La laïcité à l’épreuve du foulard islamique. une comparaison franco-allemande

La question du foulard islamique a déclenché en France et en Allemagne des débats socioculturels et des contentieux. Il est vrai qu’en comparant la discussion dans les deux pays apparaissent des parallèles et des points communs. Les débats abordent par exemple, en premier lieu, tous les deux, l’environnement scolaire. Cependant non seulement le moment et l’élément déclencheur diffèrent, mais en plus, au regard des décisions juridiques, de l’interprétation des lois existantes, et de l’évolution des amendements et des propositions de lois, apparaissent bien des différences. La laïcité en France a sur la relation entre l’Etat et les religions des effets différents de ceux que l’on relève en Allemagne. Le mode fédéral de gouvernement de la RFA a pour conséquence une multitude de règlements et de lois qui contrastent avec les lois unitaires françaises.

La laïcité à l’épreuve du foulard islamique. une comparaison franco-allemande

Gilles Leroux

La question du foulard islamique a déclenché en France et en Allemagne des débats socioculturels et des contentieux. Il est vrai qu’en comparant la discussion dans les deux pays apparaissent des parallèles et des points communs. Les débats abordent par exemple, en premier lieu, tous les deux, l’environnement scolaire. Cependant non seulement le moment et l’élément déclencheur diffèrent, mais en plus, au regard des décisions juridiques, de l’interprétation des lois existantes, et de l’évolution des amendements et des propositions de lois, apparaissent bien des différences. La laïcité en France a sur la relation entre l’Etat et les religions des effets différents de ceux que l’on relève en Allemagne. Le mode fédéral de gouvernement de la RFA a pour conséquence une multitude de règlements et de lois qui contrastent avec les lois unitaires françaises. En fin de compte, le traitement de la question du foulard islamique reflète aussi l’attitude de la société française ou allemande, le regard qu’elles portent sur l’immigration et l’intégration, entre multiculturalisme et idée d’une culture de référence.

Die Frage des muslimischen Kopftuches hat sowohl in Frankreich als auch in Deutschland heftige gesellschaftliche und kulturelle Debatten und Rechtstreitigkeiten ausgelöst. Zwar gibt es in der Diskussion in den beiden Ländern Parallelen und Gemeinsamkeiten, zum Beispiel nehmen beide ihren Anfang im schulischen Umfeld. Allerdings sind nicht nur Auslöser und Zeitpunkt der Debatte verschieden, auch in den juristischen Urteilen, der Auslegung der vorhandenen Gesetze sowie den Gesetzesvorlagen und -änderungen sind Unterschiede zu sehen. Der Laizismus in Frankreich hat andere Auswirkungen als die Säkularität des Staates in Deutschland, durch die Kulturhoheit der Länder in der föderal organisierten Bundesrepublik kommt es in Deutschland zu einer Vielzahl von Regelungen, im Gegensatz zu einheitlichen Gesetzen in diesem Bereich in Frankreich. Letzten Endes spiegelt der Umgang mit der Frage des muslimischen Kopftuches auch die Einstellung der französischen und der deutschen Gesellschaft zur Einwanderung und Integration und die unterschiedlichen Ansprüche zwischen Multikulturalismus und „Leitkultur“ wider.

Bien qu’avec neuf années d’écart, la France et l’Allemagne furent toutes deux confrontées à des affaires de foulard islamique. En France, le premier contentieux remonte à 1989 à Creil alors qu’en Allemagne, ce ne fut qu’en 1998 que la polémique éclata dans le sud-ouest du pays, plus précisément dans le Bade-Wurtemberg. Hormis ce décalage temporel, il existe une autre différence, plus fondamentale, entre ces types de cas de part et d’autre du Rhin. En France, les personnes qui déclenchèrent la polémique étaient de jeunes élèves, tandis qu’en Allemagne, ce furent des étudiantes stagiaires qualifiées (Referendarinnen) sur le point d’être recrutées comme enseignantes. Nous étions donc, en France, en quelque sorte en présence d’usagers du service public, alors qu’en Allemagne il s’agissait de futurs ou potentiels personnels agents de la fonction publique. Cette différence n’était pas le fruit du hasard ; elle révélait au contraire deux réalités sociales bien différentes quant aux attitudes française et allemande face aux manifestations religieuses. Le problème du foulard islamique dans les établissements scolaires ne se posa donc pas dans les mêmes termes et en France et en Allemagne. Pourtant, tant les réactions que ces affaires suscitèrent que la façon dont elles furent traitées sont, comme nous allons le voir, assez identiques.

Quand les affaires de foulard secouent la France

Comme le rappelle le rapport de la Commission Stasi, « la question de la laïcité est réapparue en 1989 là où elle est née au XIXe siècle : à l’école. »[1] Le problème du foulard se pose en effet pour la première fois en 1989 dans un collège de Creil. Confontré à une polémique très vive, le gouvernement s’en remet alors au Conseil d’Etat. L’avis rendu par ce dernier en novembre 1989 reconnaît le droit à l’expression des élèves dans un établissement public conformément à la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989.[2] Les élèves sont donc autorisés à porter des signes religieux à l’école. Le Conseil d’Etat a toutefois posé quatre conditions à l’exercice de ce droit par les élèves : ils ne devront se livrer à aucun prosélytisme, ne perpétrer aucune atteinte à la dignité humaine, ni causer aucun trouble de l’ordre ou des missions du service public. Dans une première tentative de définir le caractère prosélyte, le ministre de l’Education nationale, François Bayrou, publie très vite un décret dans lequel il introduit la notion de « signe ostentatoire ». L’attitude prosélyte sera avérée et sanctionnée si le signe est porté de façon ostentatoire, c’est-à-dire de manière revendicative ou en cherchant à convertir. L’avenir montrerait qu’en réalité il n’avait fait que déplacer le problème de définition d’un concept à un autre.[3]

En 1989, les signes religieux ne furent donc pas interdits dans les établissements scolaires, mais ils pouvaient le devenir s’ils étaient ostentatoires. Les rectorats et les établissements eurent beaucoup de mal à faire appliquer ces principes au cas par cas comme le voulait le Conseil d’Etat. De nombreux contentieux naquirent et bon nombre de règlements scolaires interdisant par principe le port de signes religieux furent sanctionnés. Une nouvelle affaire défraya la chronique en 1992 après que les parents de trois élèves exclues de leur collège de Montfermeil eurent saisi la justice. L’arrêt Kheroua, du nom des plaignants, confirma l’avis du Conseil d’Etat sur l’illégalité de toute interdiction générale et absolue des signes d’appartenance religieuse. Deux ans plus tard, une nouvelle circulaire du ministère de l’Education nationale tenta de mieux circonscrire la notion de signe ostentatoire. Elle rappelait « qu’il n’était pas possible d’accepter à l’école la présence et la multiplication de signes si ostentatoires que leur signification était précisément de séparer certains élèves des règles de vie commune de l’école. »[4] A la fin de l’année 1994, le nombre d’élèves exclues de leur établissement s’élevait à environ quatre-vingts.[5] Cette année fut aussi celle de la nomination d’une médiatrice de l’Education nationale.

En 1997, le Conseil d’Etat fut contraint de rappeler que le foulard ne saurait être interprété comme un signe présentant par sa nature un caractère ostentatoire. Ce rappel était une dénonciation de la circulaire Bayrou de 1994. Les exclusions des établissements scolaires étaient certes possibles, mais uniquement si elles étaient fondées sur l’une des quatre conditions énoncées en 1989 ou, plus simplement, si elles résultaient d’un non-respect du règlement scolaire. Le refus de participer à certains cours, le cours d’EPS par exemple, devait être sanctionné. Le Conseil d’Etat était donc resté fidèle à sa position de 1989.

Comme le rappelle le Commissaire du gouvernement près la section du contentieux du Conseil d’Etat, David Kessler, le Conseil a traité les contentieux au sujet du foulard islamique dans les établissements scolaires français comme des affaires d’espèce et non de principe et c’est pour cela qu’aucune interdiction d’ordre général ne pouvait être prononcée.[6] Il est toutefois utile de rappeler que la jurisprudence du Conseil d’Etat ne vaut que pour les élèves, pas pour le personnel enseignant. Concernant le principe de laïcité, cette jurisprudence stipule qu’une même jeune fille peut, dans les conditions énoncées plus haut, être admise voilée à l’école, mais qu’elle devra s’en abstenir si elle souhaite occuper un emploi de surveillante ou d’enseignante.[7]

En tout état de cause la position du Conseil d’Etat ne permit pas de mettre fin à la polémique car en renvoyant la balle dans le camp des établissements et des académies, il ouvrait la porte à des solutions différenciées voire inégales. L’application difficile de ces principes par les chefs d’établissement devant décider seuls de la frontière entre des signes ostentatoires illicites et des signes discrets licites, appelait une clarification ultérieure de cette question. Après une courte accalmie, la controverse resurgit sur la scène nationale en février 2003 lorsque des enseignants d’un collège lyonnais menacèrent de faire grève si l’une de leurs élèves ne retirait pas le bandana recouvrant ses cheveux (première affaire de bandana).

Cette fois le gouvernement ouvrit le débat et le ministre de l’Intérieur et des Cultes, Nicolas Sarkozy, rappela lors de l’assemblée annuelle de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), l’importance de la laïcité et notamment de la loi qui exige des femmes qu’elles fournissent des photos d’identité sans foulard. Ce simple rappel suffisait à montrer que le problème dépassait désormais le seul contexte scolaire. Deux décisions ressortirent de la réflexion gouvernementale et présidentielle : la Mission Debré fut créée le 4 juin 2003 et la Commission Stasi le 3 juillet. La première fut chargée de tenir le parlement informé sur la question du foulard islamique, tandis que la seconde se vit confier deux missions : réfléchir à la nécessité d’une loi d’interdiction des signes religieux à l’école d’une part, mais aux formes que devrait prendre le modèle français de laïcité à l’avenir d’autre part. La création de ces commissions intervint au lendemain de la première réunion officielle du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui s’était tenue en mai 2003.

A la fin de l’année, la Mission Debré (novembre) et la Commission Stasi (décembre) rendirent toutes deux un avis négatif concernant les signes religieux et politiques visibles dans les écoles publiques françaises. Le projet de loi d’interdiction fut soumis au Conseil d’Etat et validé par celui-ci en janvier 2004. Comment expliquer ce revirement du Conseil d’Etat ? Marceau Long et Patrick Weil, tous deux membres du Conseil d’Etat et de la Commission Stasi ont précisé qu’au-moins deux choses avaient changé pour le Conseil d’Etat entre 1989 et 2004 : la première fut sa prise de conscience, à travers les 140 auditions menées par la Commission Stasi, qu’aujourd’hui le port du voile est plus souvent qu’on ne le pense un choix fait sous la contrainte. La seconde était que le droit aussi avait changé : la révision constitutionnelle de 1999 avait entre-temps permis de réaffirmer le principe d’égalité entre hommes et femmes comme un principe essentiel.[8] Plus globalement, le Conseil aurait pris conscience qu’il y avait, dans la société française, une volonté croissante de particularisme religieux souhaitant déroger à la règle laïque, pas seulement chez les musulmans.

En 1995, le Conseil d’Etat avait par exemple rejeté deux recours émanant du Consistoire central israëlite de France demandant un droit aux absences scolaires le samedi.[9] On estime qu’il y avait à l’automne 2003 en France 1256 jeunes musulmanes portant le foulard à l’école.[10] La loi d’interdiction fut définitivement adoptée à une très large majorité par le parlement en mars 2004 et elle entra en vigueur à la rentrée scolaire de la même année. Cette loi, qui interdit le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, ne concerne pas les universités ni les établissements privés. L’interdiction des signes d’appartenance politique n’a pas été retenue par Jacques Chirac et, en ce qui concerne le choix de l’adjectif « ostensible », il résulte d’un débat au sein de la Commission Stasi. Celle-ci s’était en effet posée la question du remplacement de ce terme par celui de « visible », mais cet adjectif risquait de générer encore plus de confusion quant aux petits signes discrets, licites bien que visibles. En outre, on courait le risque de se mettre en porte-à-faux avec la Cour européenne des droits de l’homme pour laquelle l’adjectif « visible » risquerait d’être insuffisant pour prononcer une interdiction.[11] La controverse française qui avait débuté à la fin des années 1980 s’achevait donc (provisoirement ?) sur une interdiction, alors que la première réponse avait été inverse. Nous allons voir que le cheminement fut le même en Allemagne quelques années plus tard.

L’Allemagne et l’affaire Ludin

Cette affaire ne fut pas la seule, mais c’est elle qui fit naître la polémique en Allemagne. Tout commença en 1998 lorsqu’une jeune étudiante allemande de 24 ans, Fereshta Ludin, d’origine afghane, se vit refuser l’accès à la fonction publique comme enseignante au terme de sa formation dans le Land du Bade-Wurtemberg. Quelques mois plus tôt, le port de son foulard lui avait déjà valu des ennuis dans la recherche d’un stage en milieu scolaire (Referendariat) et elle n’avait pu poursuivre sa formation pratique que grâce à une intervention de la ministre des Affaires culturelles du Land, Annette Schavan. Au terme de sa formation toutefois, la même ministre se rangea derrière l’avis de l’inspection académique de Stuttgart qui, après avoir mené un entretien avec la candidate, la déclara inapte à l’enseignement parce qu’elle souhaitait conserver son foulard en classe.[12] Bien que la candidate eût déclaré lors de son entretien que le foulard n’était pas pour elle un symbole de sa religion mais une caractéristique de sa personnalité, la ministre évoqua la perception que les autres, c’est-à-dire les élèves, les parents d’élèves et les autres jeunes musulmanes auraient de ce symbole. Pour Annette Schavan, en refusant d’ôter son foulard en classe, Fereshta Ludin révèlait son incapacité à tenir compte de l’effet de ses choix, en l’occurrence sur les usagers de l’école. Dans sa déclaration de presse du 13 juillet 1998[13], Annette Schavan rappela que si l’admission dans la fonction publique était indépendante de la croyance religieuse (article 33, alinéa 3 de la Loi fondamentale), la liberté religieuse garantie par l’article 4 LF trouvait, comme toute autre liberté fondamentale, ses limites là où elle entrait en conflit avec d’autres libertés ou principes de même rang.

Comme le stipulait d’abord le droit de religion ou la liberté négative de religion (negative Religionsfreiheit) découlant de ce même article 4. Mais cela apparaît aussi avec le principe d’objectivité et de neutralité inhérents à la fonction publique présents dans l’article 33 alinéa 5 LF, ainsi que dans l’article 7 sur l’enseignement scolaire. Pour la ministre, ce conflit entre différents droits ou différentes libertés rendait toutefois impossible une interdiction générale de port du foulard, c’est-à-dire une interdiction qui ne ferait pas de distinction entre élèves, étudiantes ou enseignantes dans les établissements scolaires ou universitaires. L’interdiction pouvait seulement valoir lorsque la question d’un recrutement dans la fonction publique d’Etat se posait.[14] Cette décision marqua le début d’une bataille juridique de plusieurs années.

Un peu moins de deux ans plus tard, le 24 mars 2000, le tribunal administratif de Stuttgart rejeta la plainte de Fereshta Ludin et donna raison à l’Inspection académique du Land invoquant le non-respect des obligations de service sur le port de symboles religieux. Le tribunal énonça également que la liberté négative des élèves, c’est-à-dire le droit de ne pas être exposés à des symboles religieux, l’emportait sur la liberté positive de religion de l’enseignante. Il rappela aussi que les fonctionnaires allemands ne devaient pas générer de conflits.[15] Fereshta Ludin, qui avait fait appel de cette décision auprès de la Cour d’appel administrative du Land à Mannheim, fut également déboutée par cette instance un an plus tard, le 26 juin 2001.

Dans sa décision, la Cour d’appel de Mannheim insista sur la liberté négative des élèves et se référa à un jugement prononcé quelques années plus tôt (crucifix –1995). Elle rappela que dans ce cas aussi la Bavière avait défendu la présence de crucifix dans les salles de classe en argumentant qu’il ne s’agissait que d’un « bien culturel insignifiant » (unbedeutendes Kulturgut), mais que ceci n’avait pas empêché la justice de trancher en faveur de la liberté négative de religion des élèves et de leurs parents. La Cour de Mannheim confirma que, certes, l’orientation chrétienne des écoles dans le Bade-Wurtemberg posait bien un problème en matière de neutralité de l’Etat, mais elle rappela toutefois un jugement du Tribunal constitutionnel : ce dernier a par le passé en effet considéré que l’orientation chrétienne de ces établissements ne faisait pas référence à certains contenus religieux propres à cette confession, mais seulement au christianisme comme facteur culturel prépondérant dans la société allemande.[16] Le 4 juillet 2002, soit un an après, la Cour suprême administrative fédérale rejeta à son tour la plainte de Fereshta Ludin.

Toutefois, la neutralité insuffisante de l’Etat allemand qui ne traitait pas le christianisme et l’islam de la même façon, fut à nouveau montrée du doigt et cette fois de façon plus conséquente. Le tribunal énonça en effet que la plus grande diversité culturelle et religieuse de la société allemande d’aujourd’hui imposait que l’on appliquât à l’avenir le principe de neutralité de façon stricte. Il ne s’agissait cependant pas pour lui d’être permissif envers les autres religions – comme cela avait été traditionnellement concédé aux religions chrétiennes mais, au contraire, compte-tenu du nombre croissant d’élèves sans confession, d’être plus strict vis-à-vis des symboles chrétiens, ou religieux en général, à l’école.

Pour Fereshta Ludin, il n’existait plus qu’un dernier recours, celui d’aller devant le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe. Le jugement qui fut rendu le 24 septembre 2003 par ce dernier donna, contre toute attente, raison à la plaignante.[17] Le Tribunal constitutionnel rappela en effet que le port du foulard identifiait la plaignante comme appartenant à la communauté religieuse islamique et que ceci ne constituait pas, en l’état actuel de la législation[18], un motif pour la considérer inapte à l’enseignement. Il s’agissait donc d’une atteinte à sa liberté de religion selon l’article 4 LF. Plus précisément, sur les quatre points qui étaient sujets à interprétation depuis le début de l’affaire, le tribunal émit les avis suivants :[19]

1.Symbolique du foulard : Alors que les juridictions précédentes avaient fait du foulard un symbole religieux, voire politique, le tribunal constitutionnel rappela qu’il n’était pas du ressort de l’Etat de définir un morceau d’étoffe qui, contrairement au crucifix, n’était pas en soi un symbole religieux. Le foulard pouvait éventuellement acquérir cette dimension une fois porté par une musulmane, en fonction des raisons qui motivaient son choix. Il n’incombait par ailleurs pas aux élèves ou à leurs parents de définir le sens à donner au foulard mais aux musulmanes qui le portent, et elles le font pour des raisons très diverses. S’il n’était donc pas possible de réduire le foulard à un symbole d’oppression des femmes, il pouvait par contre être considéré comme un moyen pour ces jeunes femmes de conserver un lien avec leur culture d’origine.

2. Liberté de religion : Sur ce point le tribunal considéra qu’il n’était pas possible de restreindre la liberté de religion d’une enseignante sans pouvoir se référer à un texte de loi[20] et en s’appuyant simplement sur un trouble de l’ordre public ou sur des plaintes hypothétiques de parents d’élèves, comme l’avaient fait les juridictions précédentes et la ministre Annette Schavan. Selon le tribunal, l’interdiction du port de tenue religieuse à l’école ne frappe pas les membres des différentes communautés religieuses de la même façon car certaines communautés ne connaissent pas de prescription vestimentaire. L’égalité de traitement n’est par conséquent pas garantie quand la décision incombe aux autorités locales ou aux tribunaux. D’où la nécessité d’une loi qui règlerait cette question de façon uniforme pour tous.

3. Devoir de neutralité de l’Etat : Les juges déclarèrent clairement que si l’acception traditionnelle de ce principe en République fédérale était désormais source de conflits dans la société allemande multireligieuse, alors il fallait parvenir à une application plus stricte de ce principe. Ceci n’était toutefois pas du ressort des tribunaux mais du législateur, les Länder pouvant opter pour des solutions différentes selon leurs traditions ou la composition de leur population.

4. Droit des fonctionnaires : La fonctionnaire n’est pas assimilable à l’Etat et inversement : si elle exprime des opinions religieuses à travers le port du foulard, il ne s’agit donc pas d’une émanation de l’Etat. Par ailleurs, il n’existe pour les enseignants aucun règlement concernant une tenue de service. Or, la restriction des droits fondamentaux d’un fonctionnaire ne pourrait découler que d’une telle obligation.[21] En énonçant que le foulard était un article vestimentaire avant d’être un symbole religieux et qu’une fonctionnaire pouvait tout à fait le porter, les juges constitutionnels ne mirent pas fin à la polémique. Ils avaient en effet clairement fait entendre que si l’Etat ne pouvait accepter leur verdict, il lui fallait légiférer.

Vers une interdiction des signes religieux dans les écoles allemandes ?

A la fin de l’année 2003, les positions française et allemande sont donc opposées : la France est sur le point d’interdire les signes religieux à l’école alors qu’en Allemagne le tribunal constitutionnel vient indirectement d’autoriser les enseignantes musulmanes à porter le foulard en classe. A ce stade, il est bon de rappeler l’antériorité de la polémique en France et vue sous cet angle, la position allemande de 2003 ressemble en réalité à celle du Conseil d’Etat de 1989. De même que la décison française de 1989 n’avait pas réglé le problème, celle du tribunal constitutionnel de 2003 n’a pas apaisé les esprits. Les juges de Karlsruhe avaient en effet clairement rappelé que, puisque la Constitution octroyait la liberté d’organiser l’enseignement scolaire aux Länder, ceux-ci étaient libres d’introduire de nouveaux règlements pouvant contraindre les enseignants à renoncer aux signes religieux ostentatoires à l’école. En cela, les Länder étaient autorisés à tenir compte des références chrétiennes, de la tradition scolaire, de la composition de la population, de la force de son ancrage religieux etc., mais dans ce cas, les autres communautés religieuses devaient être traitées de façon égalitaire.

Le tribunal constitutionnel renvoyait ainsi la décision au tribunal administratif fédéral qui aurait à trancher si les Länder décidaient de modifier ou promulguer de nouvelles lois scolaires. Le 7 octobre 2003, soit quelques jours seulement après le verdict du tribunal constitutionnel, les ministres de la Culture de chaque Bundesland se réunirent afin de parvenir à une solution homogène, mais la tâche s’avérait difficile car tous n’étaient pas du même avis.[22] Alors que le Bade-Wurtemberg, la Bavière, la Basse-Saxe, la Sarre et la Hesse souhaitaient légiférer contre le port du foulard, et que Berlin évoquait l’interdiction de tous signes religieux dans le service public, Hambourg, le Schleswig-Holstein, la Saxe, le Mecklembourg-Poméranie occidentale et le Brandebourg, eux, ne voyaient pas l’intérêt d’agir. Enfin, le seul Land à rejeter formellement une interdiction légale du foulard était la Rhénanie-Palatinat pour laquelle le devoir de neutralité de l’enseignant présentait une garantie suffisante. Les autres Länder étaient encore indécis.

En décembre, un appel fut lancé par 72 personnalités féminines allemandes, rassemblées autour de Marie-Luise Beck, Barbara John et Rita Süssmuth, contre toute loi visant à interdire le foulard.[23] Quatorze mois plus tard, 53 femmes issues pour la plupart de l’immigration et s’autoqualifiant de « migrantes de sensibilité démocratique originaires de pays musulmans et autres » répondirent aux premières en demandant l’application du principe de neutralité et en s’opposant par conséquent au foulard. De nombreux responsables politiques prirent également position sur la question. Il y eut d’abord le chancelier Gerhard Schröder qui se prononça pour une interdiction du foulard chez les fonctionnaires ; puis, quelques jours plus tard, à l’occasion du 275ème anniversaire de Lessing en janvier 2004, le président Johannes Rau fit part de ses craintes qu’une interdiction du foulard puisse être le premier pas vers une société laïque ne correspondant pas au modèle allemand de « sécularité éclairée » (aufgeklärte Sekularität). En mars 2004, le président du Bundestag, Wolfgang Thierse, fit à son tour connaître son opinion. Pour lui, le foulard représentait des valeurs incompatibles avec la constitution et il était donc favorable à une interdiction de principe avec toutefois des tolérances là où ce serait justifié.

En juin 2006, seuls huit Länder avait légiféré. Il s’agissait, présentés par ordre chronologique, du Bade-Wurtemberg (loi du 1 avril 2004), de la Basse-Saxe (loi du 29 avril 2004), de la Sarre (loi du 23 juin 2004), de la Hesse (loi du 07 octobre 2004), de la Bavière (loi du 23 novembre 2004), de Berlin (loi du 20 janvier 2005), de Brême (loi du 28 juin 2005) et enfin de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (loi du 13 juin 2006). Des projets de lois avaient été présentés dans deux Länder, le Brandebourg et la Rhénanie-Palatinat. Dans le Brandebourg, le projet émanant du groupe parlementaire du parti populiste de droite Deutsche Volksunion (DVU) fut rejeté par le Landtag en première lecture le 03 février 2005. En Rhénanie-Palatinat, le projet du groupe CDU fut rejeté en novembre 2005. Le groupe CDU du Schleswig-Holstein présenta également un projet dans ce Land le 27 avril 2004, mais rien n’avait encore été décidé. La loi scolaire devant être amendée, une interdiction du foulard pourrait être incluse et entrer en vigueur en 2007. Aucun projet n’était prévu ou à l’étude dans les cinq Länder restants, dont quatre sont situés dans la partie orientale de l’Allemagne (Hambourg, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe).[24]

Ce fut donc le Bade-Wurtemberg, où tout avait commencé, qui promulgua le premier une loi interdisant le port du foulard aux enseignantes dans les écoles publiques. Cette loi scolaire, adoptée à la majorité par le Landtag (sans les Verts et excepté deux députés SPD), et dont la constitutionnalité fut confirmée par le tribunal administratif fédéral le 24 juin 2004,[25] interdit tout signe politique ou religieux à l’école, susceptible de menacer la neutralité du Land. Les comportements qui peuvent éveiller l’impression chez les élèves ou les parents d’élèves qu’un membre du personnel enseignant s’élève contre la dignité humaine, l’égalité des hommes, l’ordre démocratique libre et les droits fondamentaux de liberté sont considérés comme particulièrement intolérables. En théorie tous les symboles religieux tombent sous le coup de cette loi, c’est-à-dire même la croix chrétienne ou la kippa juive. Mais la loi modifiée rappelle également que la représentation de valeurs ou traditions éducatives et culturelles chrétiennes (christlich-abendländisch) n’est pas en porte-à-faux avec la nouvelle réglementation, conformément à la constitution du Land qui fait elle-même référence à ces valeurs.[26]

La loi adoptée en Hesse est comparable, à cela près que l’interdiction ne vaut pas que pour le personnel enseignant des écoles publiques mais pour tous les fonctionnaires du Land. Les tenues susceptibles de faire porter un doute sur la neutralité du fonctionnaire dans l’exercice de ses missions de service public sont explicitement interdites, tout comme celles présentant un potentiel de trouble de l’ordre public. La loi bavaroise interdit le port de symboles et tenues exprimant une conviction religieuse ou philosophique à partir du moment où ceux-ci peuvent être perçus par les élèves ou les parents d’élèves comme l’expression d’un comportement incompatible avec les principes fondamentaux de la Constitution, et y compris avec les valeurs éducatives et culturelles chrétiennes et occidentales. C’est donc là aussi une manière d’interdire certains signes religieux et d’en tolérer d’autres.

La loi scolaire de Basse-Saxe précise que l’apparence du personnel enseignant ne doit pas être à l’origine de doutes quant à sa capacité à accomplir la mission éducative de l’école. L’alinéa 2 rappelle que cette éducation se fait sur la base du christianisme. Même chose dans la Sarre, où la référence aux valeurs du christianisme dans l’éducation est encore plus explicite. La mission éducative doit être accomplie sans remettre en question la neutralité de l’Etat ni menacer la paix scolaire.

La loi de neutralité promulguée à Berlin se distingue des précédentes en cela qu’elle ne prévoit aucune exception explicite ou implicite pour les symboles chrétiens. Comme en Hesse, elle ne concerne pas que les enseignants mais tous les fonctionnaires exerçant dans les services des greffes, de l’administration pénitentiaire ou de police.[27] Sont interdits : les symboles religieux ou idéologiques qui affichent une appartenance à telle ou telle communanté religieuse ou philosophique, ainsi que les tenues explicitement religieuses.

A Brême et en Rhénanie du Nord-Westphalie, les choses ont été un peu plus compliquées et les modifications ont pris plus de temps. Ainsi à Brême, la nouvelle loi scolaire du 28 juin 2005, dans son article 59B, alinéa 4, n’interdit pas vraiment le port de symboles religieux ou « philosophiques », mais fait dépendre l’interdiction de la façon dont ils sont portés : Les écoles publiques doivent préserver la neutralité religieuse et philosophique. Le personnel doit tenir compte, dans chaque discipline, des sensibilités religieuses et philosophiques de tous les élèves et du droit de leurs parents de leur transmettre certaines convictions religieuses et philosophiques. L’apparence des enseignants et du personnel d’encadrement ne doit pas provoquer une gêne vis-à-vis des sensibilités religieuses, ni des sensibilités philosophiques des élèves et de leurs parents.[28] Les difficultés rencontrées à Brême étaient dues aux désaccords entre les partis de la grande coalition. Alors que les élus SPD voulaient bannir tous les signes religieux de l’école, tout en envisageant des exceptions (le cas par cas pour le foulard), la CDU s’en prenait uniquement au foulard islamique. Dans un vote inattendu, en septembre 2004, la base du SPD de Brême se prononça contre toute possibilité d’autorisation exceptionnelle du port du foulard. Le SPD dut donc abandonner son projet initial et trouver un compromis avec la CDU.

Même chose en Rhénanie-du-Nord-Westphalie où la coalition rouge-verte, qui avait rejeté toute idée d’interdiction, a cédé le pouvoir aux chrétiens démocrates et aux libéraux en mai 2005. La question était particulièrement sensible compte tenu du nombre élevé de musulmans dans ce Land. Un premier projet de loi présenté par le groupe CDU en novembre 2003 fut rejeté en deuxième lecture par les votes SPD, FDP et Verts en mars 2005, parce que les symboles chrétiens étaient épargnés par l’interdiction. En octobre de la même année, les groupes CDU et FDP présentèrent un nouveau projet en commun (conformément à leur accord de coalition) qui fut adopté et qui, contrairement au projet précédent, ne prévoyait plus d’épargner explicitement les symboles chrétiens. La référence à la dignité humaine et à l’égalité des droits permet toutefois de penser que le foulard sera interdit là où d’autres signes religieux seront autorisés. Comme dans le Bade-Wurtemberg, la représentation de valeurs culturelles et éducatives chrétiennes et occidentales n’entre pas en contradiction avec ce nouveau règlement. Cette loi entra en vigueur le premier août 2006.

Marie-Luise Beck, la parlementaire chargée des questions de migration, de réfugiés et d’intégration auprès du gouvernement fédéral, souligna que, certes aucune de ces lois ne mentionnait l’interdiction du foulard islamique, mais que les nombreuses exceptions plus ou moins explicites aboutiraient à une interdiction qui vaudrait surtout pour le foulard islamique. Pour elle, les nouveaux règlements soulevaient plus de questions qu’ils n’apportaient de réponses aux véritables problèmes, sans parler de leur effet dévastateur en matière d’intégration.[29] Les affaires de foulard ne sont donc probablement pas des affaires classées en Allemagne, bien qu’Annette Schavan ait déclaré le contraire après que Fereshta Ludin eut jeté l’éponge.[30] Et, à l’avenir, en cas de recours au tribunal constitutionnel, il n’est pas exclu que celui-ci dénonce les inégalités de traitement des religions inscrites implicitement dans les nouvelles lois. Ceci pourrait faire évoluer la situation vers un bannissement de tout signe religieux à l’école allemande.[31] Les problèmes pourraient aussi émaner de la Commission européenne car les nouvelles lois scolaires allemandes pourraient être considérées comme une atteinte à la loi européenne contre les discriminations. En dépit d’une problématique différente et d’un rapport historique différent entre l’Etat et les cultes, la France et l’Allemagne ont, alors qu’elles étaient confrontées au problème du foulard islamique dans les établissements scolaires, toutes deux finalement opté pour des lois d’interdiction. Néanmoins, ce qui semble à première vue être une approche identique d’un même problème masque en réalité des conceptions très différentes d’un Etat à l’autre.

Sécularité allemande versus laïcité française

Commençons par rappeler que s’il y a bien séparation entre l’Etat et les Eglises ou les cultes en Allemagne, ce qui signifie qu’il n’y a pas de religion d’Etat[32], le rapport entre l’Etat et les cultes est différent de ce qu’il est en France depuis 1905. La réalité allemande est caractérisée par une collaboration régulière entre l’Etat et les Eglises, en l’occurrence les grandes Eglises chrétiennes. Ces coopérations touchent de nombreux domaines, qui vont de l’assistance spirituelle dans les prisons ou à l’armée, à la collecte par l’Etat de l’impôt ecclésial, en passant par l’enseignement religieux dans les écoles publiques.[33]

La séparation institutionnelle allemande entre Eglises et Etat n’a pas pour objet de refouler les communautés religieuses en dehors de l’espace public, mais plutôt de garantir la non-intervention de l’Etat dans l’exercice religieux individuel ou collectif. L’Allemagne n’a, par conséquent, aucun problème avec les élèves porteuses de foulard en classe et l’intervention d’Annette Schavan pour défendre Fereshta Ludin alors qu’elle était étudiante, le prouve. Il n’est donc pas surprenant qu’en Allemagne le débat ait tout de suite pris une tournure purement, et peut-être excessivement, juridique autour de la liberté de religion (article 4 LF) et du devoir de neutralité de l’Etat séculier, justement garant de la liberté de religion.

La liberté de religion étant considérée comme un droit fondamental intangible, des restrictions à celle-ci ne sont envisageables que s’il est avéré que la jouissance sans limite de ce droit porte atteinte à un autre droit fondamental, comme par exemple le droit négatif de religion, qui découle également de l’article 4 (c’est-à-dire le droit de rester à l’écart des manifestations ou des pratiques religieuses). A cette restriction éventuelle s’ajoute celle résultant du devoir de neutralité des fonctionnaires. En première instance, les différentes juridictions allemandes avaient considéré que ceci suffisait à restreindre la liberté de religion des enseignantes et à leur interdire le port du foulard. Le tribunal constitutionnel, bien qu’il ait annulé ces décisions, a tout de même botté en touche en demandant aux Länder de légiférer, s’ils n’étaient pas en accord avec sa décision. Le tribunal constitutionnel a donc seulement rejeté toute interdiction générale du port de foulard, mais il n’a en aucun cas réglé le conflit entre les différents droits fondamentaux. Sa réponse fut même à l’opposé de la jurisprudence allemande[34] ce qui permet d’affirmer que les réponses allemandes aux questions de port de tenues religieuses à l’école n’ont pas attendu l’action des Länder à partir de 2004 pour être très hétérogènes et même paraître contradictoires.

Il est clair que le fédéralisme allemand joue ici un rôle considérable puisque les questions de droit scolaire et de la fonction publique sont du ressort des Länder. Ceux-ci ont des traditions différentes pouvant par conséquent donner lieu à des interprétations très variées d’un même phénomène ; sans parler des différentes sensibilités politiques au pouvoir. Ceci peut paraître surprenant dans un pays où la société sécularisée ne se sent normalement pas menacée par les symboles religieux en tant que tels. En l’absence d’une loi comparable à la loi française de 1905, l’Allemagne semble avoir plus de difficultés à interdire le port de certains signes religieux alors qu’elle en tolère d’autres. La séparation entre l’Etat et les cultes est en effet souvent qualifiée de « boîteuse » (hinkende Trennung) en raison des diverses références à Dieu ou aux valeurs chrétiennes dans la Loi fondamentale ou dans les constitutions des Länder.

Le déficit de neutralité de l’Etat allemand donne en effet lieu à de véritables numéros d’équilibre dans la recherche des limites à imposer au principe de sécularité, notamment dans le cas de l’islam. Des voix s’élèvent pour demander la réalisation d’une « sécularité de l’Etat de droit ».[35] Pour Bielefeldt, seule la sécularité de l’Etat de droit est à même d’organiser le pluralisme religieux et philosophique sur la base des droits de l’homme et de la liberté de religion. Un Etat démocratique se doit d’être neutre et d’adhérer au principe de « non-identification respectueuse » (respektvolle Nichtidentifikation) avec les courants religieux ou philosophiques. Il ne s’agirait pas pour autant pour l’Etat allemand d’être entièrement neutre du point de vue des valeurs, car la neutralité de l’Etat de droit en matière religieuse et philosophique serait au contraire l’expression d’un engagement éthique et juridique seuls garants de la liberté de religion.[36]

En France, la loi du 9 décembre 1905 entérine le droit positif de religion[37] proclamé à la Révolution, mais instaure la séparation des Eglises et de l’Etat. Avec cette loi, « la France a érigé la laïcité au rang de valeur fondatrice »[38], mais comme le rappelle le rapport de la Commission Stasi, la laïcité ne saurait se réduire à la neutralité de l’Etat[39], une neutralité qui a souvent été synonyme d’indifférence dans le passé. Comme le souligne Alain Boyer[40], bien que la loi de 1905 ait quelque peu privatisé la religion, elle ne l’a pas pour autant exclue de la sphère publique. Il y aurait donc un malentendu français sur ce qu’est la laïcité : «Pour nous le mot séparation revient à ne pas se parler […], la séparation, ce n’est pas ce qui interdit de se parler, c’est ce qui oblige à se parler sur d’autres bases … Lorsqu’on relit les débats de l’époque, le mot séparation avait un sens très précis pour les législateurs : c’était la suppression du budget des cultes. Cela ne va pas très loin… ».[41]

En France, les affaires de foulard ne pouvaient donc créer une telle polémique que parce qu’elles émanaient justement d’usagers du service public jouissant pleinement de leur liberté de religion. On pouvait voir en elles une remise en question du modèle français qui fait de l’école un sanctuaire où personne, c’est-à-dire ni l’Etat, ni ses serviteurs, ni ses usagers, ne peut afficher ses convictions. C’est cette même spécificité qui représente pour d’autres la faiblesse du modèle français.[42] Le ministre de l’Intérieur et des Cultes Nicolas Sarkozy plaide aujourd’hui pour une vision apaisée des rapports entre la politique et la religion. Interrogé sur son implication dans l’organisation d’un islam de France, le ministre répondait que « croire que l’Etat peut rester totalement indifférent au fait religieux est constamment contredit par la réalité des faits.

Bien sûr l’Etat ne doit pas se mêler du dogme, mais il ne peut ignorer les affaires religieuses. Aider l’islam à s’organiser dès lors qu’il en a besoin, ne retire rien aux autres religions, ni aux non-croyants et sert les intérêts de la République. Il n’y a pas atteinte au principe de laïcité».[43] En novembre 2005, il a créé la Commission Machelon dite de « réflexion sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics », composée de 14 personnalités (avocats, théologiens, sociologues etc.) chargées de réfléchir à des aménagements à la loi de 1905.[44] Il faut aussi citer l’Observatoire de la laïcité et l’Autorité indépendante de lutte contre les discriminations créés par Jacques Chirac. Le modèle français de laïcité, assez unique en son genre puisque ce terme lui est souvent réservé, les autres états préférant parler de sécularité, est donc en train d’évoluer sans pour autant être remis en question sur le fond, comme le montre la réponse française à la question spécifique du foulard islamique porté par des élèves dans les établissements scolaires publics. La loi de 1905 est en effet très claire sur le devoir de neutralité des enseignants et le problème rencontré par l’Allemagne ne se pose pas en principe en France.[45]

En Allemagne en revanche, c’est la question d’autoriser ou non les élèves à porter des signes religieux à l’école qui surprend, car la RFA est ouverte aux activités religieuses à l’école. Contrairement à la France, l’école allemande n’est pas, de ce point de vue là, considérée comme un refuge. Finalement, les problèmes rencontrés par chacun des deux pays sont assez inconcevables chez l’autre ! On peut bien entendu être pour ou contre le port du foulard islamique dans les établissements scolaires, mais si l’on opte pour une interdiction, la comparaison franco-allemande montre que la loi française de 1905 rend celle-ci plus acceptable, sans pour autant régler tous les problèmes. En effet, alors que fin septembre 2005 la plupart des 639 contentieux français de l’année précédente avaient été réglés, force est de constater que la loi adoptée en 2004 avait bel et bien créé un problème là où il n’y en avait pas auparavant, notamment avec la communauté sikh. En ce qui concerne les élèves musulmanes, le port du foulard islamique avait provoqué l’exclusion de 47 et au départ volontaire de 96 d’entre elles.[46] En Allemagne, en juin 2005 la sociologue Yasemin Karakasoglu-Aydin avait recensé une trentaine d’enseignantes ou enseignantes-stagiaires portant le foulard en cours et environ 200 étudiantes se destinant à l’enseignement et comptant conserver leur foulard.[47]

« Derrière le voile » : La question de l’intégration des cultures étrangères

En toile de fond de la problématique du foulard islamique, il y avait bien entendu celle de l’intégration des cultures étrangères. Or, ce point ne fut suffisamment débattu ni en France ni en Allemagne, ce qui ne permit pas de mesurer les enjeux à leur juste valeur. Ce fut comme si les modèles d’intégration français et allemand, pourtant différents, ne pouvaient être remis en question : en Allemagne, l’acceptation du fait que les immigrés se sont installés définitivement est encore toute fraîche alors qu’en France le passé colonial a créé une tout autre situation. Par delà ces différences, les modèles d’intégration théoriques de chaque pays, et bien qu’il faille se garder d’une vision binaire quelque peu simpliste, sont eux aussi plutôt divergents : Comparée à un assimilationnisme français qui craint les communautarismes et où la seule communauté acceptable est celle des citoyens, la République fédérale a longtemps, pour sa part, été caractérisée par une absence de politique en la matière. Ceci avait créé de facto, ou involontairement, une situation de multiculturalité. Or, bien que le multiculturalisme allemand, même involontaire, eût semblé mieux armé pour répondre à la cohabitation de communautés étrangères et/ou religieuses, il y a tout de même eu des affaires de foulard dans ce pays, tout comme en France, même si elles sont apparues plus tard.

La question du foulard islamique a-t-elle provoqué une crispation identitaire en France et en Allemagne qui pourrait expliquer la difficulté que ces deux pays ont éprouvée à traiter ces contentieux ? Et à faire en sorte d’ouvrir un débat de société plus général sur l’intégration des cultures étrangères ? Cette évacuation du problème a eu pour conséquence que la dimension culturelle du foulard islamique a été négligée. Le Haut Conseil à l’Intégration, conscient que la question du foulard ne pourrait être réglée par la seule voie juridique, avait préconisé en 2001 un renforcement de la réflexion entre les pouvoirs publics et les enseignants, les parents d’élèves et les élèves. Il lui apparaissait capital de mener une discussion avec les jeunes filles concernées et de s’enquérir des raisons qui leur faisaient porter le foulard. Il fallait s’attaquer aux racines du problème plutôt que d’en traiter les effets.[48] En Allemagne, la sociologue Yasemin Karakasoglu-Aydin, auteure d’une grande étude sur la religiosité musulmane et les conceptions pédagogiques de jeunes enseignantes-stagiaires turques en Allemagne[49], a montré que les raisons qui poussent des jeunes filles à se couvrir d’un foulard sont très diverses et pas seulement de nature religieuse ou politique. Le foulard est parfois le moyen de faire le lien entre la culture d’origine et le pays dans lequel elles vivent, la France ou l’Allemagne. Cette théorie de la « troisième chaise » décrit la position des « néo-musulmanes » d’Europe qui ne se définiraient plus exclusivement par rapport à l’une ou l’autre culture. Dilemme qui aurait conduit les générations précédentes à rester assises « entre deux chaises ». Les néo-musulmanes chercheraient désormais leur émancipation dans une réinterprétation du coran, dénonçant les interprétations archaïques qui en sont faites, tout en choisissant de porter le foulard comme symbole de leur lien avec l’islam et leur culture d’origine. Michèle Vianès rapporte que parmi les trois jeunes filles à l’origine de la polémique à Creil en 1989, l’une vit aujourd’hui en Tunisie, est mariée, travaille et ne porte plus le foulard. Tandis que les deux autres, qui vivent en Europe, aux Pays-Bas et en France, sont elles aussi mariées mais n’exercent aucune activité professionnelle et portent toujours le foulard.[50] Michèle Vianès, très hostile au foulard qu’elle considère comme symbole d’oppression de la femme, montre bien malgré elle, à travers cet exemple, que la revendication de porter le foulard à l’école était peut-être plus politique que religieuse. Comme l’est toute revendication identitaire ou culturelle émanant d’une culture minoritaire. On ne peut qu’être d’accord avec Kirsten Wiese qui conclut que le foulard est un symbole ouvert à la fois aux interprétations et aux instrumentalisations.[51] Face à ce refoulement de la dimension identitaire du problème, la France et l’Allemagne ne se retrouvent toutefois pas dans la même posture.

Vue sous l’angle de la laïcité à la française, la polémique autour du foulard islamique ne pose pas avec la même acuité la question de l’intégration des cultures étrangères en France qu’elle ne le fait en Allemagne. En s’appuyant sur la loi de 1905, la réponse française se focalise sur la laïcité scolaire et évite une remise en question du modèle d’intégration.[52] En revanche, la réponse allemande apparaît en contradiction avec son propre modèle d’intégration. En effet, alors que certaines voix s’élèvent pour dénoncer une « xénophilie prescrite »[53] qui serait à la fois le fruit du multiculturalisme et du sentiment de culpabilité dû à la période nazie, l’Allemagne peine à admettre la nécessité d’une culture de référence (Leitkultur) pour les immigrés, comme la demandait Friedrich Merz (CDU) à l’automne 2000.

Force est de constater que les affaires de foulard, en dépit des différents termes dans lesquels elles furent posées, ont bel et bien ébranlé les certitudes de ces deux Etats dans leur rapport aux cultes, alors que ces questions semblaient définitivement réglées. Il ne serait pas exagéré de dire que ces cas ont révélé les faiblesses des Etats dans lesquels elles se sont manifestées : à savoir un manque d’ouverture à l’islam en tant que grande religion en Allemagne et une ouverture insuffisante aux cultes en général en France. Ces affaires auront finalement aussi agi comme catalyseur. Car la France comme l’Allemagne vont être amenées à revoir leur rapport aux cultes. Paradoxalement pour certains, logiquement pour d’autres, le changement est déjà entamé en France précisément grâce à la laïcité. En Allemagne, les choses sont plus difficiles compte tenu, d’une part, du fédéralisme et de l’ancrage du christianisme, et, d’autre part, à cause de la perte de neutralité de l’Etat. Les lois adoptées par les Länder montrent d’ailleurs que l’on n’évolue pas vers une égalité de traitement des cultes, ni une vraie neutralité de l’Etat. En rejetant à la fois le caractère normatif de la sécularité de l’Etat (de droit) et une laïcité à la française, l’Allemagne se retrouve dans une position inconfortable. Finalement, cette remarque vaut aussi pour la politique d’intégration car l’Allemagne ne semble pouvoir admettre ni le jusqu’au-boutisme du multiculturalisme ni la nécessité d’une culture de référence.



[1] Laïcité et République, Rapport de la Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République, remis au Président de la République le 11 décembre 2003, La Documentation française, Paris 2004, p. 124.

[2] Laïcité et République, p. 66–67.

[3] Beaucoup plus tard, et alors qu’il ne sera plus question de signes ostentatoires mais ostensibles, le ministre de l’Education Luc Ferry, quelque peu pris au dépourvu, ne dira-t-il pas que le port de la barbe pourrait être considéré comme ostensible ?

[4] Helvig, Jean-Michel (sous la dir. de), La laïcité dévoilée. Quinze années de débat en quarante rebonds, Paris, Editions de l’Aube, 2004, p. 10.

[5] Khosrokahva, Fahrid ; Gaspard, Françoise, L’égalité des filles, avec ou sans voile, dans Helvig, La laïcité dévoilée, p. 22–25, p. 22.

[6] L’islam dans la République, Rapport général du Haut Conseil à l’Intégration, La Documentation française, Paris 2001, p. 66.

[7] L’islam dans la République, p. 98.

[8] Long, Marceau ; Weil, Patrick, La laïcité en voie d’adaptation, dans Helvig, La laïcité dévoilée, p. 85–90, p. 86–87.

[9] Le Monde Dossiers et Documents, N°348, décembre 2005, p. 3.

[10] Pape, Elise, Das Kopftuch von Frauen der zweiten Einwanderergeneration. Ein Vergleich zwischen Frankreich und Deutschland, Shaker Verlag, Aix-la-Chapelle 2005, p. 28.

[11] Long ; Weil, La laïcité en voie d’adaptation, p. 88.

[12] Oestreich, Heide, Der Kopftuch-Streit. Das Abendland und ein Quadratmeter Islam, Francfort-sur-le-Main, Brandes & Apsel, 2004, p. 37.

[13] „Pressemitteilung Nr.119/98 des Ministeriums für Kultus, Jugend und Sport Baden-Württembergs“ in Oestreich, Der Kopftuch-Streit, p. 37–39.

[14] C’est-à-dire pour l’Allemagne, de la Fédération (Bund) et des régions (Länder).

[15] Heide Oestreich, Der Kopftuch-Streit, p. 51–52.

[16] Ibid., p. 54.

[17] En réalité le Tribunal constitutionnel était divisé : seule une majorité de cinq juges sur huit adhérait à cette conclusion, la minorité ayant même exprimé son opinion contraire dans un document plus long que le jugement lui-même, voir Bundesverfassungsgericht, Leitsätze zum Urteil des Zweiten Senats vom 24. September 2003, BVerfG, 2 BvR 1436/02 vom 3.6.2003, http://www.bverfg.de/entscheidungen/rs20030924_2bvr143602.htm, consulté le 2 juin 2008.

[18] Mise en évidence par l'auteur.

[19] Bundesverfassungsgericht, Leitsätze, op.cit.

[20] Mise en évidence par l'auteur.

[21] Les trois juges dissidents avaient évidemment une autre lecture des choses : En ce qui concerne la symbolique du foulard, ils pensaient qu’en tant qu’employeur, l’Etat (Inspection académique) avait tout à fait le droit de définir ce que représentait le foulard à telle ou telle époque, notamment s’il était considéré comme un défi aux valeurs de la société ou non. En matière de liberté de religion, les droits fondamentaux des élèves et des enseignants ne sont pas égaux. Les premiers sont contraints d’être à l’école et doivent donc être particulièrement protégés tandis que les seconds choisissent cette vocation. En tant que symbole religieux fort (du moins en 2003), le foulard portait par conséquent atteinte à la liberté négative des élèves et de leurs parents. Sur le plan de la neutralité, puisque l’Etat s’octroie à travers l’école une partie des droits parentaux, il doit veiller à être particulièrement neutre et n’exposer l’enfant à aucune religion. Enfin, en ce qui concerne le droit de la fonction publique, ils rappelèrent que le statut de fonctionnaire résultait d’un choix libre et que le fonctionnaire se plaçait librement du côté de l’Etat. Les obligations de service devaient être considérées comme l’envers de la liberté du citoyen, une nouvelle loi n’était donc pas nécessaire, voir Bundesverfassungsgericht, Leitsätze, op.cit.

[22] Pape, Das Kopftuch von Frauen, p. 24.

[23] « Aufruf wider eine Lex Kopftuch », voir la page Web de la Bundeszentrale für politische Bildung, http://www.bpb.de/, ici, http://www.bpb.de/themen/XUDYWD,0,0,Religi%F6se_ Vielfalt_statt_Zwangsemanzipation%21.html, consulté le 2 juin 2008.

[24] Voir Newsletter 6, août 2006 sur http://www.migration-info.de: http://www.migration-info.de/migration_und_bevoelkerung/artikel/060602.htm, consulté le 2 juin 2008.

[25] Beck, Marie-Luise, Sechster Bericht über die Lage der Ausländerinnen und Ausländer in Deutschland – Unterrichtung der Beauftragten der Bundesregierung für Migration, Flüchtlinge und Integration, Deutscher Bundestag, 15. Wahlperiode, 22. Juni 2005, Drucksache 15/5826, p. 137. La plaignante Fereshta Ludin qui avait fait appel auprès du tribunal administratif fédéral à Leipzig après la promulgation du nouveau règlement scolaire dans le Bade-Wurtemberg, a donc été déboutée. Pourtant le tribunal administratif fédéral a mis en garde les autorités du Bade-Wurtemberg en rappelant que la référence aux valeurs chrétiennes dans la mission éducative n’autorisait pas pour autant les nonnes à porter leur tenue religieuse en cours.

[26] Beck, Sechster Bericht, p. 135.

[27] Beck, Sechster Bericht, p. 136.

[28] http://www.bildung.bremen.de (consulté en juillet 2006)

[29] Beck, Sechster Bericht, p. 137.

[30] Der Spiegel, 18 octobre 2004.

[31] En juillet 2006, le tribunal administratif de Stuttgart a par exemple autorisé une enseignante à conserver son foulard en classe dans une Hauptschule en dépit de la loi d’interdiction du Land. Cette Allemande de 55 ans convertie à l’islam depuis plus de 20 ans avait porté plainte contre le loi du Land adoptée en 2004 et qu’elle jugeait discriminatoire envers l’islam, voir le communiqué de presse de la part du tribunal administratif de Stuttgart, http://vgstuttgart.de/servlet/PB/menu/1200794/index.html?ROOT=1192939, consulté le 2 juin 2008. Cette décision pourrait ouvrir la voie à une interdiction de tous les signes religieux.

[32] Contrairement à ce que beaucoup pensent, il est par exemple tout à fait possible de renoncer à la formule chrétienne usuelle « So wahr mir Gott helfe » lors des prestations de serment, comme le firent d’ailleurs cinq ministres du cabinet Schröder, voir Der Spiegel, 33, août 2005, p. 146.

[33] L’article 7 alinéa 3 de la Loi fondamentale réglemente la coopération entre l’Etat et les Eglises et stipule que l’enseignement religieux est un enseignement ordinaire (ordentliches Lehrfach) dans les écoles publiques allemandes à l’exception des écoles non-confessionnelles et qu’il est effectué en accord avec les principes des communautés religieuses. Ces communautés sont donc garantes des contenus de l’enseignement.

[34] Dans trois affaires comparables entre 1988 et 1995, des interdictions avaient été prononcées (robe Bhagwan, tenue musulmane et crucifix) voir Wiese, Kirsten, Im Namen des Deutschen Volkes, dans Tolmein, Oliver (sous la dir. de), Besonderes Kennzeichen : D. Wahre Deutsche, Staatsbürger zweiter Klasse und die unsichtbaren Dritten, Konkret Texte 30, Hamburg, 2001, p. 72–92, p. 74–75.

[35] Bielefeldt, Heiner, Muslime im säkularen Rechtsstaat – Integrationschancen durch Religionsfreiheit, Bielefeld, Transcript, 2003.

[36] Ibid., p. 15.

[37] C’est-à-dire la liberté individuelle de conscience, la liberté collective d’exercice du culte et l’égalité et la non-discrimination entre les religions, voir L’Islam dans la République, op.cit., p. 22.

[38] Laïcité et République, op.cit, p. 21.

[39] Ibid, p. 30.

[40] Boyer, Alain, La loi de 1905, dans Commission Islam laïcité, 1905–2005. Les enjeux de la laïcité, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 51–59, p. 56.

[41] Poulat, Emile, Notre laïcité publique, dans Commission Islam laïcité, 1905–2005. Les enjeux de la laïcité, p. 61–68, p. 65.

[42] Jean Baubérot parle d’une double réduction de la laïcité : à la laïcité scolaire d’une part et, d’autre part, de cette dernière à un problème unique (foulard), voir Baubérot, Jean, Ne nous voilons pas les yeux, dans Helvig, La laïcité dévoilée, p. 52–58, p. 52.

[43] Sarkozy, Nicolas, La République, les religions, l’espérance. Entretiens avec Thibaud Collin et Philippe Verdin, Paris, Les Editions du Cerf, 2004, p. 21 et 77.

[44] Nicolas Sarkozy a aussi évoqué la possibilité d’accorder des avantages fiscaux aux fidèles souscrivant au denier du culte ou encore de garantir les emprunts pour la construction d’édifices religieux.

[45] Saisi du cas d’une surveillante dont la mission avait été interrompue parce qu’elle refusait de retirer son foulard, le Conseil d’Etat avait rappelé en mai 2000 qu’en vertu du principe de laïcité, les agents de l’enseignement public ne disposaient pas du droit de manifester leurs croyances religieuses, voir Helvig, La laïcité dévoilée, p. 11.

[46] Sur les 639 litiges, 2 concernaient des grandes croix, 11 des turbans sikhs et 626 des foulards islamiques, voir Le Monde Dossiers & Documents, N° 348, décembre 2005. A la rentrée 2006, 4 jeunes sikhs étaient privés de cours à cause de leurs turbans, bien qu’accueillis dans leur établissement.

[47] Karakasoglu-Aydin, Yasemin, Muslimische Religiosität und Erziehungsvorstellungen. Eine empirische Untersuchung zu Orientierungen bei türkischen Lehramts- und Pädagogik-Studentinnen in Deutschland, Francfort-sur-le-Main, IKO-Verlag für Interkulturelle Kommunikation, 2000.

[48] L’islam dans la République, op.cit., p. 22.

[49] Karakasoglu-Aydin, Yasemin, Muslimische Religiosität und Erziehungsvorstellungen. Eine empirische Untersuchung zu Orientierungen bei türkischen Lehramts- und Pädagogik-Studentinnen in Deutschland, Francfort-sur-le-Main, IKO-Verlag für Interkulturelle Kommunikation, 2000.

[50] Vianès, Michèle, Un voile sur la République, Paris, Editions Stock, 2004, p. 87.

[51] Wiese, Im Namen des Deutschen Volkes, p. 78.

[52] Il n’y a pas forcément de quoi s’en réjouir. Si l’on en croit le socio-démographe Patrick Simon, « il y aurait en France une résistance pour reconnaître le caractère multiculturel de la société. Il y aurait même une hantise de l’altérité qui a pour conséquence que l’on tente régulièrement de la renvoyer dans le champ de l’invisible », voir Simon, Patrick, L’encombrante visibilité, dans Helvig, La laïcité dévoilée, p. 91–95.

[53] « Eine verordnete Fremdenliebe ». L’expression est empruntée à Bassam Tibi, politologue allemand d’origine syrienne.


Für das Themenportal verfasst von

Gilles Leroux

( 2008 )
Zitation
Gilles Leroux, La laïcité à l’épreuve du foulard islamique. une comparaison franco-allemande, in: Themenportal Europäische Geschichte, 2008, <www.europa.clio-online.de/essay/id/fdae-1689>.
Navigation