées de 1789. L’athéisme et le matérialisme triomphent aujourd’hui. Pourtant, à l’époque de la Révolution française, ils ont conduit à la destruction de toutes les institutions et, pour finir, au césarisme de Napoléon Ier qui a dompté le tigre. Ce précédent montre bien que la révolution est un « péché » auquel le journal conservateur oppose « une évolution tranquille dans l’esprit de Jésus-Christ ». Pour lutter contre l’« athéisme satanique » et éviter le spectacle de la décadence donné par la France, la Kreuz-Zeitung préconise un « renouveau moral et religieux sur la base du christianisme positif ».[59] En décembre 1880 déjà, elle mettait ses lecteurs en garde contre l’image trompeuse d’une société sans Dieu, en affirmant : « La forme actuelle de l’Etat n’est viable que grâce à la religion et à l’armée permanente. »[60]
Le camp des conservateurs allemands appelle donc à la mobilisation face au danger que représente selon lui la laïcisation de l’Etat entreprise dans la République voisine. La presse libérale et démocrate s’appuie, au contraire, sur l’exemple de la France pour mettre en garde contre le réveil du cléricalisme en Allemagne. La National-Zeitung, naguère favorable à l’école interconfessionnelle et plus modérée,se félicite de voir la France porter un coup fatal aux cléricaux, tandis qu’en Allemagne, dit-elle, le gouvernement et les conservateurs cèdent à leur pression grandissante. L’Etat prussien, comme elle le rappelle, a déjà essayé d’émanciper l’école de l’Eglise, avec des moyens, certes, moins radicaux, mais à présent, les inspecteurs laïques des écoles interconfessionnelles sont « victimes du vent conservateur qui souffle aujourd’hui ».[61] L’école prussienne pâtit du contexte politique, du fait que le gouvernement a besoin de faire la paix avec le Zentrum et le pape. Quant à la Frankfurter Zeitung, elle est un cas particulier dans la mesure où elle est idéologiquement très proche des républicains modérés français, de Jules Ferry en particulier qu’elle a soutenu depuis le départ. Sa position consiste à justifier le Kulturkampf inauguré par Jules Ferry, en affirmant que « l’Etat défend son existence en prenant des mesures contre un clergé trop puissant ».[62]
La loi française du 28 mars 1882 a donc donné une tournure soudain plus polémique au débat allemand sur la question scolaire. Comme le montre une analyse de la presse allemande contemporaine, la loi de Jules Ferry fut perçue comme un danger par les uns et comme un espoir par les autres. Elle pouvait, en outre, être instrumentalisée par les deux camps qui s’affrontaient pour combattre l’adversaire et convaincre l’opinion. Enfin, le précédent français, en raison de son radicalisme et des conséquences qu’il entraînait, montrait bien qu’à la question du rapport de l’école avec la religion, les Eglises et le clergé, étaient liés des enjeux politiques considérables. Pour les conservateurs, il s’agissait d’endiguer l’influence libérale et socialiste et de prévenir ainsi le danger de la révolution ; le but des progressistes était d’émanciper les esprits de doctrines qui constituaient selon eux un obstacle au progrès. C’est sans doute en Prusse, où le Kulturkampf avait déjà mobilisé les esprits, que le débat fut le plus animé en raison de la situation particulière de cet Etat.
La mobilisation des forces conservatrices que nous avons observée ici à travers la presse au moment où la loi scolaire française de 1882 fut discutée et adoptée, permet de comprendre l’une des raisons pour lesquelles le lien entre l’école publique allemande et la religion n’a jamais été rompu. Dans l’Allemagne impériale, les progressistes ne furent pas en mesure de faire passer l’idée de la séparation des Eglises et de l’école qu’ils avaient inscrite dans les programmes de leurs partis politiques. La Frankfurter Zeitung avait peu de chance de changer cet état de choses quand elle montrait, en se fondant sur l’exemple de la France, que la laïcité de l’école était une nécessité dictée par l’époque moderne. Les deux camps se rejetaient mutuellement la responsabilité dans une situation de crise qu’ils disaient inquiétante, mais pour des raisons différentes.
Finalement, tout était une question de rapports de forces. Le cléricalisme, même s’il était de plus en plus contesté et combattu, réussit à affermir ses positions et à conserver une bonne partie de son influence. Les conservateurs lui apportèrent leur soutien parce qu’ils considéraient l’action de l’Eglise comme un rempart contre le libéralisme et le socialisme. Ils pouvaient aussi s’appuyer sur les institutions dans les pays protestants où le monarque était le summus episcopus de l’Eglise. C’est ce que devait rappeler Guillaume II lors de la Conférence pédagogique de 1890. Il insista sur la nécessité de moderniser les contenus de l’enseignement, certes, mais rappela qu’il veillerait personnellement à ce que soit préservé le lien étroit existant en Prusse entre la religion, l’Eglise et l’école.[63]
[1] Die Schulfrage, Von einem Pädagogen, dans Historisch-politische Blätter, 1881, vol. 88, p. 428–440; ici p. 428.
[2] Ferry, Jules, Discours du 23 décembre 1880, dans Robiquet, Paul (sous la dir. de), Discours et opinions de Jules Ferry, Paris, A. Colin, 1894, t. 4, p. 124 ; voir aussi Mély, Benoît, La question des églises et de l’école dans quelques pays européens. Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie 1789–1914, Lausanne, Ed. Page deux, 2004 ; ici Introduction.
[3] Süddeutsche Volkspartei, dans Fricke, Dieter (sous la dir. de), Die bürgerlichen Parteien in Deutschland. Handbuch der Geschichte der bürgerlichen Parteien und anderer bürgerlicher Interessenorganisationen vom Vormärz bis zum Jahre 1945, Leipzig, VEB Bibliographisches Institut, 1970, vol. II, p. 290 et suiv.
[4] Programm der Sozialdemokratischen Arbeiterpartei. Eisenach, 8. August 1869, dans Treue, Wolfgang (sous la dir. de), Deutsche Parteiprogramme, Göttingen, Musterschmidt-Verlag, 1954, p. 69–70. Les « progressistes de Prusse » n’allaient pas aussi loin ; ils demandaient l’égalité des droits pour toutes les communautés religieuses à l’école, voir Gründungsprogramm der Deutschen Fortschrittspartei, Berlin, 9. Juni 1861, ibid., p. 62 et suiv.
[5] « Wer die Schule hat, hat die Zukunft. » On trouve par exemple ce slogan dans l’intervention que fit le prêtre Hammer lors du congrès des catholiques de 1882 (voir Was die Konservativen und Ultramontanen über die heutigen Elementarschulen urteilen, dans Pädagogische Rundschau auf dem Gebiet des Unterrichtswesens aller Länder, 2, avril 1882, p. 33–35) ou dans une publication du protestant libéral: Bona Meyer, Jürgen, Die Behandlung der Schule auf den letzten Provinzial-Synoden Rheinlands und Westfalens. Schriften des Liberalen Schulvereins Rheinlands und Westfalens, Bonn, Verlag von Emil Strauß, 1882, p. 3.
[6] Nassauisches Schuledikt, dans Bona Meyer, Die Behandlung der Schule, p. 113–115.
[7] Ibid., p. 115.
[8] Ibid., p. 135 et suiv.
[9] Ibid., p. 144.
[10] Bona Meyer, Die Behandlung der Schule, p. 167 et suiv.
[11] Das württembergische Volksschulwesen, dans Pädagogische Rundschau auf dem Gebiet des Unterrichtswesens aller Länder, 2, avril 1882, p. 4 et suiv.
[12] Historisch-politische Blätter, 1881, 2, p. 429.
[13] Ils parlent de « südwestdeutscher Pädagogen-Liberalismus ».
[14] Konfessionelle Volksschule.
[15] Die confessionelle Volksschule in ihrer Bedeutung als Stütze des protestantischen Kirchentums, dans Historisch-politische Blätter, 1881, vol. 87, p. 832–847.
[16] Was die Konservativen und Ultramontanen über die heutigen Elementarschulen urteilen, dans Pädagogische Rundschau auf dem Gebiet des Unterrichtswesens aller Länder, 2, avril 1882, p. 33–35
[17] C’est par exemple le point de vue de la Norddeutsche Allgemeine Zeitung (Berlin), cité par la Pädagogische Rundschau, ibid.
[18] Allgemeine Chronik des Volksschulwesens, 1881, p. 30–31.
[19] Ibid., 1881, p. 30 et suiv.
[20] Verein für christliche Volksbildung, dans Kreuz-Zeitung, 1. Beilage, n° 55, 5 mars 1882, p. 1.
[21] Allgemeine Deutsche Lehrerzeitung, dans National-Zeitung, 1. Beilage, n° 264, 9 juin 1881, p. 2.
[22] Ibid ; voir aussi Die Lehrerversammlung. Aus Karlsruhe. I, dans Der Reichsbote, n° 139, 17.6.1881, p. 1.
[23] Paul Bert est ministre de l’Instruction publique et ministre des Cultes du gouvernement Gambetta du 14 novembre 1881 au 30 janvier 1882.
[24] Durant cette période, Jules Ferry est successivement ministre de l’Instruction publique (4 février 1879–23 septembre 1880), président du Conseil (23 septembre 1880–10 novembre 1881), ministre de l’Instruction publique du 31 janvier au 29 juillet 1882.
[25] Mély, La question des églises, Introduction.
[26] Germania, n° 121, 15 mars 1882, éd. du matin, p. 2.
[27] Germania, n° 384, 24 août 1882, éd. du soir, p. 2.
[28] Elle le qualifie de kulturkämpferisch.
[29] Germania, n° 124, 16 mars 1882, éd. du soir, p. 2.
[30] Germania, n° 100, 2 mars 1882, éd. du soir, p. 3.
[31] Der Culturkampf in Frankreich und seine lachenden Erben, dans Historisch-politische Blätter, vol. 90, 1882, p. 199–224.
[32] Kreuz-Zeitung, n° 62, 14 mars 1882, p. 2.
[33] Kreuz-Zeitung, n° 64, 16 mars 1882, p. 2.
[34] Kreuz-Zeitung, n° 65, 17 mars 1882, p. 2.
[35] Kreuz-Zeitung, n° 69, 22 mars 1882, p. 1.
[36] Der 23. März im französischen Senat, dans Der Reichsbote, n° 73, 26 mars 1882, p. 1.
[37] Allgemeine Zeitung, n° du 13 mars 1882, p. 1087.
[38] Vossische Zeitung, n° 131, éd. du matin, 18 mars 1882, p. 3.
[39] National-Zeitung, supplément, n° 272, 14 juin 1881, p. 7.
[40] National-Zeitung, n° 147, 1882., p. 1
[41] National-Zeitung, n° 146, éd. du soir, 27 mars 1882, p. 1.
[42] Frankfurter Zeitung, n° 116, éd. du matin, 26 avril 1882, p. 1.
[43] Allgemeine Chronik des Volksschulwesens, 1882, p. 120–131. Cette revue pédagogique publie une traduction des 18 articles de la loi du 28 mars.
[44] Allgemeine Chronik des Volksschulwesens, 1881, p. 146–166.
[45] Ibid., 1882, p. 120–131.
[46] Der französische Kultur- und Schulkampf in den Augen unserer Liberalen, dans Historisch-politische Blätter, vol. 89, 1882, p. 803–812.
[47] La Kreuz-Zeitung a un discours semblable quand elle entretient le souvenir de la Commune, voir par exemple Ni Dieu ni maître, dans Kreuz-Zeitung, n° 306, 30 décembre 1880, p. 1.
[48] Der Culturkampf in Frankreich und seine lachenden Erben, dans Historisch-politische Blätter, 1882, vol. 90, p. 199–224. Les Historisch-politische Blätter écrivent : « La loi scolaire athée promulguée en France montre, plus que toute autre, avec quelle stratégie diabolique les rouges agissent en vue de déchristianiser le peuple et d’éveiller en lui un esprit révolutionnaire. »
[49] Der französische Kultur- und Schulkampf in den Augen unserer Liberalen, p. 805.
[50] Ibid.
[51] Die Rückkehr der Bischöfe, dans Germania, n° 293, 2 juillet 1882, éd. du matin, p. 1.
[52] Ibid.
[53] Ibid.
[54] Germania, n° 100, 2 mars 1882, éd. du soir, p. 3 ; voir aussi n° 384, 24 auôt 1882, éd. du soir, p. 2.
[55] Germania, n° 384, 24 auôt 1882, éd. du soir, p. 2.
[56] Ibid.
[57] Die Revolution, dans Der Reichsbote, n° 76, 30 mars 1882, p. 1.
[58] Der 23. März im französischen Senat, dans Der Reichsbote, n° 73, 26 mars 1882, p. 1 ; Atheismus und Unterrichts-Reform in Frankreich, dans Der Reichsbote, n° 75, 29 mars 1882, p. 1 ; Schülerstreike in Frankreich, dans Der Reichsbote, n° 78, 1 avril 1882, p. 1 ; Unsere Arbeit am Vaterlande, dans Der Reichsbote, n° 79, 2 avril 1882, p. 1.
[59] Freiheit, Gleichheit, Brüderlichkeit, dans Kreuz-Zeitung, n° 56, 7 mars 1882, premier supplément, p. 1.
[60] Ni Dieu ni maître, dans Kreuz-Zeitung, n° 306, 30 décembre 1880, p. 1.
[61] National-Zeitung, n° 146, éd. du soir, 27 mars 1882, p. 1.
[62] Voir Verlag der Frankfurter Zeitung (sous la dir. de), Geschichte der Frankfurter Zeitung 1856 bis 1906, Frankfurter Societätsdruckerei, Francfort-sur-le-Main, 1906, p. 476 et suiv.
[63] Voir Giese, Gerhardt, Quellen zur deutschen Schulgeschichte seit 1800. Quellensammlung zur Kulturgeschichte 15, Göttingen, 1961, p. 196–205 : Die Schulkonferenz von 1890, en particulier p. 204 et suiv. : Aus der Schlußansprache des Kaisers.