Ecole confessionnelle, école simultanée, école laïque : la confrontation des modèles allemands et français dans la zone d’occupation française (1945-1949)

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale il était urgent de rouvrir les écoles en Allemagne, même avec des moyens provisoires, et de supprimer le système instauré pendant la période nazie. Le gouvernement militaire de la zone d’occupation française introduisit de nombreuses reformes inspirées du modèle scolaire français, même si, pour diverses raisons, il n’installa pas un système scolaire laïque. Le choix d’un système, entre l’école confessionnelle et interconfessionnelle, s’avéra toutefois : fallait-il revenir à la situation d’avant 1933 ? Ou reconnaître le Concordat de 1933 ? L’école simultanée fut finalement préférée, parce qu’elle proposait un programme d’études dans lequel figurait une instruction religieuse et parce qu’elle n’était pas attachée à une seule confession. L’église catholique réagit particulièrement à cette décision, elle batailla pour la mise en place d’écoles publiques et privées confessionnelles. Ainsi, la question de l’école confessionnelle resta-t-elle, jusqu’en 1949, un des principa

Ecole confessionnelle, école simultanée, école laïque : la confrontation des modèles allemands et français dans la zone d’occupation française (1945–1949)

Von Caroline Doublier

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale il était urgent de rouvrir les écoles en Allemagne, même avec des moyens provisoires, et de supprimer le système instauré pendant la période nazie. Le gouvernement militaire de la zone d’occupation française introduisit de nombreuses reformes inspirées du modèle scolaire français, même si, pour diverses raisons, il n’installa pas un système scolaire laïque. Le choix d’un système, entre l’école confessionnelle et interconfessionnelle, s’avéra toutefois : fallait-il revenir à la situation d’avant 1933 ? Ou reconnaître le Concordat de 1933 ? L’école simultanée fut finalement préférée, parce qu’elle proposait un programme d’études dans lequel figurait une instruction religieuse et parce qu’elle n’était pas attachée à une seule confession. L’église catholique réagit particulièrement à cette décision, elle batailla pour la mise en place d’écoles publiques et privées confessionnelles. Ainsi, la question de l’école confessionnelle resta-t-elle, jusqu’en 1949, un des principaux sujets de débat et de contestation dans la politique scolaire en zone d’occupation française.

Nach dem Ende des Zweiten Weltkrieges war es in Deutschland dringend notwendig, die Schulen auch unter provisorischen Bedingungen wieder zu öffnen und das unter der Nazi-Herrschaft eingerichtete System abzuschaffen. Zwar wurden in der französisch besetzten Zone im schulischen Bereich von der Militärregierung zahlreiche Reformen nach französischem Vorbild eingeführt, jedoch kein laizistisches Schulsystem. Die Wahl eines Schulsystems – zwischen konfessioneller und interkonfessioneller Schule – war ein heikles Problem: Sollte man zu der Situation von vor 1933 zurückkehren? Das Konkordat von 1933 anerkennen? In den Verordnungen wurde schließlich die so genannte Simultanschule bevorzugt, in der zwar im Rahmen des Lehrplans Religionsunterricht erteilt wurde, die jedoch nicht an eine Konfession gebunden war. Besonders die katholische Kirche bemühte sich allerdings um die Einrichtung konfessionell gebundener öffentlicher und privater Schulen. Die Frage der konfessionellen Schulen blieb bis 1949 eines der Hauptthemen in der Debatte rund um die Schulpolitik in der französisch besetzten Zone.

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Dès le 1er août 1945, le gouvernement militaire annonce la réouverture des écoles et la rentrée scolaire pour le 17 septembre puis pour le 1er octobre 1945 au plus tard. Après avoir dans un premier temps préconisé seulement la réouverture des écoles communales laïques et la fermeture des écoles confessionnelles, le Gouvernement militaire prit davantage en considération la tradition scolaire locale. En 1945 il était urgent de rouvrir les classes, même avec des moyens provisoires, et de supprimer le système instauré pendant la période nazie. Le choix d’un système de remplacement s’avérait toutefois délicat : fallait-il revenir à la situation d’avant 1933 ? Reconnaître le Concordat de 1933 ? Se référer au système français, c’est-à-dire tenter d’imposer une école laïque et la séparation entre l’Eglise et l’Etat dans le domaine scolaire ? Si cette dernière solution fut rapidement exclue, la question de l’école confessionnelle resta jusqu’en 1949 un des principaux sujets de débat et de contestation dans la politique scolaire en zone d’occupation française.

Les écoles dans la zone d’occupation française en 1945

Une note sur l’enseignement religieux dans les écoles allemandes du 20 août 1945, précise la situation dans les différentes provinces de la zone.[1] La situation en 1945 est complexe : la constitution de Weimar prévoyait, dans l’enseignement primaire comme dans l’enseignement secondaire, deux types d’écoles, confessionnelles ou simultanées. Les parents pouvaient opter pour l’une ou l’autre forme d’école. Dans les deux cas la religion était enseignée à l’école, inscrite au programme.

Les écoles confessionnelles chrétiennes, Bekenntnisschulen, accueillaient les enfants d’une même confession, elles étaient donc soit catholiques, soit protestantes. Il s’agissait d’écoles publiques qui ne pouvaient être comparées avec les écoles libres françaises, qui correspondraient plutôt aux établissements privés soumis à une autorisation préalable, en très petit nombre dans la zone. Les écoles confessionnelles pouvaient être créées légalement dans toute localité groupant un nombre suffisant d’élèves sur simple demande des familles et pouvaient coexister avec une école d’une autre confession ou avec une école ouverte aux enfants de toutes les confessions. L’enseignement religieux y était obligatoire (mais on pouvait en faire dispenser ses enfants sur demande) et il était effectué par les maîtres de l’école qui devaient appartenir à la confession de l’école.

Les écoles « simultanées » ou « interconfessionnelles », Simultanschule, regroupaient des enfants de toutes confessions (essentiellement des deux confessions chrétiennes) ou sans confession. L’enseignement religieux y était aussi obligatoire, mais il était dispensé dans les bâtiments scolaires par les ministres des cultes représentés à l’école et non par les maîtres. Les enfants pouvaient être dispensés de cet enseignement religieux sur demande des parents et ne recevaient aucun enseignement à la place. Dans les villages dont la composition religieuse était homogène, l’école simultanée était de fait confessionnelle.

La zone d’occupation française comportait des régions de tradition scolaire différente : alors que le pays de Bade avait adopté en principe l’école chrétienne simultanée (ou « mixte ») depuis 1876, en Rhénanie-Palatinat et dans le Wurtemberg, il existait à la fois des écoles simultanées et des écoles confessionnelles. C’est en Rhénanie que les écoles confessionnelles étaient les plus nombreuses et que leur réouverture a constitué un enjeu important pour les églises. Des différences notables existaient même à l’échelle des districts : alors que les districts de Trèves et Coblence n’avaient pratiquement connu que l’école confessionnelle, en Hesse rhénane le système simultané avait été imposé depuis 1874, en Hesse- Nassau l’école interconfessionnelle (simultanée) était la règle depuis 1817 et le Palatinat avait un système mixte d’écoles confessionnelles et simultanées.

La situation avait également varié dans le temps. D’après l’article 146 de la constitution de Weimar, il suffisait que les parents d’un nombre suffisant d’élèves (en général une vingtaine) demandent l’ouverture d’une école confessionnelle pour que celle-ci soit ouverte aux frais de l’Etat. L’article 23 du Concordat de 1933 garantit de la même façon le maintien ou l’ouverture d’une école confessionnelle catholique partout ou un nombre suffisant de parents en ferait la demande. Les écoles élémentaires étaient très majoritairement confessionnelles : en 1931 sur 52 961 écoles élémentaires en Allemagne, 44 379 étaient confessionnelles et 295 mixtes. Il existait toutefois aussi des écoles séculières. Selon l’article 24 du Concordat, les professeurs des écoles confessionnelles étaient nommés par les autorités publiques mais devaient être membres de l’Eglise qui contrôlait l’école et les membres des ordres ou des congrégations religieuses pouvaient être employés dans ces écoles. De ce fait, les églises contrôlaient aussi la formation des maîtres et beaucoup d’institutrices des écoles confessionnelles catholiques étaient en fait formées dans des écoles normales catholiques tenues par des religieuses. Le régime nazi a supprimé les écoles séculières, préférées par les sociaux-démocrates, puis a combattu les écoles confessionnelles, finalement interdites en 1941. A ce moment là, il n’y avait plus d’écoles élémentaires contrôlées par l’Eglise et elles étaient toutes non confessionnelles c'est-à-dire en fait simultanées, mais avec un recul de plus en plus fort de l’enseignement religieux remplacé par un enseignement idéologique : une école unique, athée et antidémocratique. Le régime avait donc supprimé les écoles confessionnelles et simultanées chrétiennes pour les remplacer par des écoles laïques d’un type unique.[2]

Il existait d’autre part des écoles privées appartenant à l’église. En ce qui concerne les écoles élémentaires, leur nombre et leurs droits ont été limités sous la République de Weimar : elles étaient soumises à autorisation et ne pouvaient être créées que si elles avaient un intérêt éducatif particulier, ou s’il n’existait pas d’école publique: il en existait encore 476 en 1936 (240 catholiques, 120 évangéliques, 60 juives). Elles étaient plus nombreuses dans l’enseignement secondaire, et pour la plupart tenues par des ordres religieux enseignants. Elles suivaient les mêmes programmes que les écoles confessionnelles de l’Etat. Mais la quasi-totalité des écoles privées a disparu sous le régime nazi.[3]

L’enseignement de la religion a toujours été présent à l’école, mais avec des différences selon les types d’écoles et selon les périodes. Dans le système de Weimar, l’instruction religieuse faisait partie du programme dans les écoles élémentaires, moyennes, secondaires et professionnelles. Tous les enfants devaient suivre les cours d’instruction religieuse sauf si les parents en avaient fait la demande. A partir de 1933, c’est l’Eglise qui déterminait le programme de l’instruction religieuse et qui désignait les professeurs qui en dispensaient l’enseignement dans les écoles confessionnelles.[4] Dans ces écoles confessionnelles les maîtres assuraient l’enseignement religieux, dans les écoles simultanées les deux églises fournissaient des professeurs d’instruction religieuse qui intervenaient dans l’école, souvent en fin de journée. Dans les grandes classes c’étaient souvent des prêtres de la paroisse qui venaient donner quelques heures de cours par semaine dans les écoles. Sous le troisième Reich, l’enseignement religieux a été progressivement supprimé des écoles : le nombre d’heures a été diminué, passant de quatre à deux, puis à une heure par semaine – les heures étant placées en fin de journée, incitant ainsi les familles à s’en faire dispenser pour rentrer plus tôt –, finalement, il est devenu facultatif. Les familles et les enseignants ont été victimes de pressions, les programmes ont été modifiés. De fait dans l’Allemagne de 1945, la seule expérience d’une école a-religieuse, se rapprochant d’un modèle laïc, était celle de la période nazie.

Le choix français : promouvoir l’école « interconfessionnelle » ou « simultanée »

C’est dans ce contexte que les autorités françaises chargées de l’éducation ont cherché à réformer l’école dans leur zone. S’il était acquis qu’il fallait détruire le système nazi, les choix s’avéraient difficile : « laïciser » l’école allemande ? Revenir à une tradition antérieure ? Et dans ce cas, laquelle ?

Si dans beaucoup de domaines les Français ont essayé d’introduire dans l’enseignement allemand primaire et secondaire des réformes inspirés du modèle et des débats scolaires français du début du XXe siècle, il n’en demeure pas moins une différence essentielle : l’école publique française était fondamentalement laïque, aucun enseignement religieux n’y était dispensé. Le Gouvernement militaire n’essaya jamais d’imposer ce modèle en Allemagne. D’une part les Français auraient été accusés de vouloir exporter leur propre modèle et préférèrent – dans ce domaine, car ce n’est pas le cas des autres points de leur politique scolaire – tenir compte des traditions allemandes. D’autre part, la politique menée par le régime nazi en faveur de l’école unique et contre l’enseignement religieux rendait la situation complexe : l’imposition d’un système laïc aurait été fort malvenue dans le contexte d’une politique de dénazification et de démocratisation. Les autorités françaises avaient également conscience du rôle que pouvaient jouer les Eglises dans l’œuvre de rééducation et de démocratisation. Poser la question de la laïcité de l’enseignement de ce côté de la frontière aurait eu, en outre, pour effet de raviver la question scolaire dans les départements alsaciens et mosellans, où les débats avaient été très vifs dans l’entre-deux-guerres.[5] Enfin les Français devaient aussi se plier aux promesses faites par les Alliés et consignées dans le Military Handbook : la liberté religieuse est rendue aux Allemands, liberté du culte à l'intérieur des églises, liberté de la prédication sans censure, liberté des publications sous réserve du contrôle préalable et des disponibilités de papier. Dès 1946 la reconnaissance de la validité du concordat par le Conseil de Contrôle donna des arguments supplémentaires à l’Eglise catholique.

Dans un premier temps, la réouverture des écoles fut envisagée telle quelle en 1945, lorsque les conditions matérielles le permettaient : « rien ne devra être tenté pour fonder de nouveaux genres d’écoles, reconstituer d’anciens genres d’écoles, ou faire des transformations d’un genre à l’autre ».[6] Sur le plan de la confessionnalité, on restait très prudent : « il se peut que le clergé catholique et les pasteurs protestants (et peut-être aussi les communautés israélites) souhaitent rétablir très vite le contrôle confessionnel qui existait avant le 30 janvier 1933. Les officiers du gouvernement militaire ne devront prendre position ni pour, ni contre le principe du contrôle confessionnel ».[7] Il s’agissait pour l’heure d’éviter tout conflit avec les Eglises : lorsque les autorités ecclésiastiques avaient repris possession des locaux, elles étaient autorisées à y rester à titre provisoire sous réserve d’en faire « bon usage », et la reprise de l’instruction religieuse était prévue dans toutes les écoles, avec possibilité de créer des classes séparées lorsque les écoles n’étaient pas confessionnelles.

C’est au cours du mois d’août 1945 que le Gouvernement militaire opta pour le retour à la situation de 1933. La question du Concordat fut débattue. Il fut décidé que sa validité ne pouvait pas être reconnue (elle le sera plus tard) mais qu’il fallait la garder à l’esprit. Dans sa lettre au Comité Interministériel des Affaires Allemandes et Autrichiennes, Koenig écrit qu’il faudrait tenir compte du Concordat et « satisfaire les croyants en leur rendant une partie de ce que le régime national-socialiste leur avait enlevé ».[8] Il définissait un programme scolaire en sept points dont trois incitaient pour le moment, au retour à la situation d’avant 1933 :

« 2. Toute école maintenue dans la même forme depuis 1933 conservera son caractère et son statut.

3. Il ne sera pas créé de nouvelles écoles confessionnelles là où elles n’existaient pas avant 1933.

4. Les écoles confessionnelles fermées depuis 1933 seront rouvertes là où la population le demandera et sur autorisation particulière ».

Il s’en écartait toutefois sur plusieurs points : le troisième point était en contradiction avec l’article 23 du concordat qui prévoyait l’ouverture d’écoles confessionnelles chaque fois que les parents le demanderaient ; la sixième proposition indiquait que « les parents spécifieront si leurs enfants doivent recevoir l’enseignement religieux ou en être dispensés », contrairement à la tradition : avant 1933 les enfants suivaient les cours de religion sauf en cas de dispense écrite des parents.

Ces variantes par rapport à la situation d’avant 1933 témoignent de la préférence des autorités françaises pour l’école simultanée, préférence justifiée par des considérations matérielles : compte tenu de la situation économique catastrophique, il était plus économique d’ouvrir une école simultanée pour tous les enfants d’un village plutôt que deux écoles confessionnelles ou une école confessionnelle et une école simultanée. Il s’agissait aussi de développer chez les jeunes allemands un esprit d’ouverture et de tolérance : le choix de l’école simultanée se fait aussi par crainte du pouvoir des Eglises et notamment de l’Eglise catholique au sein des écoles. Le gouvernement militaire s’en tint à ce programme, repris dans les directives d’août 1945 et dans toutes les notes concernant la réouverture des écoles dans cette zone[9], puis au niveau des délégations supérieures.[10] Cette position de principe se voulait modérée. Elle montre que l’idée de ne rouvrir que des écoles laïques dans la zone si elle a jamais été évoquée, était d’ores et déjà écartée en août 1945. Inversement elle témoigne de la volonté de ne favoriser aucune confession. Dans la note du 8 octobre, Laffon rappelait la nécessité de mener la même politique dans l’ensemble de la zone : « il ne peut y avoir qu’une seule politique scolaire pour toute la zone française d’occupation. Je vous prie de bien vouloir veiller à son application stricte et de ne pas admettre que des instances inférieures interprètent cette politique selon leurs idées personnelles », référence à la promesse de rétablissement de l’école confessionnelle faite à l’évêque de Spire par le Général Bouley, gouverneur de Hesse Palatinat, en juin 1945.[11] Après le remplacement de Bouley par Brozen-Favereau en mai 1946, le gouvernement militaire local se rallia toutefois à la politique scolaire définie par Baden-Baden et si le général de Gaulle a pu donner des assurances aux évêques catholiques rhénans concernant la réouverture des écoles confessionnelles catholiques, la politique menée par la direction de l’Education publique ne confirme pas cette orientation.

De fait, avant même la réouverture des écoles, le catéchisme fut autorisé en dehors des locaux scolaires, ce qui fit craindre à certains ecclésiastiques l'élimination de l'instruction religieuse de l'école. Dès le mois d’août 1945, le général Billotte, Commandant de la zone française de Rhénanie et Hesse Nassau rappelait que dans cette province l'enseignement religieux, traditionnellement obligatoire dans toutes les écoles, a été battu en brèche par le régime hitlérien et qu'il faut prendre des mesures "conciliant les aspirations des fervents chrétiens et l'opposition des libres-penseurs".[12] L’enseignement religieux fut réintégré au programme et donné à l'école dès la rentrée des classes en octobre 1945. Le Gouvernement militaire donna des directives très claires à ses officiers de l'éducation publique, leur demandant de tenir compte de l'évolution des esprits, de la liberté religieuse, en demandant éventuellement aux parents quels étaient leurs désirs en matière religieuse, et en revenant le plus possible à la situation d'avant 1933.

Les principes de base de cette politique furent réaffirmés en octobre 1945[13], avec quelques éléments nouveaux interdisant toute expérience locale, précisant notamment que l'enseignement religieux est une matière obligatoire du programme, sans que personne soit obligé d'y assister, et que les écoles garderaient à la rentrée leur statut de 1944 et ne pourraient reprendre le statu quo de 1932 que sur demande des parents. Ceci favorisait l’école simultanée. Le Gouvernement militaire reconnaît, d'autre part, comme valables les prescriptions du Concordat de 1933 et le droit de la population allemande de fonder des écoles confessionnelles. Il rappelle également l'égalité absolue de traitement entre les diverses confessions.

Entre août 1945 et le printemps 1946, la politique scolaire du Gouvernement militaire s’infléchit dans le sens d’un soutien de plus en plus affiché à l’école simultanée. Après avoir, dans un premier temps, prétendu revenir à la situation de 1933, l’opposition à l’école confessionnelle était de plus en plus nette. Probablement par réaction à l’intervention de plus en plus pressante de l’Eglise catholique dans les affaires scolaires.[14] Peu de temps après la reconnaissance de la validité du concordat par les alliés, la Direction de l’Education publique présenta le projet de création des écoles normales, de statut interconfessionnel. Elle imposa également un délai très court pour la transformation des écoles simultanées en écoles confessionnelles et une note du 15 mars 1946 interdit le changement de statut des écoles en cours d’année scolaire. De plus le changement de statut ne pouvait se faire que si 75 % des parents en faisaient la demande. Tout cela visait à maintenir le plus d’écoles simultanées possible et à freiner le développement des écoles confessionnelles.

La réaction allemande : la défense de l’école confessionnelle

Les réactions des Eglises ne se firent pas attendre et une sorte de bras de fer s’engagea avec l’administration française sur les questions scolaires. Dès juillet 1945, l’archevêque de Trèves prenait position en faveur de la seule école confessionnelle d’état, puisque 90 % des enfants suivent l’enseignement religieux et se disaient favorable à une déclaration des évêques de Cologne et de Paderborn, en zone britannique, du 15 juillet 1945 en faveur de l’ouverture d’écoles privées catholiques non subventionnées. En Août 1945, les évêques catholiques allemands, toutes zones confondues, réunis à Fulda prirent position sur la question scolaire. Les « principes catholiques concernant l’éducation et l’école », un texte en 16 points, rédigés par la conférence épiscopale de Fulda[15] allaient à l’encontre du choix français de l’école simultanée. Le point central de cette déclaration est l’exigence de l’école confessionnelle catholique comme « idéal scolaire » des enfants catholiques, tout en conservant la possibilité d’ouvrir des écoles catholiques privées. Pour que l’enseignement confessionnel fonctionne correctement dans toutes les écoles primaires, l’Eglise revendiquait aussi la formation des maîtres dans des établissements confessionnels catholiques ce qui allait à l’encontre du projet du gouvernement militaire d’ouvrir des écoles normales interconfessionnelles. L’Eglise évangélique fut plus nuancée. Depuis 1918 elle avait accepté la séparation relative de l’Eglise et de l’Etat et refusait de faire de la question scolaire un cheval de bataille. Elle demandait une école chrétienne (non laïque) et se prononça pour l’école simultanée avec deux réserves : la possibilité d’ouvrir des écoles confessionnelles privées et, dans les régions où l’église catholique avait agité l’opinion publique, la réouverture d’écoles confessionnelles publiques. Les principales résistances vinrent donc de l’Eglise catholique.

Dès septembre 1945, les évêques manifestèrent leur inquiétude. L'archevêque de Cologne et l'évêque de Trêves adressèrent des lettres au Général Koenig, les 3 et 8 septembre 1945, protestant contre la déclaration du Commandant de Rhénanie et de Hesse Nassau selon laquelle "les écoles subventionnées par des fonds publics seront de type interconfessionnel avec enseignement religieux facultatif, l'enseignement général étant neutre (...), les écoles confessionnelles seront autorisées mais sans avoir de subvention de la part des fonds publics." Ils fondèrent cette protestation sur le fait que cette décision maintient "le régime de l'école simultanée introduit sous le régime national-socialiste" et ne rétablit pas l'école confessionnelle dans la situation dont elle jouissait avant 1933.[16] Les responsables français expliquent d'ailleurs l'absence de réaction analogue dans les autres provinces par le fait qu'en Hesse et en Bade, contrairement à ce qui se passait dans les anciennes provinces prussiennes de Rhénanie, l'école interconfessionnelle avait une base légale avant 1933.

Les évêques mettent en avant la contradiction entre le fait de soumettre la réouverture des écoles confessionnelles à la demande des parents et l’article 23 du Concordat, dont la validité avait été reconnue par les Alliés[17] :"le maintien et la réorganisation des écoles confessionnelles catholiques restent garantis. Dans toutes les communes où des parents ou autres personnes capables d'éducation le demandent des écoles primaires catholiques seront créées". Ils rappellent d’autre part que « les évêques ont maintenu, contre vents et marées, pendant les années de l'oppression nazie, le principe de l'école confessionnelle, et la déclaration de Fulda du 23 août 1945 réclame encore une fois l'école confessionnelle pour les enfants catholiques ». Considérant d’autre part que la population catholique représentait une majorité écrasante et était très fermement attachée à l'école confessionnelle, les évêques utilisaient aussi l'argument suivant: les Alliés répétaient qu'ils luttaient pour le retour de la démocratie, au nom de cette lutte, ils devraient tenir compte de la volonté de la population. Après la reconnaissance du concordat par les Alliés, l’Evêque de Spire insista sur la contradiction entre le point 4 (réouverture des écoles sur demande expresse des parents) et le Concordat (article 23). Comme le gouvernement militaire ne changea pas de position, le clergé catholique décida d’organiser lui-même une consultation des parents. Dans une autre lettre, l'évêque de Spire considère que plus de 97% des parents catholiques demanderaient l'école confessionnelle si on les consultait.[18] L'évêque de Trêves, Mgr Bornewasser, s'étonne également de l'obligation faite aux parents de déclarer s'ils souhaitent que leurs enfants suivent l'instruction religieuse, alors que la religion était traditionnellement une matière obligatoire: il aurait mieux valu selon lui considérer que l'enseignement religieux était la règle et dresser la liste de ceux qui demandaient à en être dispensés, conformément à l’article 21 du Concordat. Plusieurs évêques s’inquiétèrent sur ce point, s’opposant ainsi au sixième point du programme français. Toutefois la déclaration d’intention des familles restait dans la tradition de la vie scolaire allemande et répondait au besoin d'information du Gouvernement militaire. Selon le résultat de cette consultation, la position de l'Eglise catholique pouvait même être renforcée : « la plus grande majorité se fit inscrire au cours d'enseignement religieux, et les prêtres n'eurent aucune difficulté à entrer en toute liberté à l'école pour y donner les deux heures de cours intégrées au programme au lieu d'être placées en fin de journée ».[19] Enfin le sixième argument avancé par Mgr Bornewasser était le rôle que l'école confessionnelle pourrait jouer dans "l'extirpation" du nazisme.[20] Le Gouvernement militaire reconnaît que ces arguments ne manquent pas de poids et qu'ils « traduisent évidemment l'émotion considérable soulevée dans une région très catholique, où le clergé a toujours exercé sur la population la plus forte autorité, non seulement en matière religieuse, mais aussi en matière politique. »[21]

Compte tenu de l’importance politique de la question et du rôle dévolu au clergé dans l’immédiat après-guerre, le gouvernement militaire évita un affrontement direct. Après avoir tenté d’obtenir une intervention du Vatican auprès des évêques allemands, favorisant un rapprochement entre catholiques allemands et français, après avoir rappelé que les écoles confessionnelles supprimées depuis 1933 pouvaient être rétablies à la demande des intéressés (à condition que ces demandes soient régulières et ne prennent pas « l’allure d’un plébiscite susceptible de provoquer de l’agitation politique » ) , le gouvernement militaire s’en tint aux principes établis le 23 août 1945, n’acceptant qu’une concession : l’instruction religieuse faisant partie des programmes scolaires, seule la liste des enfants qui ne la suivraient pas serait dressée.

L'opposition catholique se déplaça ensuite sur le terrain de la formation des maîtres, dès l'annonce par le Gouvernement militaire du remplacement des anciens instituts par des écoles normales d'un nouveau type, composé de deux cycles d'études, gratuites et interconfessionnelles.

Cette réforme présentée à partir de mars 1946 souleva une violente opposition des évêques catholiques.[22] Ceux-ci mirent en avant la contradiction entre la décision de fonder des écoles normales interconfessionnelles et l'article 24 du Concordat, selon lequel les maîtres affectés aux écoles primaires catholiques devaient appartenir à l'Eglise catholique et offrir la garantie de répondre aux exigences particulières de l'école confessionnelle catholique, par conséquent recevoir une formation en accord avec ces exigences.

Avant 1933, les écoles normales étaient confessionnelles comme en Prusse, en Wurtemberg ou en Bavière, ou simultanées comme par exemple au Pays de Bade. Le régime nazi avait d'abord suivi la tendance de l'époque qui était de former les instituteurs à l'université, mais plus tard il était revenu à la formule du Lehrerbildungsanstalt, ne permettant pas la confessionnalité. La Direction de l'Education publique a supprimé tous les établissements de type ancien pour les remplacer à partir de juin 1946 par les écoles normales[23] auxquelles elle n'a pas donné de caractère confessionnel. Le Gouvernement militaire estimait qu'il fallait donner la priorité à la rééducation, or il ne disposait pas d'éléments suffisants pour apprécier la volonté de la population dans ce domaine, ni d'ailleurs de locaux et de maîtres pour multiplier le nombre d'écoles. S'il était prêt à accepter la collaboration de l'Eglise, le Gouvernement militaire ne pouvait lui abandonner la direction suprême des écoles normales, l'appartenance à l'Eglise catholique n'étant pas une garantie contre le nationalisme exagéré! Il a donc créé des écoles normales interconfessionnelles, séparées en premier et second cycle et entre jeunes gens et jeunes filles, représentant déjà quatre écoles par province.[24] A propos de la protestation de l'Eglise catholique sur l'infraction vis-à-vis du Concordat, l'abbé Virrion répondit que l'article 24 « ne dit pas que l'école normale doit être confessionnelle, mais qu'il doit y avoir possibilité de qualifier les maîtres qui le voudront à donner l'instruction religieuse ».[25] Le Gouvernement militaire ne s'est jamais opposé à ce que les évêques fassent donner, outre le cours de religion normal, une série de cours particuliers préparant à la "mission canonique". Toutefois ces cours ne pouvaient pas avoir lieu dans les écoles normales. Aux évêques qui se plaignaient des difficultés que cela entraînerait pour la formation des futurs prêtres, les autorités françaises répondirent qu'ils avaient toujours la possibilité d'ouvrir des séminaires sur le modèle français. Quelques écoles normales catholiques privées furent également autorisées pour la formation des maîtres de l'enseignement privé. Ces concessions ne suffirent pas à apaiser les protestations du clergé.

La consultation scolaire

Pour mettre un terme à l'agitation politique, les autorités françaises organisèrent une consultation des parents sur le statut de l'école. Pour le Palatinat, Brozen-Favereau transmit en septembre 1946 les résultats du « référendum scolaire ».[26] Pour réaliser les promesses faites lors de la conférence du 4 octobre 1946 et tenir compte des résultats de la consultation des parents, il fallait selon lui prévoir la réouverture de 190 écoles catholiques, ce qui correspondrait au statu quo. Par contre, si l'on suivait le même principe pour les écoles protestantes, il n'y en aurait plus que 90 au lieu des 200 déjà ouvertes, du fait de l'abstention très forte des parents protestants au référendum scolaire. Cette situation rendait pratiquement inutilisable le résultat du vote. Les positions des autorités allemandes et celle du Gouvernement militaire divergeaient nettement. La Direction de l'Education publique ne tint que modérément compte de ces résultats. Le projet transmis établissait une situation très différente de celle de 1933[27]: trois fois plus d'écoles simultanées, 40% d'écoles confessionnelles catholiques et 57% d'écoles confessionnelles protestantes en moins. Il fut envisagé à plus long terme de transformer une centaine d'écoles simultanées en écoles confessionnelles protestantes. On a l’impression que plus la pression catholique en faveur de l’école confessionnelle se renforçait, plus le gouvernement militaire accentuait sa politique en faveur de l’école simultanée. Dans le Wurtemberg Hohenzollern[28], le Gouvernement militaire prévoyait pour 1946–1947 50% d'écoles catholiques, 35% d'écoles protestantes et 15% d'écoles interconfessionnelles, sachant que les écoles confessionnelles pouvaient ouvrir à partir de 80 élèves.[29] En septembre 180 écoles confessionnelles avaient été autorisées, plus 35 pour le cercle bavarois de Lindau, mais le 15 octobre 1946, l'abbé Virrion constatait que sur ces 180 écoles prévues, seules 37 étaient réellement confessionnelles, en raison de l'absence de maîtres. Le référendum scolaire eut lieu le 12 décembre 1946.[30] Ce référendum donna lieu à une véritable campagne électorale des deux Eglises. Les partis politiques n'y participèrent pas, sauf la CDU, qui prit position pour l'école confessionnelle. Les résultats montrent une forte participation dans les cercles majoritairement catholiques, moins forte dans les cercles protestants. L'école confessionnelle catholique recueillit 55,19% des voix, l'école confessionnelle protestante 23,20% et l'école simultanée 21,61% (dont beaucoup de protestants), ce qui représente 78,39% en faveur de l'école confessionnelle.

Les résultats étaient donc en contradiction avec la volonté affichée de la direction de l'Education publique. La prise de position des autorités françaises en faveur de l'école simultanée traduisait aussi la volonté de réduire le rôle du clergé dans l'enseignement.[31] C'est bien sur le terrain politique que se place la note du 10 juin 1947, signée Schmittlein, résumant les raisons pour lesquelles il ne fallait pas accéder aux réclamations des évêques de Spire, de Trêves et de Fribourg:

« Cette revendication est d'ordre politique. Du point de vue religieux, les Eglises ont entière satisfaction et il n'entre nullement dans nos idées d'entraver le développement de l'enseignement religieux. Mais si l'école devient confessionnelle, on garantit par là aux Eglises un droit d'intervention dans ces écoles. Ce droit peut se manifester de plusieurs façons: nomination du directeur et des maîtres, éducation des élèves, choix des programmes et des manuels. Si de notre côté nous pouvons garantir que rien ne viendra blesser la conscience religieuse des élèves, nous sommes en mesure d'affirmer au contraire que la main-mise de l'Eglise se traduira immédiatement par une action politique tendant à ne mettre en place que des gens sûrs et à ne faire enseigner que la bonne vieille doctrine pangermaniste. »[32]

Le rétablissement de l’école confessionnelle

A partir de 1947, la question de la confessionnalité des écoles s’efface devant l’opposition plus générale à toutes les réformes engagées par l’occupant dans le domaine scolaire. La France s’est lancée dans une tentative de réforme de l’enseignement allemand dans la zone, concernant à la fois les programmes, les manuels, la pédagogie, la transformation des structures de l’enseignement secondaire, puis elle concerna les modalité d’évaluation, et enfin la réforme de l’Abitur et l’accès aux études universitaires. L’ensemble de ces réformes a fait l’objet d’une résistance forte de la part des autorités scolaires allemandes, des parents d’élèves, des partis politiques et des églises, allant au-delà de la question de la confessionnalité.[33] L’Eglise catholique s’est en particulier inquiétée de la réforme de l’enseignement secondaire, de la création d’un enseignement secondaire « unique » identique pour les filles et les garçons, de l’introduction du système d’examen et de notation français (jugée comme une importation pure et simple du système français). Et surtout, les Eglises réagirent fortement contre la réduction des heures de latin dans l’enseignement secondaire.[34] Cette opposition des églises aux réformes de l’enseignement fut très vite relayée par les partis politiques, et en particulier par la CDU (CDP/CDU) favorable à l’école publique confessionnelle et au maintien de la tradition chrétienne dans les écoles. La CDU insistait sur le droit des parents à déterminer le type d’enseignement à donner à leurs enfants, tout en prônant le choix de l’école confessionnelle. La revendication d’une école confessionnelle semblait paradoxale, alors que le parti chrétien démocrate était lui-même interconfessionnel. Le SPD, comme d’ailleurs les libéraux, revendiquait aussi le droit des parents, mais en affirmant que c’est l’Etat et non l’Eglise qui doit avoir la responsabilité de l’éducation. Il soutint l’école simultanée pour des raisons civiques et financières.

De fait, une fois le pouvoir scolaire remis entre les mains des autorités allemandes, le débat sur l’école confessionnelle se poursuivit. Les difficultés d’élaboration des articles scolaires dans la constitution du Land rhéno-palatin en sont un bon exemple. La rédaction et le vote des articles 32 (sur le statut des écoles) et 39 (sur la formation des maîtres) est révélatrice de la position de la CDU. La première formulation de l’article 32 prévoyait que les écoles primaires publiques seraient « confessionnelles ou simultanées », de même que la formation des maîtres pouvait être confessionnelle ou interconfessionnelle. L’Eglise évangélique avait proposé d’ajouter un paragraphe pour assurer aux enfants des confessions minoritaires l’instruction dans un établissement confessionnel de confession différente, là où ils seraient trop peu nombreux pour ouvrir leur propre école confessionnelle. La CDU modifia ensuite la proposition : il était précisé que l’école simultanée devait être chrétienne et que la formation des maîtres était prévue dans des établissements confessionnels. Les autorités françaises renoncèrent à bloquer le projet mais proposèrent un vote séparé sur la constitution et sur les articles scolaires.

Lors du vote du 18 mai 1947, seuls 52,4 % des électeurs rhéno-palatins approuvèrent les articles concernant l’école, toutefois la structure confessionnelle de la région ressortit très nettement: les régions à majorité catholique votèrent très largement en faveur de ces articles, alors que les régions à majorité protestante les refusèrent.[35] Fortes de cette courte majorité, qui ne réglait pas réellement le problème, et de l’ordonnance n° 95 du 9 juin 1947 qui rendait les pouvoirs dans le domaine culturel aux allemands – malgré la mention du contrôle par l’occupant de ce qui concerne l’éducation (article 4) – les autorités allemandes pouvaient instaurer leur propre réforme.[36] Dès qu'elles reprirent la responsabilité des affaires scolaires, les autorités allemandes commencèrent effectivement à remettre en cause les réformes "françaises". On constate ainsi dès 1947 un mouvement de "reconfessionnalisation" des écoles et le recul de l'école simultanée. La constitution du Land rhéno-palatin prévoyait désormais que l'école simultanée devait être chrétienne et que la formation des maîtres aurait lieu dans des établissements confessionnels. Dès l'annonce dès résultats, le gouvernement du Land entreprit de transformer les écoles normales en établissements confessionnels. Le Gouvernement militaire essaya d’abord de s’y opposer mais fut contraint d’accepter cette transformation en décembre 1948, et celle-ci fut réalisé en 1949.[37] La décision de rétablir l'école primaire confessionnelle suivit la même année: de nombreuses écoles simultanées du Palatinat devinrent des écoles confessionnelles.[38] Même si la question scolaire souleva encore bien des protestations, la CDU majoritaire réussit à faire appliquer son programme. En Rhénanie-Palatinat, la séparation par confessions eut lieu en octobre 1949, les élèves ayant commencé leur scolarité avaient la possibilité sur demande des parents de rester dans leur établissement. Ce Land est le seul où la mesure ait été appliquée dans les deux types d'établissements (Pädagogien et Akademien). Dans le Wurtemberg, seules les écoles normales de premier cycle sont devenues confessionnelles, alors que dans le Pays de Bade toutes les écoles sont restées interconfessionnelles[39], même si on pouvait relever que, pour l'année 1949–1950, celles de Meersburg et de Gengenbach avaient un personnel enseignant presque exclusivement de confession catholique.[40]

L’année 1949 marque donc l’échec définitif des tentatives françaises de réforme de l’enseignement dans la zone d’occupation en Allemagne et le retour à l’école confessionnelle, tant dans l’enseignement primaire et secondaire que dans la formation des maîtres. La question scolaire n’en était pas pour autant résolue en Allemagne et elle connut encore des soubresauts dans les années 50. Si l’on a pu objecter à la politique scolaire française d’avoir voulu imposer le modèle français d’enseignement en Allemagne, en faisant le choix de favoriser l’école simultanée chrétienne, il est un aspect fondamental du modèle français qu’elle n’a pas tenté d’exporter : la laïcité.



[1] Note de la Direction de l’Education publique sur l’enseignement religieux, 20 août 1945, Archives de l’Occupation Française en Allemagne et en Autriche (plus loin AOFAA), AC 73, et lettre de Koenig au CIAAA du 1er septembre 1945, AOFAA, AC 118/1.

[2] Manuel technique pour l’instruction et les affaires religieuses de la Mission Militaire pour les Affaires allemandes, juillet 1945, AOFAA.

[3] Essentiellement pour des raisons fiscales : les écoles n’ayant pas pu faire face à la loi de 1938 sur les impôts fonciers.

[4] Article 21 du Concordat de 1933.

[5] Le gouverneur de Rhénanie-Hesse-Nassau évoquait ce problème dès l’été 1945 : « Il est certain que la solution que nous adopterons aura une vive résonance en France et plus particulièrement en Alsace. C’est pourquoi il conviendra de peser avec soin les termes de la décision qui sera prise. » Rapport Billotte, 14 août 1945, AOFAA 118/1.

[6] Instructions du manuel technique pour l’instruction et les affaires religieuses de la mission militaire pour les Affaires allemandes, juillet 1945, AOFAA.

[7] Ibid, chapitre 14.

[8] Lettre de Koenig au CIAAA, AOFAA, 118/1.

[9] La note de la direction de l’éducation publique du 2 septembre 1945 concernant la procédure de réouverture des écoles allemandes au plus tard le 1er octobre 1945 précise « en principe et jusqu’à nouvel ordre, toute école ayant été maintenue dans la même forme depuis 1933 continuera de conserver son même caractère et d’appliquer les mêmes horaires (en matière de religion). Celles qui auront été fermées ou transformées ultérieurement ne pourront être rétablies qu’après décision spéciale, sur demande motivée. En tout état de cause, les élèves qui ne suivent pas l’enseignement religieux recevront un enseignement complémentaire de même importance horaire, portant sur la morale individuelle, familiale et sociale », AOFAA, AC 72.

[10] Note du 8 octobre 1945 de l’Administrateur général Laffon aux délégués supérieurs, AOFAA, AC 73.

[11] En réponse à la note du 8 octobre, Bouley fit référence à la visite du Général de Gaulle du 4 octobre 1945 en Hesse-Palatinat, au cours de laquelle de Gaulle se serait prononcé aussi en faveur du rétablissement des écoles confessionnelles en présence de l’évêque de Spire et de celui de Mayence, lettre citée par Defrance, Corine, La politique culturelle de la France sur la Rive Gauche du Rhin, 1945–1955, Mondes Germaniques, PU de Strasbourg, 1994, p. 110–111.

[12] Rapport du Général Billotte, commandant de la zone française en Rhénanie et Hesse Nassau sur la situation des écoles allemandes de Rhénanie, AOFAA, AC 73 ; Rapport Billotte, 14 août 1945, AOFAA, AC116/2.

[13] Note du 8 octobre 1945 de l'Administrateur général Laffon aux délégués supérieurs, AOFAA, AC 73.

[14] Defrance, La politique culturelle, p. 110.

[15] Principes catholiques concernant l’éducation et l’école, conférence épiscopale de Fulda, 1946, AOFAA, AC 73. Rappelant que la responsabilité de l’éducation des enfants devait être partagée entre les parents au nom du droit naturel, l’Etat, qui forme les citoyens, et l’Eglise, considérée comme « la mère de tous les enfants baptisés », ce texte plaçait l’école confessionnelle au centre des revendications catholiques.

[16] Rapport de l'abbé Virrion sur la politique scolaire du Gouvernement Militaire au regard des questions religieuses du 5 décembre 1946, AOFAA, AC 73. L'abbé Virrion était chargé, au sein du Gouvernement Militaire, des relations avec l'Eglise catholique allemande, et en particulier de visiter les écoles allemandes.

[17] AOFAA, AC 116(2)

[18] Lettres des évêques allemands, question scolaire, AOFAA, AC 73

[19] Rapport de l'abbé Virrion, 5 décembre 1946, AOFAA, AC 73.

[20] Lettres des évêques allemands, question scolaire, AOFAA, AC 73.

[21] Rapport de l'abbé Virrion, cité plus haut.

[22] AOFAA, AC 73.

[23] L'étude de la mise en place des écoles normales et de leur fonctionnement fera l'objet d'un paragraphe particulier.

[24] Rapport de l'abbé Virrion, 6 mai 1948, AOFAA, AC 73.

[25] Rapport de l'abbé Virrion, 6 mai 1948, AOFAA, AC 73.

[26] Rapport du gouverneur Brozen-Favereau, 10 octobre 1946, AOFAA, AC 73.

[27] Rapport « confessionnalisation des écoles du Palatinat», Commissariat pour le Land de Rhénanie-Palatinat, décembre 1949, AOFAA, AC 198.

[28] Résultat d'un accord entre l'abbé Virrion et l'évêque de Rottenburg, le 6 septembre 1946, AOFAA, AC 118. L'évêque avait alors émis de grandes inquiétudes pour les villes protestantes où il y avait de petites minorités catholiques, et ne semblait faire aucune confiance à l'école simultanée. Il proposait également que certaines écoles officiellement simultanées puissent fonctionner comme des écoles confessionnelles lorsque la minorité de l'autre confession est très réduite, et si l'instituteur appartient à la confession majoritaire.

[29] Rapport du 4 avril 1946 de la section enseignement du Gouvernement militaire pour le Wurtemberg, AOFAA, AC 73.

[30] Rapport du 28 décembre 1946 sur le référendum scolaire organisé le 12 décembre 1946 conformément à l'article 114 de la constitution du Wurtemberg-Hohenzollern, AOFAA, AC 73.

[31] Voir sur ce sujet les conclusions de Defrance, La politique culturelle, p 112–118.

[32] Note du 10 juin 1947 signée Schmittlein, et accompagnant le rapport de l'abbé Virrion, conseiller religieux, sur les écoles normales, du 6 mai 1946, AOFAA, AC 73.

[33] Pour d’autres aspects de la question, voir Doublier, Caroline, L’enseignement dans la zone française d’occupation en Allemagne, 1945–1949, thèse, 1997, non publiée.

[34] Entretien de l’Abbé Virrion avec Mgr Stohr évêque de Mayence, AOFAA, AC 64/2.

[35] Avec de grandes variations régionales : Coblence 65 %, Trèves 82,8 % (districts de tradition confessionnelle), Montabaur 55,5 %, Hesse rhénane 33 %, Palatinat 36,8 %.

[36] Voir Defrance, La politique culturelle, p. 168–170, en ce qui concerne le Land rhéno-palatin.

[37] A la fois par nécessité, n’ayant plus le pouvoir de s’y opposer, également par ce que le ministre des affaires étrangères, R. Schuman se prononça lors de son voyage dans la zone pour l’application des réformes scolaires prévues par la constitution de Rhénanie-Palatinat et pour la confessionnalisation des écoles.

[38] Note du Commissariat pour le Land de Palatinat, datée de décembre 1949, sur la « confessionnalisation des écoles du Palatinat », AOFAA, AC 198.

[39] Rapport récapitulatif de l'activité du bureau des Ecoles Normales pour l'année 1949–1950, partie C : Modifications apportées à l'organisation des Ecoles Normales depuis l'entrée en vigueur du statut d'occupation, 15 pages, AOFAA, AC 87–7.

[40] Situation des Ecoles Normales dans le Pays de Bade, début de l'année scolaire 1949–1950, Commissariat pour le Pays de Bade, note 8006/EDU du 14 octobre 1949, AOFAA, AC 169–4. Cette note précise: « A Meersbourg sur 16 professeurs 14 sont catholiques, alors qu'à Gengenbech 2 seulement sur 13 sont protestants ».


Für das Themenportal verfasst von

Caroline Doublier

( 2008 )
Zitation
Caroline Doublier, Ecole confessionnelle, école simultanée, école laïque : la confrontation des modèles allemands et français dans la zone d’occupation française (1945-1949), in: Themenportal Europäische Geschichte, 2008, <www.europa.clio-online.de/essay/id/fdae-1685>.
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